Sympathisant du communisme, André Gide se rend en URSS avec d’autres intellectuels en 1936. Très vite, il prend conscience que le décor n’est pas aussi idyllique qu’il n’y paraît. Une fois revenu en France, il décide alors d’écrire Retour de l’URSS. Partons à la découverte de l’un des plus grands désenchantements de cet auteur français du XXe siècle avec cet essai.
Résumé détaillé chapitre par chapitre de Retour de l’URSS de André Gide
AVANT-PROPOS
Dans cet avant-propos, André Gide exprime son admiration et son amour pour l’U.R.S.S., ainsi que son espoir en ses immenses progrès. Toutefois, des signes indiquant un changement d’orientation le préoccupent. Bien qu’il reconnaisse les critiques envers l’U.R.S.S., il demeure résolu à la défendre. Il met en lumière les aspects à la fois positifs et négatifs du pays, tout en insistant sur la nécessité d’authenticité dans l’amour et la critique. Il nourrit l’espoir que les erreurs seront rectifiées et que la vérité de la cause universelle l’emportera.
LE CORPS DU ROMAN
CHAPITRE 1
Gide a connu une joie intense et une amitié sincère lors de ses interactions avec les travailleurs en Géorgie, où il a versé des larmes de joie et tissé des liens d’affection, malgré la barrière de la langue. Il a spontanément visité des écoles et des clubs en URSS, témoignant du bonheur et du bien-être des enfants et des personnes âgées. Les parcs culturels, comme celui de Moscou, proposaient une gamme d’activités dans une atmosphère à la fois sérieuse et festive. Gide se montrait de plus en plus intéressé par les aspects psychologiques et sociaux, se concentrant davantage sur les personnes que sur les paysages. Son voyage en train de Moscou à Ordjonékidzé a été marqué par une interaction chaleureuse avec un groupe de jeunes Komsomols, avec lesquels il a passé une soirée mémorable.
CHAPITRE 2
Saint-Pétersbourg charme par son esthétique raffinée, évoquant les œuvres de Pouchkine, de Baudelaire et de Chirico, avec un Musée de l’Ermitage qui impressionne. En revanche, si Moscou déçoit par son architecture, elle séduit par son énergie et son uniformité estivale. Les commerces se bonifient progressivement malgré un approvisionnement parfois médiocre. Les fruits et légumes restent en dessous des attentes, alors que le vin et certains poissons fumés sont très appréciés.
CHAPITRE 3
En URSS, l’unicité d’opinion est la norme, soutenue par le contrôle de l’information orchestré par La Pravda. Les Soviétiques acceptent leur condition, persuadés d’être plus heureux qu’ailleurs. La culture et l’éducation ont pour dessein de glorifier l’URSS, limitant toute forme d’autocritique. Gide remarque que les Soviétiques se préoccupent davantage de l’opinion étrangère que de la réalité étrangère. Les ouvriers éduqués ont des idées préconçues sur la France et les jeunes filles instruites croient que tous les films russes sont interdits en France. Quand il questionne leur connaissance de la France, il se heurte à leur désaccord.
p style=”text-align: justify;”>Gide a visité le camp d’Artek, un véritable paradis pour les enfants soviétiques modèles. Un jeune Allemand, élevé à la soviétique, l’a guidé à travers le parc, exprimant son enthousiasme pour les réalisations soviétiques. Gide a remarqué que certaines structures étaient fragiles, sans toutefois le mentionner à l’enfant. L’auteur a apprécié l’hôtel de Sotchi pour ses sanatoriums et ses maisons de repos, mais la situation des ouvriers l’a préoccupée. Gide critique la croissance des inégalités sociales et la répression. Il appelle à un retour à l’esprit critique de la révolution initiale.
CHAPITRE 4
Lors de sa visite à une raffinerie de pétrole, Gide est surpris par l’absence de nouvelles en provenance d’Espagne et par le malaise perceptible lors des toasts portés à la victoire du Front rouge espagnol et à Staline. En traversant Gori, la ville natale de Staline, il exprime le désir d’envoyer un message courtois à ce dernier. Cependant, les contraintes de traduction le poussent à incorporer des termes flatteurs qu’il juge absurdes. Il accepte à contrecœur, tout en refusant d’assumer la responsabilité de ces modifications. Gide critique la manipulation linguistique qui isole Staline du peuple et sa déception face aux changements du leader dans les plans quinquennaux. Il souligne l’écart entre les idéaux et la réalité de la politique soviétique, y compris la peur de l’Allemagne et du trotzkisme, ainsi que l’obéissance aveugle. Pour lui, Staline n’incarne pas l’espoir de la dictature du prolétariat, sa domination personnelle et l’élimination de l’opposition sont des faits dangereux qui mènent au terrorisme. L’uniformisation forcée de l’humanité est, selon lui, une entreprise absurde.
CHAPITRE 5
Gide expose ses réflexions sur la valeur intrinsèque d’un écrivain et l’impératif de résistance qui doit sous-tendre son œuvre. Une conversation avec un artiste révèle une préférence pour des œuvres d’art accessibles et populaires, plutôt que pour des créations plus complexes. L’auteur exprime des préoccupations quant à la suppression de la liberté artistique et à la pression du conformisme social. Son interlocuteur argue que le marxisme peut générer de grandes œuvres d’art, à condition qu’elles soient intelligibles pour tous, sinon elles ne devraient pas exister. S’ensuit un long discours de cet interlocuteur, à la suite duquel Gide décide de ne pas répondre. Un peu plus tard, l’artiste retrouve Gide pour lui expliquer qu’ils étaient écoutés et lui annonce qu’il doit bientôt présenter ses nouvelles toiles au public.
En URSS, Gide raconte que l’art est soumis à l’orthodoxie politique. Le formalisme est condamné, la beauté est considérée comme bourgeoise et la littérature est orientée selon une ligne de pensée unique. La liberté de pensée est restreinte et les jeunes sont conditionnés. L’auteur met en garde contre la perte de la capacité de questionnement et de l’originalité artistique au profit du conformisme. Il exprime ses craintes que des talents exceptionnels soient négligés en raison de l’appréciation subjective de leur valeur.
CHAPITRE 6
Sébastopol, la dernière étape de son voyage en U.R.S.S., a fasciné Gide en dépit de ses défauts et des souffrances apparentes. Il est déchiré entre des sentiments de chaleur et de froideur, se demandant comment il pourra rendre compte de manière honnête et nuancée de son expérience une fois de retour à Paris. Tout en refusant de dissimuler la vérité pour plaire, il souligne l’importance de ne pas attribuer à la cause révolutionnaire les problèmes qu’il a constatés en U.R.S.S.
APPENDICES
DISCOURS PRONONCÉ SUR LA PLACE ROUGE À MOSCOU POUR LES FUNÉRAILLES DE MAXIME GORKI (20 juin 1936)
Le discours prononcé lors des funérailles de Maxime Gorki souligne l’importance de sa voix en tant que représentant du peuple russe et de la culture universelle. Il défend l’idée que la culture ne doit pas être réservée à une classe privilégiée, mais doit être protégée et illustrée par les forces révolutionnaires internationales. Le discours souligne également le lien entre la culture nationale et la culture universelle. L’écrivain russe Maxime Gorki est salué comme un révolutionnaire dont la destinée a lié le passé au nouvel avenir, donnant une voix à ceux qui étaient auparavant exclus et assurant leur place dans l’histoire.
DISCOURS AUX ÉTUDIANTS DE MOSCOU (27 juin 1936)
Dans ce discours prononcé devant des étudiants à Moscou en 1936, l’auteur exprime son émotion d’être parmi eux et explique qu’il a toujours écrit pour les générations futures. Il mentionne son manque de succès de son vivant, mais croit en la valeur profonde des œuvres d’art qui sont souvent comprises plus tard. Il souligne l’importance des jeunes étudiants russes dans la construction de l’avenir, les encourageant à rester vigilants et à assumer leurs responsabilités pour façonner le destin de l’URSS et du reste du monde.
DISCOURS AUX GENS DE LETTRES DE LÉNINGRAD (2 juillet 1936)
Gide exprime son amour pour la ville de Léningrad et ses liens culturels avec la France. Il souligne l’importance des relations intellectuelles et ouvrières entre les peuples, dans un esprit d’internationalisme révolutionnaire. L’auteur mentionne son intérêt pour la littérature russe et son travail pour la faire connaître en France. Il exprime sa curiosité et son désir d’éclairer le public français sur les nouveautés apportées par l’URSS. Le discours se termine par une gratitude chaleureuse envers l’accueil et la sympathie des écrivains de Léningrad.
LA LUTTE ANTI-RELIGIEUSE
L’auteur français exprime son expérience de visite des musées anti-religieux en URSS. Il mentionne que les musées tentent d’opposer la science au mythe religieux, mais estime que l’approche manque de pertinence. L’auteur évoque sa rencontre avec un pope qui symbolise l’antithèse des musées anti-religieux, ainsi qu’un moine noble et digne dans une autre église. Il remet en question la stratégie de l’URSS dans sa lutte contre la religion, soulignant l’appauvrissement de l’humanité et de la culture causé par l’ignorance de l’Évangile et d’autres croyances. Tout en reconnaissant les abus possibles de la religion, il critique la façon dont cela a été traité et exprime des inquiétudes quant à un possible retour de la répression religieuse.
OSTROVSKI
Ostrovsky, aveugle et paralysé, fait preuve d’une force et d’une résilience remarquables. Sa pensée reste active malgré ses limitations physiques. Sa chambre est un havre de calme où il reçoit des visites discrètes. Il attribue sa constance à l’U.R.S.S. plutôt qu’à lui-même. Ostrovsky continue de dicter ses écrits et travaille sans relâche. Avant de partir, il demande à Gide de l’embrasser : un moment émouvant pour le narrateur. Bien qu’il semble proche de la mort, sa détermination le maintient en vie.
UN KOLKHOSE
Gide parle du système de rémunération dans un kolkhoze en URSS. Les ouvriers peuvent gagner plus que la journée de travail minimale en fonction de la qualité et de la quantité de leur travail. Les travailleurs qualifiés gagnent plus que les non qualifiés. L’État ne peut pas augmenter les salaires en raison du manque de produits disponibles. Les différences de salaires encouragent la qualification professionnelle.
BOLCHEVO
Bolchevo est une ville construite sur l’initiative de Gorki, il y a environ six ans, où tous les habitants sont d’anciens criminels réformés. Cette idée était basée sur le principe que les criminels sont des victimes et que la rééducation peut les transformer en citoyens exemplaires. La ville prospère avec des usines modèles et des installations bien entretenues. Les habitants sont devenus des travailleurs zélés, respectueux des bonnes mœurs et avides d’apprendre. La visite démontre que les crimes sont attribuables à la société plutôt qu’à l’individu. Bolchevo est considérée comme une réussite exceptionnelle pour l’État soviétique.
LES BESPRIZORNIS
Gide décrit la présence de besprizornis, des enfants abandonnés, vivant dans la misère en URSS. Malgré leurs difficultés, certains restent joyeux, tandis que d’autres semblent à bout de force. L’auteur observe leur cachette et témoigne de la brutalité de leur arrestation par la police. Cependant, les enfants sont rapidement libérés, ce qui soulève des questions sur leur désir de liberté malgré les conditions difficiles. Gide est ému par le comportement bienveillant d’un agent de police envers un enfant, illustrant la nécessité de témoigner de tels moments en URSS.
Présentation de l’auteur
André Gide, né le 22 novembre 1869 à Paris et décédé le 19 février 1951 dans la même ville, est l’un des écrivains français les plus influents du XXe siècle. Reconnu pour sa prose raffinée et sa réflexion philosophique profonde, il a exploré de nombreux thèmes sociaux et moraux dans son œuvre. Il a remporté le Prix Nobel de littérature en 1947.
Gide était connu pour être un esprit libre, insistant sur l’honnêteté et l’autonomie comme valeurs fondamentales. Il était souvent en conflit avec la société de son temps en raison de ses vues progressistes sur la sexualité et la religion.
Au sujet de son rapport à l’Union soviétique, Gide a été initialement attiré par le communisme et a effectué un voyage en URSS en 1936. Il était fasciné par l’idéal communiste et espérait que l’URSS représenterait un modèle de société plus équitable et libre.
Cependant, sa visite en URSS a rapidement érodé son optimisme. Choqué par la censure, la corruption, la pauvreté généralisée et la répression politique qu’il a observées, Gide s’est distancé du communisme. À son retour en France, il a publié “Retour de l’URSS” et “Après le Retour de l’URSS”, deux ouvrages critiques qui ont suscité un scandale. Ces publications ont marqué un tournant majeur dans sa relation avec l’URSS, passant d’une admiration initiale à une désillusion complète.
Ainsi, l’amour de Gide pour l’URSS s’est transformé en désenchantement, et il est devenu l’un des critiques les plus virulents du stalinisme. Son expérience en URSS a également influencé son travail littéraire, mettant l’accent sur les dangers de l’idéologie dogmatique et l’importance de la liberté individuelle.
Analyse de l’oeuvre
Avec ses amis intellectuels, fervents partisans du communisme, Gide entreprend un voyage en URSS en juin 1936, espérant voir un système qui privilégie le travail, l’égalité et la participation citoyenne. Ils découvrent malheureusement un système corrompu, inégalitaire et inefficace, avec une administration qui profite de la force de travail des ouvriers. Leur séjour coïncide avec les funérailles de Maxime Gorki, l’écrivain officiel du régime, avec qui Gide avait des liens. Face à la réalité du régime soviétique – la misère, le manque de liberté, les goulags, le parti unique et la violence – leur idéalisme se transforme en désenchantement, un choc que Gide retranscrit rapidement dans un récit de voyage.
Au contact direct de la population locale, Gide a reconnu son erreur sur la réalité du communisme, une réalité bien différente de la propagande mondiale du régime soviétique. Il expose son mea culpa et sa volonté de réparer son erreur. Il insiste sur le culte de la personnalité de Staline et son influence sur la perception du régime. Néanmoins, il n’hésite pas à faire les éloges de certaines réussites soviétiques, comme Bolchevo, et reste convaincu que l’URSS est le seul pouvoir capable de s’opposer à la montée du fascisme en Europe.
Bien qu’il critique l’absence de liberté, la répression, la conformité forcée et la misère du peuple en URSS, Gide témoigne d’une grande admiration pour le peuple russe. Malgré ces difficultés, celui-ci reste digne et solidaire. Gide regrette aussi l’isolement de l’URSS, la corruption omniprésente et les failles économiques du système, notamment une pauvreté persistante et une production insuffisante pour satisfaire les besoins de base du peuple. Même s’il estime qu’il ne faille pas rejeter les belles valeurs prônées par le communisme, il rejette catégoriquement la manière dont il est véhiculé par l’Union Soviétique.