Littérature

August Strindberg, Mademoiselle Julie : résumé, personnages et analyse

Image de la couverture de l'analyse de la pièce de théâtre de Mademoiselle Julie d'August Strindberg
Ecrit par Les Résumés

Écrite en 1888 par August Strindberg, un auteur suédois, Mademoiselle Julie est une pièce de théâtre en un seul acte connue pour son style naturaliste. La pièce a été écrite dans un contexte de changements sociaux et culturels en Suède, où les rôles traditionnels des sexes et des classes étaient remis en question. Controversée à sa sortie en raison de son traitement franc de la sexualité et de son portrait critique de la société suédoise, elle reste l’une des œuvres les plus célèbres de Strindberg. Explorons ensemble ce classique du théâtre moderne qui continue d’être étudié à travers le monde.

Résumé détaillé scène par scène de Mademoiselle Julie de August Strindberg

SCÈNE 1

Par une nuit d’été, Christine, la cuisinière, fait cuire quelque chose dans une poêle. John, le domestique de M. Le Comte, entre par la porte vitrée, tenant une paire de grandes bottes d’équitation avec des éperons qu’il place en évidence au fond de la pièce. Il explique à Christine qu’il a conduit le Comte à la gare et, à son retour, il est allé voir ce qui se passait près de la grange. Il décrit le comportement extravagant de Mademoiselle Julie et pense que cette attitude désinvolte découle de l’incident qui s’est produit dans les écuries avec son ex-fiancé. Mademoiselle Julie a exigé qu’il saute par-dessus une cravache, mais il a refusé, mettant fin à leurs fiançailles. John demande ensuite à Christine de lui servir quelque chose à manger et se met à critiquer son plat. Malgré leur statut social similaire, John se considère supérieur à Christine et ne manque pas de le lui faire savoir.

SCÈNE 2

Julie arrive et fait remarquer à John qu’il a quitté sa partenaire de danse. Elle le force à danser avec lui. Bien qu’il ne souhaite pas le faire, John se voit contraint d’accepter. Dans sa cuisine, Christinie chante joyeusement tout en dégustant une petite glace, donnant l’impression qu’elle est seule sur scène.

SCÈNE 3

John critique les manières de Mademoiselle Julie en dansant et préfère la compagnie de Christine, qui sait se tenir en société. Julie devient insistante, ce qui met John mal à l’aise en raison de leur différence sociale. Malgré cela, ils discutent de leurs aspirations, mais John met en garde Julie contre les conséquences sociales de leur relation. Plus tard, Julie blesse accidentellement John et le soigne, avant de tenter de le séduire. John se risque à l’embrasser, mais Julie le repousse. Au cours d’une discussion, John avoue qu’il l’aime depuis l’enfance, mais se rend compte du danger de leur amour. Pour éviter les commérages, ils se réfugient à l’intérieur et assistent à un ballet de paysans.

SCÈNE 4

Pendant le ballet, John et Julie ont passé la nuit ensemble. Julie demande à John de lui avouer son amour, mais il refuse de le faire dans la maison de son maître, M. le Comte, qui est également le père de Mademoiselle Julie. Cette dernière se sent honteuse d’avoir eu une relation intime avec John et lui fait part de son projet de s’enfuir avec lui. En comprenant qu’ils n’ont pas les ressources financières nécessaires pour gérer un hôtel en Suisse, il décide que rien ne doit changer entre eux. Dès lors, Julie réalise que John l’a manipulée pour avoir une relation intime avec elle et qu’il ne la respecte pas vraiment. Lorsqu’elle tente de reprendre le contrôle, John lui rappelle son comportement exécrable pendant la soirée. Julie demande à être punie, mais John refuse. Malgré leur différence de classe sociale, John considère Julie comme une catin et se montre méprisant envers elle. Julie commence à boire et lui raconte un passage de son enfance. Sa mère était une féministe qui gérait seule le château familial. Elle l’a mené au bord de la ruine, puis elle est tombée malade lorsque son mari a tenté de reprendre le contrôle. Un incendie criminel a eu lieu. C’était sa mère qui l’avait provoqué pour reprendre le château à son mari. Dans un projet de reconstruction, elle a conseillé à son mari d’emprunter de l’argent à l’un de ses amis qui s’est révélé être son amant. En apprenant ça, le père a pensé à se suicider, mais a fini par se venger. Julie a hérité de la haine des hommes de sa mère. Malgré cela, John continue à la mépriser et lui ordonne de prendre la fuite, seule, avec suffisamment d’argent. Julie obéi et part pour se préparer.

SCÈNE 5

En revenant dans la cuisine après une bonne nuit de sommeil, Christine remarque que la pièce est en désordre. Elle trouve cela inacceptable que John et Mademoiselle Julie aient pu passer la nuit à discuter ensemble. Consciente qu’elle s’est laissée séduire par John, Mademoiselle Julie perd tout crédit à ses yeux et refuse de continuer à travailler dans cette maison, arguant de l’importance à la hiérarchie entre les maîtres et les serviteurs. Elle propose à Jean de partir avec elle, mais ses aspirations modestes ne correspondent pas aux ambitions de Jean. En entendant du bruit, Christine monte à l’étage, craignant que le Comte soit déjà revenu.

SCÈNE 6

Au lever du jour, Mademoiselle Julie est très excitée et demande à John de partir avec elle. Ce dernier hésite mais finit par accepter à condition qu’elle n’amène aucun bagage. Cependant, Mademoiselle Julie refuse de se séparer de son petit oiseau qui a toujours été là pour elle dans les moments difficiles. John, excédé, finit par tuer l’oiseau sous les yeux médusés de Mademoiselle Julie. Bouleversée, elle menace de se donner la mort, mais Jean n’en a que faire.

SCÈNE 7

En redescendant pour se rendre à l’église, Christine voit Mademoiselle Julie se précipiter vers elle pour chercher de l’aide. Au lieu de la réconforter, Christine lui rappelle qu’en raison de sa condition sociale, elle se doit d’assumer la responsabilité de ses actes. Mademoiselle Julie tente de la convaincre de partir avec elle et Jean pour fuir leurs problèmes, mais Christine ne veut pas avoir à faire à une maîtresse qu’elle ne respecte plus en tant que telle. Progressivement, Mademoiselle Julie prend conscience que la fuite ne fera que retarder ce moment inévitable où elle sera obligée de revenir pour assumer ses actes. John arrive pour tenter de convaincre Christine, mais celle-ci ne les écoute pas et se dirige seule à l’église pour participer à la messe.

SCÈNE 8

Seuls sur scène, John et Mademoiselle Julie ne savent pas quoi faire. Celle-ci évoque le suicide, mais cette solution paraît extrême pour John. Lorsque M. le Comte entre, il appelle son domestique. Julie demande à John de lui donner un ordre pour qu’elle puisse agir. Finalement, John lui donne un rasoir et lui suggère de se rendre dans la grange. La scène se termine sur Julie quittant la pièce, déterminée à suivre les instructions de John. Bien que nous n’entendons pas les mots qu’il lui dit, nous pouvons supposer qu’il lui ordonne de se suicider.

Présentation des personnages

Mademoiselle Julie est la fille de M. le Comte. Bien qu’appartenant à la noblesse, cette jeune femme de vingt-cinq ans est en conflit avec son statut social, principalement en raison de l’éducation féministe de sa mère qui prônait l’égalité des sexes. Mademoiselle Julie se sent donc mal à l’aise dans son rôle de femme noble qui ne semble pas lui convenir. Bien qu’elle soit consciente du risque qu’elle prend en nouant une relation avec John, Mademoiselle Julie se jette corps et âme dans ses bras et passe une nuit intime avec lui. Cette attitude peut s’apparenter à de l’attirance, voire même de l’amour. Toutefois, nous pouvons supposer qu’elle profite de cette occasion pour rejeter les conventions de la société aristocratique. En ce sens, on peut se demander si elle ne cherche pas à mener une vie utopique en se jetant dans les bras de John. Cependant, cet acte n’est pas sans conséquence. D’une part, John commence à la mépriser, Christine refuse de la considérer comme sa maîtresse et Mademoiselle Julie craint les répercussions que cela pourrait entraîner. Si elle se montre forte et sûre d’elle au début de la pièce, on constate qu’elle est plutôt vulnérable et soumise, puisqu’elle demande à John d’être son donneur d’ordre à plusieurs reprises. Au départ, Mademoiselle Julie envisage la fuite pour éviter de devoir rendre des comptes. Cependant, elle prend conscience qu’elle sera tôt ou tard obligée d’assumer la responsabilité de ses actes. Elle refuse cette dernière option et met sa vie entre les mains de John, qui choisit de lui ordonner de se suicider. Il est intéressant de noter que, malgré l’éducation donnée par sa mère, Mademoiselle Julie se soumet entièrement à la volonté d’un homme dans cette situation.

John (ou Jean selon les versions) est le domestique de M. le Comte. Cet homme de trente ans vient d’un milieu modeste et a connu le Comte alors qu’il était très jeune. Ambitieux, il a toujours eu l’intention d’améliorer sa condition sociale. Toutefois, il est pragmatique et a conscience des barrières entre les classes. Même s’il est fiancé à Christine, cela ne l’empêche pas d’avoir de l’attirance pour Mademoiselle Julie. Celle-ci incarne bien plus qu’une amourette, c’est pour lui la voie royale pour accéder à une meilleure situation. Ce personnage est intelligent et calculateur. Il n’hésite pas à manipuler Mademoiselle Julie pour profiter de sa vulnérabilité afin de passer une nuit intime avec elle. En effet, John a conscience que Mademoiselle Julie est ivre et pourtant, cela ne l’arrête pas. Après avoir passé la nuit avec elle, John se montre méprisable et haineux. On peut se demander s’il ne cherche pas à se venger de son statut social en ayant pleinement conscience qu’il a la mainmise sur Mademoiselle Julie. Ici, les rôles s’inversent et le domestique devient le donneur d’ordre. C’est lui qui ordonne à Mademoiselle Julie d’aller se suicider.

Christine (ou Kristin selon les versions), à l’instar de John, vient d’un milieu modeste et travaille en tant que cuisinière pour M. le Comte. Cette femme de trente-cinq ans est consciente de sa position sociale et accepte les limites qui lui sont imposées. Dans cette pièce de théâtre, c’est la seule qui se conforte pleinement dans sa condition. Malgré le caractère indiscipliné de Mademoiselle Julie, Christine a énormément de respect pour ses maîtres. Christine est une femme simple qui aspire à une vie modeste qui ne concorde pas avec les aspirations de John avec lequel elle est fiancée. Même si elle ne se doute pas que John et Mademoiselle Julie ont passé une nuit intime ensemble, elle a conscience que l’attitude de sa maîtresse n’est pas convenable. N’étant pas encline à remettre en question les normes sociales, elle refuse de servir Mademoiselle Julie quand celle-ci n’est plus digne d’avoir une quelconque supériorité à ses yeux.

M. le Comte est le père de Julie et le maître de John et de Christine. Bien qu’il ne soit pas présent sur scène, sa présence se fait sentir dans les relations et dans les dynamiques entre les autres personnages.

Analyse de l’oeuvre

Aspirations et déconvenues

Mademoiselle Julie fait intervenir trois personnages représentatifs de la Suède du XIXe siècle. Nous avons une femme appartenant à l’aristocratie, et deux personnages issus des classes modestes. Toutefois, parmi ces trois personnages, seul John se donne le droit de rêver, quitte à avoir des ambitions démesurées. Cette volonté de s’émanciper peut être mise en relation avec le fait qu’à cette époque, l’aristocratie perd peu à peu son prestige et les lois commencent à favoriser les moins privilégiés. Ainsi, John a la possibilité de se cultiver et de s’enrichir intellectuellement. Toutefois, il demeure dépendant financièrement des classes supérieures. C’est pour cette raison qu’il jette son dévolu sur Julie. Pragmatique, il a conscience qu’elle peut servir ses intérêts. D’autant plus que Julie représente également l’inaccessible. Sa situation sociale ne lui permet pas de nouer une relation intime avec une aristocrate. Ainsi, on peut supposer qu’en plus d’être ambitieux, John a le goût du challenge. Ses projets tombent à l’eau quand il aperçoit l’envers du décor. Chez Julie, tout n’est qu’apparence. Elle, qui se montre comme une femme forte et indépendante, se révèle être une femme docile, soumise et vulnérable. De surcroît, elle se retrouve sans fortune suite à un incendie qui n’a pas été couvert par les assurances. Ainsi, Mademoiselle Julie n’est aristocrate que de naissance. Elle n’a pas de fortune et ne se comporte pas comme une femme de son rang. C’est d’ailleurs ce qui va susciter une certaine forme de mépris chez Christine. Cette dernière est censée représenter la Suède protestante soumise aux pouvoirs religieux traditionnels et monarchiques. Elle accepte donc aisément sa condition sociale sans la remettre en question.

Coupable ou Innocente ?

Dans une certaine mesure, on peut dire que Julie est une victime. Sa mère l’a élevée dans la haine des hommes, ce qui la pousse à se montrer méprisante envers eux et à vouloir garder le contrôle en leur donnant des ordres, comme elle le fait avec son ex-fiancé. On peut établir le fait que si elle se mêle aux paysans lors de la fête de la Saint-Jean, c’est avant tout pour s’assurer une suprématie, du fait de sa condition sociale, qu’elle n’aurait pas eue en tant que femme en compagnie de personnes de son rang. Ainsi, Julie est également victime du fait d’être née femme. Si elle était née homme, sa désinvolture n’aurait choqué personne.

D’autre part, Julie est victime de l’alcool et on peut se demander si le fait qu’elle accepte de passer une nuit intime est consenti ou non. En effet, peut-on réellement dire qu’elle est maître d’elle-même si elle est sous l’emprise de l’alcool ? Doit-elle endosser la part de responsabilité dont elle s’accuse sachant que John a pu profiter de la situation à son avantage ? Si en tant que lecteur, nous ne pouvons pas réellement répondre à cette question, Julie pense qu’elle est bel et bien coupable. Ainsi, si elle s’abandonne à John, ce n’est pas parce qu’elle dispose d’un caractère soumis, mais plutôt parce qu’elle cherche à se punir pour ce qu’elle a fait. Elle cherche un moyen de racheter ses fautes, quitte à renier l’éducation féministe qu’elle a reçue de sa mère. Dans cette pièce, nous pouvons dire que Julie est à la fois juge, victime et bourreau.

Les manipulations de John

Dans la pièce, John ne cesse de profiter de la situation. Tout d’abord, il s’attaque à la vulnérabilité de la jeune femme. En découvrant sa faiblesse, il entre dans son jeu de séduction en cherchant à la manipuler pour arriver à ses fins. S’il la voit ivre, il ne montre aucun respect pour elle. Il ne met pas fin à cette relation naissante et dangereuse, ce qui est assez paradoxal étant donné qu’il prétend avoir énormément de respect pour son maître, le Comte. Pourtant, il passe une nuit intime avec la fille du Comte en sachant qu’elle est potentiellement ivre. Ensuite, il utilise la culpabilité de Julie pour renverser les rôles, profitant de l’absence de son maître pour jouer le rôle de la figure d’autorité. On peut se demander si John ne saisit pas l’occasion de devenir le maître pour une fois dans sa vie. Ce sentiment de toute-puissance semble l’exciter d’autant plus qu’il affirme sa supériorité sur une femme appartenant à une classe sociale supérieure à la sienne. C’est un moyen pour lui de se venger contre les limitations liées à sa condition sociale, d’autant plus qu’il prend conscience que les privilèges dont jouit Julie ne sont pas liés à une quelconque fortune, mais simplement à sa naissance dans une famille aisée. Si le suicide n’est pas explicitement ordonné, il est suggéré lorsque John exige que Julie aille dans la grange avec un rasoir. Cela lui donne l’opportunité de ne pas être démasqué et de bénéficier de la grâce du Comte.

Vous avez aimé cet article ? Notez-le !

0 (0)

Aucun vote, soyez le premier !

A propos de l'auteur

Les Résumés

Laisser un commentaire