Littérature

Beaumarchais, Le Barbier de Séville : résumé, personnages et analyse

Image de la première page du dossier de lecture du Barbier de Séville de Beaumarchais
Ecrit par Les Résumés

Joué pour la première fois en 1775, Le Barbier de Séville est une pièce théâtrale en quatre actes de Pierre Caron de Beaumarchais, un auteur français. C’est par ailleurs le premier volet de la trilogie : « Le roman de la famille Almaviva ». Après avoir tenté le drame (sans succès), le dramaturge se penche dans le genre comique auquel il essaie d’apporter un nouveau souffle.

Résumé scène par scène

Acte 1

Le théâtre rappelle immédiatement une rue de Séville. Déguisé en un étudiant portant le nom de Lindor, un aristocrate se déambule sous la fenêtre de la belle Rosine, une jeune femme dont il est tombé amoureux. Mais voilà qu’une personne s’approche, guitare à la main. L’homme compose avec joie des couplets tout en se complimentant de ses trouvailles. L’aristocrate reconnaît alors Figaro, son ancien valet, et l’aborde. Ce dernier relate au comte Almaviva, ses aventures de héros picaresque, dramaturge malchanceux, garçon apothicaire… Il en profite même pour débattre l’illégitime suprématie des grands et relate sa philosophie épicurienne.

Rosine se montre alors à la fenêtre, avec Bartholo, un vieillard qui n’arrête pas de maugréer. Dans sa main, elle tient les couplets de la « Précaution Inutile », un drame très populaire. Mais voilà que celles-ci tombent. C’est un signal de la jeune femme au comte.

Le comte lit alors la sérénade qu’il a ramassée : il s’agit d’une lettre où Rosine demande à son amoureux de se faire connaître. L’ancien valet comprend alors les projets de son maître et lui propose ses services. Almaviva lui relate qu’il a rencontré Rosine lors d’une promenade de Madrid, au Prado. Il l’a ensuite recherché pendant des mois avant de la retrouver dans la ville de Séville. Figaro lui avoue qu’elle n’est point la femme du docteur Bartholo, mais plutôt sa pupille. Fou de joie, le comte jure de la lui prendre. Comme Figaro fournit des médicaments au docteur, il possède des entrées dans sa maison. Une idée lui vient alors en tête : il empoisonnera toute la maison par un médicament, ensuite, déguisé en cavalier, Almaviva débarquera chez le vieillard en demandant à passer la nuit chez lui et en jouant le soldat ivre afin d’éviter tout soupçon.

Pendant que Figaro rappelle le rôle au comte, Bartholo fait irruption, pensant s’être laissé berner. Le retard de Bazile, la personne qui est chargée d’organiser son mariage avec sa pupille, l’inquiète beaucoup. Ayant tout entendu, le comte perd espoir, mais Figaro le rassure : Bazile n’a pas d’envergure.

Lorsque Rosine apparaît, Figaro prête sa guitare au comte et l’incite à chanter une belle romance. Almaviva déclare alors tout son amour dans ses sérénades et révèle sa simple condition d’étudiant afin de la déplorer. Sa bien-aimée chante son amour en retour, mais doit terminer le duo. Le valet rappelle son dessein et part chez le vieillard.

Acte 2

Rosine écrit en s’apitoyant sur son sort à Lindor. Figaro arrive et lui avoue les sentiments de l’étudiant Lindor vis-à-vis d’elle. Ravie, la jeune femme confie alors sa lettre à son interlocuteur.

Bartholo débarque soudainement, mais Figaro a assez de temps pour se cacher dans son cabinet. Exaspérée par son tuteur, Rosine avoue avoir rencontré Figaro, ce qui augmente les suspicions du médecin. Bazile vient informer Bartholo qu’Almaviva est arrivé en ville. Il propose donc la calomnie afin d’écarter son ennemi. Lorsque le vieillard apprend la nouvelle, il veut à tout prix se marier avec Rosine le plus tôt possible. En contrepartie, Bazile lui exige plus d’argent.

Après un accord, le docteur raccompagne Bazile avant de fermer la porte à clé. Lorsque Figaro a tout entendu dans le cabinet, il sort immédiatement pour informer Rosine de tout. Il essaie quand même de la réconforter avant de partir. De retour, Bartholo interroge violemment sa pupille pour la faire avouer qu’elle a rédigé une lettre. Rosine essaie de mentir, mais en vain.

Ses preuves : la présence d’encre noire sur la plume, une feuille qui manque sur son écritoire, le doigt plein d’encre de Rosine. Incrédule, le docteur compte verrouiller fermement sa porte. C’est à ce moment-là qu’Almaviva, déguisé en soldat ivre, fait une entrée bruyante. Il essaie de transmettre une lettre à sa bien-aimée, mais le vieillard le remarque et la congédie immédiatement dans sa chambre.

Rosine fait semblant de se’énerver et quand son tuteur détourne le regard, elle permute le message de son cousin avec celle du comte. Elle finit s’évanouir et son tuteur en profite afin de découvrir la lettre (du cousin). Mais il finit par se rendre compte de son erreur et présente ses excuses. Bartholo finit par sortir et Rosine se désole puisque dans sa lettre, Lindor lui conseillait d’engendrer une dispute ouverte avec le médecin.

Acte 3

Peu de temps après, Almaviva se présente chez le docteur, mais cette fois-ci, travesti en maître de chant nommé Alonzo. Il prétend remplacer Don Bazile, qui serait malade. Bien sûr, Bartholo le croit.

Réticente au tout début, Rosine finit par reconnaître Lindor et permet un cours de chant qui devient un duo d’amour. Pour réaliser son office de barbier, Figaro entre en scène. Il renverse toute la vaisselle pour attirer Bartholo à l’extérieur. Lorsque Don Bazile fait soudainement irruption, la supercherie risque de tomber à l’eau. Mais grâce à certains éclaircissements sur son aptitude à réfléchir et à de l’argent, il est tout de suite mis à la porte.

Acte 4

Don Bazile et Bartholo se sont mis d’accord sur le mariage qui se déroulera à minuit. Cependant, le notaire est maintenu par une supercherie de Figaro qui invente le mariage d’une proche. Le médecin révèle à Rosine que Lindor est en réalité un messager du comte Almaviva. Pour le prouver, il lui montre la lettre qu’elle lui a rédigée au petit matin même. La pupille se jure alors de se marier avec Bartholo.

Au cours de la nuit, le comte et Figaro arrivent dans la chambre de Rosine et invitent Don Bazile et le notaire à entrer, après qu’Almaviva a dévoilé sa véritable identité à sa belle aimée. Le mariage est alors signé peu de temps avant que Bartholo ne rentre à la maison.

Les personnages de la pièce

Le comte Almaviva, le grand d’Espagne

Cet amant inconnu de Rosine joue un rôle de jeune ténor amoureux, dont la sensibilité s’exprime à travers les couplets qu’il chante à sa bien-aimée. Notre aristocrate téméraire ne se sert pas de sa position sociale afin de parvenir à ses fins. Il désire à tout prix séduire et épouser Rosine. Ses nombreux travestissements sont un gage de sa grande détermination à libérer la femme dont il est amoureux de l’autorité du médecin Bartholo. Le caractère naïf que l’on retrouve fréquemment chez les amants dans les comédies similaires est moins présent chez notre protagoniste principal. Effectivement, la personnalité rusée de Figaro déteint de manière progressive sur celle de son ancien maître.

Figaro, l’ancien valet

Roi de l’imbroglio, Figaro est le factotum de Séville, ce qui fait de lui un personnage très populaire dans la ville. L’ambitus de ce rôle illustre les nombreuses facettes de cet homme qui attire la sympathie. Il s’adapte également aux changements de situation, en faisant preuve de ruse quand il est question de déjouer les plans du vieux Bartholo. À vrai dire, il est le véritable moteur de l’action du Barbier de Séville.

Rosine, la pupille de Bartholo

Résolue à sortir de la tutelle oppressive de Bartholo, son champ d’action est réduit, puisqu’elle est retenue prisonnière dans la demeure du médecin. Cette jeune femme d’extraction noble fait l’objet des convoitises. Mus respectivement par l’intérêt et l’amour, Bartholo et Almaviva vont s’affronter afin de l’épouser. Deux camps se dessinent alors : celui du comte (aidé par son valet Figaro) qui représente la jeunesse amoureuse, et celui du vieux Bartholo, soutenu par Bazile qui paraît être trop vénal pour être une personne de confiance.

Docteur Bartholo

Représentant l’archétype de la « basse-bouffe » des opéras comiques italiens, aux humeurs brusques, le personnage tente en vain d’assouvir son autorité. Même s’il semble plus conscient que Bazile des desseins du comte et de Rosine, il est parfois dupé et dépassé par les ruses de Figaro. Le vieillard n’est point amoureux de la jeune femme, il est plutôt motivé par la perspective d’obtenir la dot de sa pupille.

Basile

Employé par Bartholo pour l’éducation musicale de sa pupille, Don Basile est un complice rusé et calculateur comme le prouve son air « La calunnia è un venticello », dans lequel il recommande à son employeur de faire courir des rumeurs sur le comte. Mais le personnage se laisse facilement acheter par quelques bourses d’argent d’Almaviva. Par ailleurs, il finit même par être le témoin du mariage des deux amants, ce qui le rend à la fois comique inquiétant.

L’analyse complète de Le Barbier de Séville

Une pièce toujours en mouvement

Réputée comme étant un coup de maître dans l’histoire théâtrale, le Barbier de Séville traite différents thèmes de l’amitié et de l’amour dans une comédie symbolisée par un flot continu de dialogues d’une rare vivacité.

Beaumarchais réplique à tous ceux qui lui réprimandaient d’avoir rédigé une pièce sans caractères, sans unité et sans plan en prouvant que son unique ambition avait été de réaliser une comédie gaie, destinée à amuser le public. De la scène d’ouverture, où l’on regarde Almaviva se déambuler sous l’appartement de sa bien-aimée, à l’escalade finale de la demeure de Bartholo, par une nuit d’orage qui accentue la particularité mouvementée de ce dessein, on bouge beaucoup dans toute la pièce.

Toujours et encore des courses

Ces nombreux déplacements dans la pièce ne symbolisent pas uniquement le brouillage des différentes conditions sociales. Ce sont aussi des révélateurs de la fougue animant les personnages et qu’Almaviva définit dès sa première phrase : « chacun court après le bonheur » (Acte I, 1). Par ailleurs, chacun y court à sa façon : Almaviva en cherchant une femme à peine rencontrée à Madrid et à Séville, Rosine en acceptant cet époux tombé du ciel sans se questionner sur le bien-fondé moral de cet enchantement, Figaro, mettant au service de leur amour l’astuce acquise en parcourant de manière « philosophique » les routes d’Espagne et les sphères de la société, ainsi que cette « joyeuse » colère qui le met contre les puissants et leurs excès de pouvoir. Avec exultation, il prend l’opportunité d’une revanche, menée tambour battant.

Une comédie d’intrigue

Au tout début, Le Barbier de Séville était un opéra-comique que Beaumarchais transforma en une comédie en cinq actes, puis en quatre actes. Cette œuvre se montre respectueuse des règles de la dramaturgie classique. La ville de Séville et la demeure de Bartholo sont les uniques lieux d’actions. Cette dernière dure une journée et son enjeu consiste à la conquête de Rosine par Almaviva.

Par ailleurs, la pièce reprend à la perfection le fonds commun de la comédie d’intrigue. En mettant en avant un vieillard trompé et dupé par des amants triomphants, Beaumarchais s’inspire du canevas classique que Molière utilisait dans L’École des femmes en 1662.

Le couple maître-valet est un héritage du XVIIe siècle et fait penser à celui que forment Sganarelle et Dom Juan dans la pièce du même nom en 1665 et Scapin et Géronte dans Les Fourberies de Scapin en 1671.

Comme en témoigne le début de l’acte I qui consacre leurs retrouvailles, Figaro est l’adjuvant et confident du comte. Bien qu’il n’existe aucune rivalité entre les deux personnages, comme c’est dans le cas de Le Mariage de Figaro, le valet n’hésite pas à proférer des critiques à l’encontre des grands dont fait partie le comte.

Le dramaturge intègre sa pièce dans la tradition des comédies classiques, il tente de renouveler le genre en apportant à ses personnages plus de profondeur psychologique et en ajoutant des critiques sur l’ordre établi de la société.

L’opposition intérieur/extérieur

Celui qui désire être maître du jeu se doit de soumettre le lieu à sa loi. Figaro déclare à Almaviva « Moi, j’entre ici ». C’est cette formule conquérante qui le désigne comme étant le maître absolu des lieux (Acte I, 6). Ces derniers ont été justement développés par Beaumarchais afin de rendre flagrant cette puissance dont le théâtre investit le valet. En tout cas, l’organisation spatiale de la comédie est minimisée à l’essentiel. Elle se base sur une unique opposition intérieur/extérieur : les fenêtres grillées de Rosine qui donnent sur la rue de Séville.

L’art de Figaro consiste à relier ces deux mondes et à permettre à son maître d’investir l’espace clos de l’intérieur. Sans Figaro, il y a de fortes chances que le comte aurait encore longuement déambulé sous les fenêtres de l’amour de sa vie. En effet, dès le premier monologue, cette scène nocturne est présentée telle la répétition de tant d’autres : « L’heure à laquelle elle a coutume de se montrer… » (Acte I, 1).

La maîtrise par-dessus tout

La venue de Figaro va extraire le comte à la réitération inefficace. En effet, il a ses entrées chez Bartholo, dont il est d’ailleurs le barbier. Par sa grande maîtrise de l’espace, Figaro lance l’action et atteste son pouvoir sur son propre maître. Enter dans la demeure du vieux médecin, c’est faire progresser l’intrigue, tout en se jouant des grilles fixées aux fenêtres ainsi que de la puissance jalouse. Toute action tourne autour de la jalousie, un élément très symbolique dont le double sens est amplement exploité. Quand Figaro en détiendra la clé (Acte III, 10), le dénouement sera plus proche que jamais. En tant que « passe-muraille », il déploie son grand talent de stratège afin de prendre d’assaut cette forteresse, hilarante parodie des châteaux de l’épopée.

La liberté de la parole

Si la pièce montre le passage de l’emprise entre les mains de Figaro, il procure également une parole libérée des différentes contraintes de la vie sociale. Sa bon perception de la répartie, son art du récit et sa faconde font de lui un maître du dialogue. L’infériorité provisoire d’Almaviva l’oblige à entendre beaucoup de vérités qui résonnent comme des défis envers la classe sociale dont il fait partie. « Aux vertus qu’on exige d’un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ? », « un grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal » : dictées par une clairvoyance désillusionnée, toutes ces formules projettent une pénombre sur cette comédie gaie en laissant percevoir l’âpre expérience d’une réalité bien cruelle aux petites gens de Figaro. Sa tirade contre la « république des Lettres », comparée à celle des loups (Acte I, 2), doit être considérée telle une épigramme de la société où la loi du plus fort règne et où chaque individu doit demeurer à sa place pour éviter toute sanction. Impuissante à modifier le monde, la parole en ébranle tout de même les fondations : le ridicule finit par faire vaciller les puissants.

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