La première publication de cette œuvre de Edgar Allan Poe remonte à 1835. Elle figure dans le recueil intitulé Nouvelles Histoires Extraordinaires et est introduite par une épigraphe précisant qu’il s’agit d’une “Histoire contenant une allégorie“. Nous allons maintenant examiner de plus près cette nouvelle du 19ème siècle de notre écrivain américain.
Résumé détaillé de Le Roi Peste d’Edgar Allan Poe
Le contexte de l’histoire
L’histoire se déroule à une époque où la Peste sévit en Angleterre et particulièrement à Londres, causant la dépeuplement de la ville et la terreur et la superstition dans les quartiers sombres et immondes près de la Tamise. Ces quartiers affectés par la Peste à Londres ont été condamnés. Il est interdit, sous peine de mort, de s’y rendre. Cependant, cette interdiction n’a pas empêché les maisons abandonnées d’être pillées la nuit pour leur fer, leur cuivre et d’autres articles de valeur. Malgré les barrières élevées à l’entrée des rues et le risque de contracter la Peste, certaines personnes sont prêtes à courir le danger pour profiter de la rapine nocturne.
Il y a des vols de vins et de liqueurs dans des maisons condamnées chaque hiver, mais beaucoup de gens croient que ce sont les esprits et les démons qui sont responsables. Les bâtiments condamnés sont entourés de terreur et même les voleurs ont peur de s’y rendre, laissant ces lieux dans l’obscurité et la mort.
Deux matelots dans une auberge
Lors d’une nuit du mois d’octobre, deux matelots de l’équipage du Free-and-Easy sont assis dans une taverne de Londres appelée “Joyeux Loup de mer”. L’aîné était un matelot grand et maigre, appelé “Legs“. Il est décrit comme ayant une stature imposante, mais aussi comme étant très maigre. Il a également une apparence solennelle et sérieuse, malgré les plaisanteries et les moqueries de ses camarades. Il a des pommettes saillantes, un grand nez de faucon, un menton fuyant, une mâchoire inférieure déprimée et de grands yeux protubérants. Son expression est empreinte d’une certaine indifférence bourrue, mais reste solennelle et sérieuse.
Le deuxième matelot est plus jeune. Il est décrit comme ayant des jambes arquées et trapues, une personne lourde et ramassée, et des bras courts et épais avec de gros poings. Il a de petits yeux, un nez caché par la chair de son visage rond et pourpre, et une lèvre supérieure grosse qui repose sur l’inférieure encore plus grosse, avec un air de satisfaction personnelle.
Il semble que Legs et Hugh Tarpaulin observent avec étonnement et indignation le message “Pas de craie” écrit sur la porte en caractères de craie. Bien qu’ils ne soient pas capables de lire, ils ont l’intuition que ce message annonce une mauvaise nouvelle ou un mauvais temps à venir. En conséquence, ils décident de se préparer en veillant aux pompes, en serrant toute la toile et en fuyant devant le vent.
Legs et Hugh Tarpaulin quittent la taverne et fuient, poursuivis par la tavernière du Joyeux Loup de mer.
La fuite
Poursuivis, Legs et Tarpaulin se retrouvent bloqués par une barrière qui indique que la zone où ils se trouvent est condamnée. Ils sautent par-dessus la barrière et continuent de courir en criant. Ils sont ivres et perdus dans un quartier délabré et pestilentiel, rempli de charognes de voleurs morts de la peste. L’air est froid et brumeux et l’atmosphère est emplie de miasmes nauséabonds. Les deux personnages continuent de s’engouffrer dans cette zone condamnée. Legs et Tarpaulin se sont retrouvés dans une zone contaminée par la peste, où ils ont dû traverser des rues étroites et dangereuses remplies de débris et de restes de cadavres en décomposition. Ils ont continué à avancer malgré les obstacles, poussant des cris et des hurlements tout en progressant.
Une curieuse assemblée
Legs et Tarpaulin entrent dans un magasin d’un entrepreneur de pompes funèbres qui a une trappe menant à une série de caves remplies de boissons alcoolisées. Ils trouvent une table avec un bol de punch et une variété de bouteilles et de pots de vin et de liqueurs. Six personnes sont assises autour de la table sur des tréteaux funèbres.
Le président de la fête était un individu maigre et grand avec une figure jaune et un front anormalement haut. Il portait une cape de velours de soie noire ornée de broderies et était coiffé de plumes de corbillard. Il tenait un grand fémur humain dans sa main droite et semblait avoir frappé l’un de ses compagnons avec pour lui demander de chanter. En face de lui se trouve une femme hydropisique avec une figure ronde et rouge et une bouche qui va de l’oreille droite à l’oreille gauche.
Il y avait une jeune dame minuscule, atteinte de phtisie, assise à la droite de la femme obèse habillée d’un suaire. La jeune dame portait un linceul en linon des Indes et avait des cheveux bouclés, mais son nez était long, mince, sinueux et pustuleux, ce qui donnait à sa physionomie une expression ambiguë.
À gauche de la dame se trouvait un vieil homme petit et gonflé qui portait une housse de soie brodée. À sa droite se trouvait un gentleman avec un tic nerveux et des bras et des mâchoires liés par des bandages de mousseline pour l’empêcher de boire trop de liqueurs. La sixième personne était paralysé. Il était habillé d’une bière d’acajou.
Le roi de la peste
Les six personnages utilisent des moitiés de crânes comme verres et un squelette humain est suspendu au plafond. La pièce est éclairée par du charbon enflammé placé dans le crâne du squelette et aucune lumière ne peut entrer par les fenêtres obstruées par le matériel funéraire.
Les deux marins, en voyant l’assemblée et ses accessoires étranges, ne se comportent pas de manière appropriée. L’un d’eux reste bouche bée et les yeux grands ouverts, tandis que l’autre se penche en avant et éclate de rire bruyamment.
Le grand président, qui a l’air d’un digne personnage, accueille chaleureusement les deux marins et les conduit vers des sièges préparés pour eux. L’un des marins s’assoit sans protester, tandis que l’autre s’installe près d’une petite dame malade et se sert du vin rouge. Cela provoque l’irritation d’un autre membre de l’assemblée, mais le président parvient à calmer tout le monde en frappant sur la table avec son spectre. Il se présente alors comme le monarque de cet empire et se proclame “Roi Peste Ier“.
Le projet du Roi de la Peste
Le président fait comprendre aux marins qu’ils sont dans la Salle du Trône du palais, là où se tiennent les grandes réunions du royaume, pas dans un magasin de pompes funèbres. Il dit que la Reine Peste est sa femme et présente les autres comme sa famille royale : l’Archiduc Pest-Ifère, le duc Pest-Ilentiel, le duc Tem-Pestueux et l’Archiduchesse Ana-Peste. Il explique que ce soir, ils vont goûter les boissons de la ville pour aider la Mort, leur chef, dont le royaume est immense.
Les marins, Hugh Tarpaulin et Legs, se comportent de manière grossière et irrespectueuse envers les hôtes de la salle du trône du Roi Peste Ier. En conséquence, ils sont condamnés à boire un gallon de blackstrap chacun, d’un seul trait et à genoux. Tarpaulin manque de se noyer dans un baril d’alcool mais il est sauvé par Legs et ils parviennent à s’enfuir.
Présentation des personnages
Legs est l’un des deux marins qui se retrouvent par hasard dans la salle du trône du Roi Peste Ier. Il est décrit comme ayant une mâchoire inférieure qui tombe et des yeux qui s’ouvrent en grand, et il semble avoir un certain sens du respect en présence du Roi Peste Ier et de ses hôtes. Lorsqu’il est condamné à boire un gallon de blackstrap par le Roi Peste Ier, il refuse de se soumettre à la sentence et sème le désordre dans la salle du trône, permettant à lui et à son ami Hugh Tarpaulin de s’enfuir.
Hugh Tarpaulin est le compagnon de Legs qui se retrouve avec lui dans la salle du trône de Roi Peste. Il est décrit comme joyeux et vif, avec une manière détendue et insouciante. Il ne fait pas preuve de beaucoup de respect pour le Roi Peste et son entourage, se permettant même d’être impoli et insolent. Le Roi Peste le punit en lui ordonnant de boire une grande quantité de liqueur forte, mais Legs crée une diversion et réussit à s’échapper avec Hugh juste à temps.
Le Roi Peste Ier est un monarque qui règne sur un empire imaginaire et qui se trouve être également le président de l’assemblée de personnages étranges qui se tiennent dans la salle du trône de son palais. Le Roi Peste Ier est décrit comme étant digne et imposant et semble être un personnage autoritaire et sérieux. Il est mécontent de la grossièreté et du manque de respect des marins Legs et Hugh Tarpaulin et les condamne à boire du blackstrap comme punition. Cependant, malgré sa dignité et son autorité, il est finalement défait par Legs qui sème le désordre et parvient à s’enfuir de la salle du trône avec Hugh Tarpaulin. Ce personnage est une allégorie de la Peste.
La Reine Peste est mariée au Roi Peste.
L’Archiduc Pest-Ifère, le duc Pest-Ilentiel, le duc Tem-Pestueux et l’Archiduchesse Ana-Peste font partie de la famille du Roi Peste.
Analyse de l’oeuvre
L’histoire se déroule en Angleterre, près de la Tamise, sous le règne d’Édouard III. Cet élément de contexte permet de situer l’histoire dans le temps et dans l’espace, et de donner une atmosphère particulière à l’œuvre. De plus, l’épidémie de Peste qui sévit dans la ville ajoute une dimension anxiogène et menaçante à l’histoire.
Les deux personnages principaux de l’histoire sont Legs et Hugh Tarpaulin, deux matelots du Free-and-Easy qui se saoulent dans une taverne et se retrouvent mêlés à des événements étranges et inquiétants. Leur caractère et leurs traits de personnalité sont présentés de manière contrastée : Legs est grand et décharné, avec un air sérieux, tandis que Hugh Tarpaulin est petit et trapu, avec un caractère goguenard. Les autres personnages présents dans l’histoire sont les six étranges personnages à la physionomie dérangeante qui tiennent une réunion autour d’une table dans un atelier de pompes funèbres. Leur allure noble et leurs titres étranges (Roi Peste Ier, Reine Peste, etc.) renforcent le côté surréaliste et inquiétant de l’histoire.
L’atmosphère de l’histoire est sombre et anxiogène, grâce aux éléments de contexte historique et géographique mentionnés précédemment, mais aussi grâce aux personnages et aux événements qui se déroulent. L’intrusion des deux matelots dans l’atelier de pompes funèbres et leur rencontre avec les six étranges personnages renforce cette atmosphère de danger et de mystère. Parmi les thèmes abordés dans l’oeuvre, on peut citer le danger de la Peste et de l’alcool, mais aussi le pouvoir et la hiérarchie sociale, avec la présence d’un “roi” et d’un “archiduc” parmi les personnages.
L’histoire est racontée de manière très imagée, avec des descriptions précises et colorées des personnages et des lieux. Le style de Poe, qui est connu pour être sombre et poétique, convient parfaitement à l’atmosphère de l’histoire et contribue à son effet surréaliste. Les éléments de l’histoire peuvent être analysés comme des symboles, qui permettent de donner une signification profonde à l’œuvre. Par exemple, l’atelier de pompes funèbres peut symboliser la mort et la finitude, tandis que la Peste peut être considérée comme un symbole de la destruction et de l’anéantissement.
L’œuvre de Poe s’inscrit dans la tradition littéraire du gothique, qui met en avant des éléments sombres et effrayants pour créer une atmosphère de mystère et de danger. On peut donc analyser l’œuvre en comparant les éléments de l’histoire aux codes et aux conventions du genre gothique.
Les personnages de l’histoire sont décrits de manière assez caricaturale, avec des traits de personnalité très marqués. On peut toutefois se demander ce qui les pousse à agir de telles manières, et analyser leur comportement à travers le prisme de leur psychologie. Par exemple, pourquoi Legs et Hugh Tarpaulin se retrouvent-ils ivres et sans le sou dans une taverne miteuse, et comment cette situation les pousse-t-elle à agir de manière imprudente et grossière ?