Littérature

Alfred de Vigny, Chatterton : résumé, personnages et analyse

Couverture fiche de lecture de Chatterton d'Alfred de Vigny réalisée par LesRésumés.com
Ecrit par Les Résumés

Chatterton est une pièce de théâtre en trois actes écrite par Alfred de Vigny, un auteur français, en 1835. Cette œuvre appartient au mouvement romantique. Elle met en scène le dernier jour de la vie du poète britannique Thomas Chatterton, figure tragique du XVIIIe siècle, considéré comme un symbole de l’artiste maudit. Étudions cette œuvre historique du XIXe siècle.

Résumé détaillé scène par scène de Chatterton d’Alfred de Vigny

Acte 1

Dans un appartement vaste et confortable qui sert d’arrière-boutique à la maison de John Bell, différents membres de la famille Bell sont présents, y compris Kitty Bell et un enfant. Le décor comprend une cheminée allumée, diverses portes menant à d’autres pièces, et une grande porte vitrée. Cette dernière offre une vue sur une boutique luxueuse. Le Quaker est en train de lire dans un coin de la pièce.

Scène 1

Kitty Bell découvre que sa fille Rachel a reçu un livre d’un locataire qui vit chez eux depuis trois mois. Bien que Kitty soit d’abord contrariée et demande à Rachel de rendre le livre, le Quaker, un ami de la famille, lui fait réaliser que cela serait blessant pour le donneur. Elle change d’avis et encourage sa fille à garder le livre. La scène est interrompue par le son de la colère du père, suscitant inquiétude et frayeur. Le Quaker révèle que la colère du père est due à un désaccord avec les ouvriers de son usine. La scène met en évidence les dynamiques familiales et les tensions externes influençant l’atmosphère à la maison.

Scène 2

John et son équipe d’ouvriers font leur apparition sur scène. Très émotif, il exprime son désir de les voir redoubler d’efforts dans leur travail, une idée à laquelle ils résistent fermement. Le quaker, figure sage et détachée, assiste à cet échange, ponctuant l’altercation de remarques sarcastiques distillées à des moments opportuns.

Peu à peu, les tensions diminuent ; John et le quaker se retrouvent alors dans une conversation plus calme, cherchant à comprendre et à décortiquer les enjeux du conflit qui vient de se jouer. Alors que le quaker fait preuve d’une lucidité acérée, John semble incapable de se défaire d’une colère profonde, révélant un cynisme marqué. Dans un sursaut d’agitation, John fait appel à son épouse.

Scène 3 & Scène 4

Kitty Bell est confrontée à l’irritabilité et aux soupçons de son mari John. Alors qu’elle présente les comptes de leur logement, John exprime des doutes sur l’exactitude des chiffres et mentionne l’absence de certaines sommes d’argent. Il critique également l’apparence de Rachel et la gestion de la maison. La conversation se transforme en une querelle où Kitty se retrouve sur la défensive, tentant de comprendre les reproches de son mari. L’interaction révèle un foyer tendu, avec un John insatisfait et accusateur, et une Kitty sous pression et embarrassée. Toutefois, elle cherche à maintenir la paix. John ordonne à Kitty de refaire les comptes dans leur chambre, soulignant le contrôle qu’il exerce sur elle.

Rachel exprime sa peur, ce qui amène le quaker à réfléchir sur le cycle de peur qui peut accompagner une vie de femme. Il l’encourage à jouer et à éviter la réflexion profonde pour préserver son innocence aussi longtemps que possible. Alors qu’ils ont cet échange, Chatterton fait son apparition, descendant lentement les escaliers et s’arrêtant pour observer le quaker et l’enfant. Le quaker tente de réconforter Rachel en l’attirant vers lui et en attirant son attention sur Chatterton.

Scène 5

Thomas Chatterton fait son entrée. Il est évident qu’il partage un lien spécial avec Rachel, qui lui court immédiatement dans les bras dès qu’elle le voit, échangeant de nombreuses étreintes avec lui. Tout en conversant avec le quaker, Chatterton se révèle être à la fois spirituel et désenchanté. Dès ses premiers mots, on perçoit l’évocation du suicide, traduisant un profond sentiment d’incompréhension et un idéalisme exalté qui contraste fortement avec la perspective pragmatique et limitée de John Bell. Devant l’atmosphère de plus en plus tendue qui se dessine dans la pièce, le quaker et Chatterton choisissent de s’éloigner, préférant une promenade à l’extérieur plutôt que d’être témoins d’une dispute inévitable.

Scène 6

John est hors de lui étant donné qu’il manque six guinées dans les comptes. Il suspecte Kitty d’être derrière cette disparition et de les avoir dépensées sans son consentement ; sous la pression, Kitty concède, non sans affirmer son droit en tant qu’individu à agir de manière autonome. John insiste pour connaître les détails de cette dépense, mais Kitty le conjure de lui accorder un sursis jusqu’au lendemain. Elle lui promet d’apporter alors une explication et de chercher à se faire pardonner. Finalement, John consent à lui donner ce temps.

Acte 2

Scène 1

Le Quaker et Chatterton reviennent de leur balade. Chatterton est en proie à la panique après avoir croisé la route d’un ami, Lord Talbot, car il tient à rester incognito. Malgré les tentatives du quaker pour l’apaiser, Chatterton est convaincu d’être victime d’un destin malheureux qui le submerge. Entretemps, les Bell font leur retour de chasse.

Scène 2

John découvre grâce à Lord Talbot l’identité du mystérieux Tom et commence à développer une amitié avec lui. En signe d’ouverture, il l’invite d’abord à partager une tasse de thé, puis à se joindre à lui pour le déjeuner. Cependant, Chatterton décline ces offres et choisit de se retirer dans sa chambre, ignorant les efforts du quaker pour le persuader de faire autrement. Peu après, un serviteur arrive, accompagné des enfants Bell.

Scène 3

Peu de temps après leur arrivée, six lords curieux font leur entrée, y compris, bien sûr, Lord Talbot. Ce dernier, légèrement éméché, révèle sans retenue l’identité de Chatterton, le mettant dans une situation très gênante. Nous apprenons que Chatterton est en période de deuil suite au décès de son père. En plaisantant, Lord Talbot insinue une romance secrète entre Kitty et le poète. Le quaker tente en vain de calmer Lord Talbot.

Finalement, l’ensemble des lords, accompagnés de John, décident de retourner à la chasse. Avant de partir, John insiste pour que Kitty ait une conversation avec Chatterton. Il veut qu’elle le convainc d’opter pour une chambre plus spacieuse et plus onéreuse. Conscient du malaise que cette situation provoque tant pour Kitty que pour Chatterton, le quaker décide de rester, malgré les encouragements de John à le rejoindre.

Scène 4

Comme on pouvait s’y attendre, Chatterton décline l’offre d’une chambre plus opulente. L’ambiance devient tendue : Kitty est profondément confuse, ne sachant plus à qui elle parle. Chatterton se trouve dans un état d’embarras extrême, ne sachant plus où se positionner dans cette situation. Dans un élan de désespoir, il s’enfuit pour se réfugier dans sa chambre, après avoir erré dans tous les sens.

Scène 5

Kitty est abattue, et le quaker essaie d’éclaircir le comportement du jeune poète. Une fois de plus, l’idée d’une mort salvatrice est mise sur la table. Le quaker émet l’hypothèse qu’il serait préférable pour Chatterton de mourir plutôt que de sombrer dans la folie. Il informe également Kitty que Chatterton est à présent ruiné. Kitty avoue que c’est elle qui lui avait prêté de l’argent pour combler le manque dans les comptes. Elle est émue par sa situation et insiste pour qu’il ne soit pas abandonné à un sort tragique. Le quaker s’engage à veiller sur lui et à l’assister dans la recherche de soutien auprès de ses bienfaiteurs.

Acte 3

Scène 1

Chatterton est en proie à la détresse financière et à un profond désarroi émotionnel. Il est assis sur son lit, oscillant entre la résolution de travailler sur son manuscrit et l’abandon au désespoir. La pression du temps, représentée par les sonneries répétées de l’horloge, accentue son angoisse. Cela le conduit à un dialogue intérieur tumultueux où il débat de sa valeur, de son identité et de la légitimité de son art. Chatterton envisage l’opium comme une échappatoire potentielle à ses souffrances. Il rend hommage à la mémoire de son père, en se reprochant amèrement ses choix de vie. Un sentiment de résignation et une prise de conscience de sa liberté, même dans le désespoir, semblent s’emparer de lui, symbolisés par sa décision de laisser l’opium à la vue de tous. Dans ce monologue intérieur déchirant, Chatterton illustre la lutte solitaire et épuisante de l’artiste contre lui-même. Il est tiraillé entre sa passion pour l’art et les réalités impitoyables de la vie.

Scène 2

Le Quaker tente de dissuader Chatterton de se suicider. Ce dernier est désespéré par l’incompréhension et le rejet de la société. Il a déjà tenté de se suicider une fois, et il est sur le point de le faire à nouveau. Le Quaker commence par essayer de raisonner avec Chatterton. Il lui dit que la vie est pleine de changements, et que la Fortune peut encore lui sourire. Il lui rappelle également que le suicide est un acte de lâcheté.

Chatterton ne veut pas entendre parler de raison ou de courage. Il est convaincu que la vie n’a plus rien à lui offrir. Il lui dit qu’il a déjà essayé de vivre, mais que cela n’a servi à rien.

Voyant que ses arguments ne font pas effet, le Quaker décide de lui révéler un secret. Il lui dit que Kitty Bell est amoureuse de lui. Cette révélation bouleverse Chatterton. Il n’avait jamais imaginé que Kitty Bell puisse avoir des sentiments pour lui. Il se rend compte que son suicide serait une double tragédie, car il causerait la mort de Kitty Bell. Le Quaker en profite pour exhorter Chatterton à vivre. Il lui dit qu’il doit se battre pour sa vie, et qu’il doit prier Dieu pour obtenir la force de le faire.

Scène 3

Kitty Bell et le Quaker discutent du futur de Chatterton. Ce dernier semble avoir du mal à s’intégrer. Kitty est prête à parler à Chatterton de l’idée de déménager ailleurs pour son bien. Toutefois, le Quaker veut attendre le bon moment pour lui en parler. Kitty tente d’adoucir la vie du jeune homme en envoyant ses enfants lui apporter des fruits et en exprimant son admiration pour le talent de l’auteur.

Scène 4

Lord Talbot vient discuter avec la famille Bell et le Quaker des récentes difficultés de Chatterton. Ils parlent des calomnies qui touchent le jeune homme, d’une possible arrestation à cause de dettes impayées et de la promesse désespérée qu’il a faite pour essayer de les régler. Lord Talbot veut aider Chatterton en toute discrétion tandis que Kitty envisage de faire appel à l’influent lord-maire de Londres pour venir en aide au jeune poète.

Scène 5

Endeuillé par la perte récente de son père, Chatterton est dans une situation précaire, à la fois financièrement et en termes de réputation. En effet, on l’accuse de plagiat. Talbot se porte volontaire pour soutenir le poète en réglant ses dettes et en sollicitant l’aide de personnalités puissantes et riches. Cependant, cette démarche généreuse est mal vue par John Bell, qui considère que le poète ne mérite pas une telle sollicitude.

Scène 6

Chatterton se trouve dans une situation difficile. Le lord-maire, M. Beckford, vient lui rendre visite et le critique sévèrement sur sa passion pour la poésie, la qualifiant d’inutile. Malgré tout, Beckford lui propose un contrat de travail, en tant que valet. Sur l’insistance de ses proches, en particulier Kitty Bell, Chatterton accepte l’offre à contrecœur, abandonnant ainsi ses rêves poétiques. Toutefois, Chatterton annonce qu’il doit brûler quelques papiers avant de le rejoindre.

Scènes 7 et 8

Après un ultime monologue, Chatterton se suicide en avalant un poison. Kitty découvre le cadavre du poète et s’effondre de chagrin. Le quaker demande à John Bell d’emmener les enfants, et Kitty meurt dans ses bras.

Présentation des personnages

Chatterton incarne la figure archétypique du poète romantique, à la fois marqué par le génie et voué à la souffrance. À seulement dix-huit ans, Chatterton porte en lui le poids d’un lourd héritage familial et d’une situation financière précaire à la suite du décès de son père, un marin qui l’a laissé sans le moindre revenu. Malgré ses affiliations avec des figures respectées telles que Lord Talbot, forgées au cours de son passage à l’université, le jeune homme peine à trouver sa place dans un monde qui semble constamment en décalage avec ses aspirations profondes. Physiquement marqué par les affres de la création littéraire, il est dépeint comme un individu pâle et affaibli, fruit des nombreuses nuits passées à écrire et à rêver, plutôt qu’à dormir. Il vit dans une solitude quasi-hermétique, exacerbée par une fierté impérieuse qui lui interdit de révéler sa précarité financière à son entourage. C’est un être rêveur et hypersensible. Il est incapable de s’adonner à un travail autre que celui de poète, un choix qui le condamne à la misère, mais qu’il embrasse avec une dévotion sacrée. Lorsqu’il tente de monnayer son art, il se heurte à un obstacle insurmontable : l’absence d’inspiration. Sa carrière poétique est marquée par un succès ambigu ; bien que reconnu pour des œuvres qu’il a initialement attribuées à un auteur fictif avant de revendiquer sa paternité, la gloire qui en découle ne se traduit pas par une sécurité financière. Chatterton incarne la quintessence du “mal du siècle”, un concept cher aux romantiques, définissant l’inadéquation profonde et douloureuse entre l’artiste et la société dans laquelle il vit. Dans ce monde inapte à satisfaire ses désirs et à comprendre sa sensibilité extrême, Chatterton est en proie à une mélancolie perpétuelle. Il est prisonnier de son propre génie et de l’époque dans laquelle il vit. Ainsi, Chatterton s’inscrit dans la longue lignée des poètes maudits, ces êtres de pure création, voués à une vie de souffrance en raison de leur nature exceptionnelle et inadaptée au monde réel. Son personnage est un hommage, mais aussi un avertissement. Il illustre la beauté tragique du poète romantique, tiraillé entre le sublime de son art et l’impitoyabilité de la réalité quotidienne. Cette figure héroïque et tragique, à la fois génie et martyr de son art, contribue à forger le mythe du poète maudit. Ce stéréotype persistera et se renforcera au fil des années, bien au-delà de la seconde moitié du XIXe siècle.

Kitty Bell est la jeune épouse de John Bell et se dédie essentiellement à la gestion du foyer familial et à l’éducation de ses trois enfants. Bien qu’ayant environ 22 ans, la jeune femme vit dans une atmosphère oppressante. Elle subit constamment le contrôle de son mari et se voit privée de moments de solitude et de réflexion personnelle. Elle est présentée par Vigny comme une figure mélancolique, timide et gracieuse, incarnant la féminité et la douceur, mais également une profonde résignation face à la tyrannie de son mari. Elle trouve un certain réconfort et une consolation dans le dévouement inconditionnel envers ses enfants. Cet amour pur et sans limites la définit en grande partie. Lorsqu’elle rencontre le personnage de Chatterton au début de la pièce, elle se trouve immédiatement troublée par la présence du jeune poète. Une connexion intense et mystérieuse s’établit entre eux, bien que la jeune femme lutte ardemment contre l’émergence de ses sentiments. Ces derniers restent en grande partie silencieux et réservés. Sa nature introspective et contemplative la rend extrêmement sensible à la profondeur du poète. Elle reconnaît en lui un semblable, une âme torturée par un monde qui ne les comprend pas. Le personnage de Kitty Bell prend une dimension presque angélique au fil de la pièce. En effet, le Quaker et Chatterton la voient comme une incarnation de la pureté et de la vertu. Cette idéalisation trouve son apogée dans sa mort tragique, un événement dramatique qui survient sur scène dans les derniers moments du récit. Cette mort spectaculaire, symbole de sacrifice et de désespoir, a marqué profondément les spectateurs. En créant le personnage de Kitty Bell, spécialement pour l’actrice Marie Dorval, Vigny offre une représentation nuancée et puissante de la féminité. Il associe fragilité et force, résignation et dignité. Elle incarne la complexité de la condition humaine, tiraillée entre le devoir et le désir, entre les exigences de la société et les appels du cœur. Kitty Bell reste ainsi gravée dans les mémoires comme l’un des personnages féminins les plus poignants et tragiques du théâtre romantique. C’est une figure d’une grâce mélancolique qui porte en elle une beauté tragique et une profonde humanité.

Le Quaker est à la fois médecin et ami fidèle de la famille Bell, une relation qui a débuté lorsqu’il a sauvé l’un des enfants de la famille. Ce vieil homme, âgé de quatre-vingts ans, est dépeint comme robuste, bienveillant et empli de bonté. Au sein du récit, il incarne une figure de sage. Il est important de noter que sa foi, le quakerisme, joue un rôle central dans sa représentation. Cette religion, née de dissidences au sein de l’Église anglicane au XVIIe siècle, met l’accent sur une connexion personnelle et intérieure avec Dieu. Toutefois, elle n’a pas recours à une structure hiérarchique ou un credo spécifique. Cette perspective influence profondément sa vision du monde et son comportement dans la pièce, l’amenant à valoriser la bonté intrinsèque et la dignité personnelle. Le Quaker incarne la voix de la sagesse et de la raison tout au long du drame. Il fait preuve d’une capacité remarquable à lire entre les lignes et à percevoir les non-dits qui caractérisent les interactions entre les principaux protagonistes. Sa profonde compréhension des enjeux humains et de la complexité des émotions en jeu le conduisent à entrevoir la tragédie imminente. Il s’efforce de dévier le cours des événements pour éviter un dénouement fatal. Il a également un rôle de commentateur. En effet, il offre au spectateur une lecture éclairée et profonde des événements de la pièce, parfois se substituant même à l’auteur pour articuler les thèmes et les enjeux du drame. Ceci est particulièrement évident dans ses échanges avec Chatterton, où il sert de porte-parole à Vigny. Il exprime des vérités amères mais fondamentales sur la nature humaine et le destin tragique du poète. Dans un échange poignant avec Chatterton, il déclare que “la maladie de l’humanité” est incurable. Ainsi, il souligne la vision tragique et sombre du monde qui imprègne la pièce. À travers ce personnage, Vigny explore les thèmes du désespoir, de la souffrance humaine et de l’incompatibilité fondamentale entre l’artiste et la société. Parallèlement, il apporte une perspective empreinte de compassion et de compréhension profonde de la condition humaine. Le Quaker apparaît donc comme un symbole de sagesse et de bonté, mais aussi comme un narrateur et un interprète des événements tragiques qui se déroulent. Il joue un rôle crucial dans la mise en lumière des thèmes sombres et complexes de l’œuvre.

John Bell incarne une forme de matérialisme brutal et impitoyable. Il est dépeint comme un homme avare, brutal et ambitieux. Il est principalement guidé par son propre intérêt et sa volonté de maintenir et d’augmenter sa fortune. Son approche du monde est dictée par une vision matérialiste qui place l’argent et le pouvoir au-dessus de toutes les autres considérations, y compris le bien-être et la dignité humaine. À l’égard de sa femme, Kitty Bell, il apparaît comme un mari jaloux et possessif, témoignant d’une nature cruelle et intransigeante. Il étend cette cruauté à ses ouvriers. Il considère ces derniers comme des outils destinés à servir ses desseins et à augmenter sa richesse. Il refuse de les voir comme des individus dotés de leur propre valeur. Dès le premier acte, il affirme que tout lui appartient : la terre parce qu’il l’a achetée, les maisons parce qu’il les a construites, les habitants parce qu’il les loge, et le travail parce qu’il le paie. Cela illustre clairement sa philosophie matérialiste. Il considère que sa richesse lui donne le droit de posséder et de contrôler tout ce qui l’entoure. Il s’affranchit de toute morale ou de toute éthique en se cachant derrière la légalité de ses actions. Ce credo matérialiste éclaire non seulement sa propre perspective, mais offre également un regard critique sur les valeurs de la société à cette époque. Cela met en lumière l’inhumanité et l’égoïsme qui peuvent découler d’une dévotion sans limite au matérialisme. Dans ce sens, John Bell symbolise l’échec moral d’une société régie par les lois du marché. Ici, l’argent et la propriété sont les seuls critères de valeur et de respect. Sa présence dans la pièce fonctionne comme une mise en garde contre les dangers d’un matérialisme sans frein. Elle illustre les conséquences tragiques qui peuvent résulter de l’abandon des principes humains fondamentaux d’empathie, de compassion et de respect mutuel. Il se présente comme l’antithèse du poète Chatterton, illustrant le gouffre qui sépare les idéaux romantiques de créativité, d’individualisme et d’expression authentique de la réalité crue et impitoyable d’une société qui valorise uniquement la richesse matérielle. Cette dualité sert à amplifier la tragédie de l’histoire de Chatterton. Elle met en relief la cruelle indifférence du monde face à la sensibilité et à la beauté.

Lord Talbot est décrit comme une figure qui, bien que se présentant comme un ami de Chatterton, ne fait rien de concret pour l’aider dans sa situation précaire. Il incarne l’hypocrisie de la haute société qui prétend soutenir les arts et les artistes mais qui, dans les faits, ne leur apporte aucune aide véritable. Sa relation avec Chatterton est empreinte de fausseté et d’inaction, et démontre le décalage entre les belles paroles et les actes qui ne suivent pas, mettant en lumière l’abandon des artistes par ceux qui ont les moyens de les aider, mais choisissent de ne pas le faire.

Le Lord-Maire M. Beckford représente la cruauté et le mépris ouvert de la haute société envers les poètes. Il humilie volontairement Chatterton, non seulement en exprimant du mépris pour son œuvre poétique mais aussi en lui offrant une position de valet. Cette proposition est une insulte directe à la fierté et à la dignité de Chatterton. Il est sans pitié, ne voyant pas la valeur de la poésie et conseillant sans ménagement à Chatterton d’abandonner sa vocation poétique. La proposition de Beckford est un exemple extrême de l’indifférence et du manque de respect que la société de l’époque éprouvait pour les arts, et sert de catalyseur tragique pour le destin final de Chatterton.

Analyse de l’oeuvre

Le choix méticuleux des mots dans Chatterton

Dans Chatterton, Alfred de Vigny utilise un langage poétique et élégiaque pour exprimer les profondeurs du désespoir et les tourments de l’âme du jeune poète. Le langage élégiaque est caractérisé par une expression intense des sentiments de mélancolie, de tristesse et de douleur.

Le choix des mots, la richesse de la syntaxe et l’utilisation d’images poétiques contribuent à créer une atmosphère de beauté tragique. Les dialogues sont construits de manière à refléter la complexité des émotions humaines et les déchirements intérieurs de l’artiste face à une société qui ne le comprend pas et ne le reconnaît pas.

Vigny recourt à une langue riche et soignée pour dépeindre le monde intérieur de Chatterton, ce qui permet au public de pénétrer dans l’univers intime et tourmenté du poète. Ce langage poétique est une invitation à ressentir de manière profonde la tragédie personnelle du protagoniste. Il offre ainsi une expérience littéraire qui va au-delà de la simple narration des faits, et qui aspire à toucher le spectateur ou le lecteur dans sa sensibilité la plus profonde.

Chatterton : métaphore de l’artiste sacrifié

Dans l’œuvre de Vigny, Chatterton sert de symbole puissant pour tous les artistes maudits, sacrifiés sur l’autel de l’indifférence sociale. Il incarne l’artiste pur, visionnaire, dont le génie est étouffé par la médiocrité et l’incompréhension de la société.

Cette représentation de Chatterton comme symbole des artistes incompris met en lumière une critique acerbe de la société qui, au lieu de nourrir et de chérir les talents, les laisse mourir dans l’indigence et dans l’anonymat. En illustrant la vie tragique de Chatterton, Vigny dénonce la vision mercantile de l’art prévalant dans la société, où l’art n’est pas valorisé pour sa beauté intrinsèque, mais pour sa valeur monétaire.

Le personnage de Chatterton incarne ainsi un idéal romantique, sacrifié par une société impitoyable et mercantile. Celle-ci est incapable de voir au-delà de la matérialité des choses, et indifférente à la spiritualité et à la quête de beauté qui anime l’artiste véritable.

Entre rébellion et résignation : l’acte final de Chatterton

La fin tragique de Chatterton illustre la dure réalité de la vie d’un artiste dans une société indifférente à l’art et aux aspirations profondes de l’individu. Le suicide de Chatterton n’est pas simplement un acte de désespoir, mais le résultat inévitable d’une vie passée à lutter contre l’incompréhension et l’indifférence.

Cette tragédie personnelle est mise en scène de manière à susciter une réflexion profonde sur le rôle et la place de l’artiste dans la société. Le choix du suicide n’est pas seulement une fuite, mais aussi un acte de rébellion contre une société qui ne permet pas à l’individu de réaliser pleinement son potentiel.

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