Manuscrit trouvé dans une bouteille est une nouvelle qu’Edgar Allan Poe, un auteur américain, envoie au journal Baltimore Saturday Visiter, à l’occasion d’un concours d’écriture. La nouvelle est publiée par le journal en octobre 1833. 23 ans plus tard, elle apparaîtra dans le recueil Histoires Extraordinaires.
Résumé détaillé de Manuscrit trouvé dans une bouteille d’Edgar Allan Poe
Un simple voyage …
L’histoire serait issue d’un manuscrit trouvé dans une bouteille dans lequel un narrateur raconte une histoire extraordinaire. Dès le début, il nous explique qu’il ne se souvient plus d’où il vient et souhaite ne pas parler de sa famille qu’il a oublié. Avant de commencer son récit, il nous explique qu’il a reçu une excellente éducation. Intéressé par la philosophie allemande, il dispose d’une faculté de douter de tout. Ayant une “nerveuse instabilité”, il ne cesse de voyager et c’est la raison pour laquelle il se rend sur une île de Java à Batavia pour embarquer à bord d’un navire marchand. Si au départ, la traversée se déroule bien, le narrateur finit par être inquiété lorsqu’un soir, il se met à observer un curieux nuage dans le ciel comme il n’en avait jamais vu depuis le début du voyage. Le narrateur commence à pressentir un danger, et ce, malgré une eau calme. Il en fait part au capitaine qui ne fait pas cas de ses remarques.
… Qui tourne au drame
Cette nuit-là, le narrateur, trop inquiet, ne trouve pas le sommeil et décide de monter sur le pont. Alors qu’il est sur la dernière marche de l’échelle qui le mène sur le pont, une tempête éclate et l’équipage du navire est emporté par les flots, hormis un Suédois. Comprenant qu’ils sont seuls sur le navire, le narrateur et le Suédois ne peuvent rien faire et décident de laisser le bateau naviguer sur les flots. Pendant cinq jours, le narrateur et le Suédois s’entraident pour essayer de survivre en se nourrissant de morceaux de sucre jusqu’au jour où leur navire est percuté par un étrange navire qui semble se dresser sur la crête d’une vague.
Un navire étrange
Le narrateur se retrouve alors propulsé sur ce navire étrange, abandonnant contre son gré le Suédois. Le narrateur décide alors de se cacher dans la cale du bateau et se met à narrer une histoire fragmentaire.
Dans le premier fragment, le narrateur explique que ses certitudes rationalistes sont totalement ébranlées sur le navire.
Dans ce deuxième fragment, on découvre que le narrateur a pu sortir de sa cachette et il s’étonne des personnes qu’il voit. Ces dernières sont plongées dans des méditations et semblent ne pas faire cas de la présence du narrateur. Il explique s’être faufilé dans la cabine du capitaine pour trouver de quoi écrire en espérant trouver un moyen de transmettre au monde les scènes particulières qui s’offrent à lui.
Le narrateur s’est arrangé pour écrire, à l’aide d’une brosse à goudron, le mot “DÉCOUVERTE” sur les bords d’une voile complémentaire du bateau. Le narrateur examine le navire avec minutie et prend conscience qu’il est vieux et que malgré les apparences, il ne s’agit pas d’un vaisseau de guerre. Toutefois, le bateau lui semble étrange, presque irréel.
Les matériaux de la charpente lui sont inconnus. La seule chose qu’il peut dire, c’est qu’hormis le fait que le bois est dévoré par les vers, il semble être très vieux.
Le narrateur nous confie qu’il a trouvé le courage de se mêler aux autres hommes, mais que ces derniers n’ont pas remarqué sa présence. Il les trouve à la fois vieux et fatigués et sont entourés d’objets anciens.
Le narrateur continue d’observer cet étrange équipage qui semble manœuvrer sans être inquiété de la situation qui, pourtant, apparaît angoissante pour le narrateur. Le navire semble être en proie à une tempête dévastatrice et, contre toute attente, il ne semble pas sombrer.
Le narrateur est allé voir le capitaine, mais celui-ci n’a pas fait attention à lui. Le narrateur comprend que le capitaine, n’arrivant pas à garder le cap, a décidé de se laisser entraîner par le courant. Comprenant que le bateau va sombrer d’une minute à l’autre, le narrateur décide de glisser ce manuscrit dans une bouteille afin de l’abandonner à la mer.
Présentation des personnages
Le narrateur nous livre l’aventure qui lui est arrivée qu’il “transmet au monde” dans une bouteille jeté à la mer avant que son bateau ne sombre. Nous ne connaissons pas son nom et il ne s’attarde pas sur ses origines. Nous n’avons aucun détail sur son apparence physique si ce n’est qu’il mesure à peu près cinq pieds huit pouces environ, soit comme le capitaine du navire étrange. Avant de commencer son discours, il tient à souligner qu’ayant une absence totale d’imagination, toutes les lignes qui suivent, bien qu’étant extraordinaire, sont absolument vraies. Ce personnage voit ses certitudes rationalistes ébranler dans son aventure chaotique sur l’Océan Indien. Jusqu’à ce que son bateau échoue, il tentera de faire preuve de logique face aux événements étranges qu’il va rencontrer. Des événements qui dépassent complètement son entendement.
Le Suédois s’est embarqué en même temps que le narrateur. Ce vieil homme est le narrateur sont les deux personnages qui survivent lorsque la tempête emporte tous les membres de l’équipage. Face à l’adversité, le narrateur et le Suédois seront solidaires. Finit-il par mourir face à la collision avec le navire étrange ou reste-t-il seul sur le navire ? Lorsque le narrateur se retrouve sur le nouveau bateau, il ne mentionne plus le Suédois. Dans le récit, c’est le seul à prononcer des paroles au discours direct : “Voyez ! voyez ! me criait-il dans les oreilles ; Dieu tout-puissant ! Voyez ! voyez !”
Les marins du navire étrange sont extrêmement vieux. Le second et le capitaine du bateau paraissent faibles et ont tendance à se parler à eux-mêmes d’une voix basse, et ce, dans une langue totalement étrangère au narrateur. Ils ne prêtent aucune attention au narrateur et semblent être dans un état complètement méditatif. Bien qu’ils paraissent usés et fatigués, les membres de l’équipage semblent continuer de faire manœuvrer cet étrange bateau. Lorsque le naufrage final semble être quasi certain, l’équipage ne semble pas être abattu et fait plutôt preuve de courage.
Analyse d’oeuvre
Schéma narratif
Situation Initiale | Représente le début de l’histoire. Cette étape permet de décrire les personnages principaux et de présenter le cadre spatio-temporel. | Description brève du narrateur qui embarque à bord d’un navire marchand à Batavia, une compagnie néerlandaise des Indes orientales (aujourd’hui Jakarta). |
Élément perturbateur | Représente l’élément qui va bouleverser la situation initiale obligeant le ou les personnages à agir. | Le navire subit une violente tempête balayant tous les membres de l’équipage hormis le Suédois et le narrateur. |
Péripéties | Représente les différentes étapes de l’aventure rencontrées par le ou les personnages déclenchées par l’élément perturbateur. | Le navire est abîmé. Les deux survivants, le Suédois et le narrateur s’entraident pour survivre en n’ayant aucune possibilité de manœuvrer le bateau. Ce dernier entre en collision avec un autre bateau. Le narrateur est privé du Suédois et se retrouve sur un bateau étrange. Il découvre un équipage bizarre qui semble ne pas s’intéresser à lui. Le narrateur décide de décrire avec minutie tout ce qu’il voit sur ce navire. |
Élément de dénouement/ de résolution | Représente l’élément qui clôture les péripéties conduisant progressivement à la situation finale. | Le capitaine du navire étrange ne peut plus maintenir le cap et le bateau file vers le pôle Sud où apparaissent de nombreux obstacles. Le narrateur place son manuscrit dans une bouteille et la jette à la mer. |
Situation finale | Représente la dernière étape du récit. | Le bateau sombre. |
Une nouvelle fantastique
La nouvelle littéraire est un récit bref faisant appel à la réalité et qui, généralement, ne comporte pas de situation finale. Dans le schéma narratif susmentionné, nous avons conclu que la situation finale correspondait au moment où le bateau étrange sombre dans un tourbillon toutefois, il serait plus judicieux de nommer cette étape du schéma narratif : la chute. Dans une nouvelle, il y a peu de personnages et peu d’actions afin de simplifier l’histoire. Dans Manuscrit trouvé dans une bouteille, nous avons à faire à un seul personnage principal : le narrateur. L’équipage et le capitaine du premier navire apparaissent très brièvement de même que les membres du navire étrange, quoique ces derniers soient mieux décrits par le narrateur. Le Suédois apparaît également dans cette histoire, mais sa présence reste très brève.
Dans une nouvelle, nous sommes confrontés aux états d’âme du personnage principal et c’est exactement ce qu’il se passe dans Manuscrit trouvé dans une bouteille. Le narrateur nous exprime ses pressentiments avant que le premier bateau ne fasse naufrage : “En réalité, tous ces symptômes me donnaient à craindre un simoun . Je parlai de mes craintes au capitaine ; mais il ne fit pas attention à ce que je lui disais, et me quitta sans daigner me faire une réponse. Mon malaise, toutefois, m’empêcha de dormir”.
De même, lorsqu’il se retrouve dans le navire étrange, le narrateur, nous révèle : “Un sentiment pour lequel je ne trouve pas de mot a pris possession de mon âme, – une sensation qui n’admet pas d’analyse, qui n’a pas sa traduction dans les lexiques du passé, et pour laquelle je crains que l’avenir lui-même ne trouve pas de clef”. Il nous parle également de ses doutes ainsi que de la peur de la mort qui l’envahit.
Le récit de Poe amène le lecteur à se questionner : qu’est-il arrivé au Suédois ? s’en est-il sorti ? est-il mort ? Par ailleurs, la chute de cette histoire laisse planer un doute : est-ce que le journal de bord a survécu aux intempéries ? Le narrateur a-t-il trouvé la mort ou a-t-il survécu ?
Dans Manuscrit trouvé dans une bouteille, nous avons à faire à une nouvelle fantastique. Les marins étranges semblent ne pas appartenir au même monde que nous. Le narrateur les décrit comme des êtres vieux et fatigués qui continuent de faire manœuvrer le bateau (“ils portaient tous les signes d’une vieillesse chenue. Leurs genoux tremblaient de faiblesse ; leurs épaules étaient arquées par la décrépitude ; leur peau ratatinée frissonnait au vent ; leur voix était basse, chevrotante et cassée ; leurs yeux distillaient les larmes brillantes de la vieillesse, et leurs cheveux gris fuyaient terriblement dans la tempête.”. Le narrateur prend conscience que cela ne sert à rien de continuer de manoeuvrer puisque le capitaine n’arrive plus à maintenir le cap, mais ces marins n’en font pas cas, comme s’ils faisaient cela depuis une “éternité”. Le fait que les marins n’appartiennent pas au même monde que nous est suggéré par le fait qu’ils ne voient pas le narrateur. Celui-ci se mêle à eux, se positionne devant le capitaine, mais personne ne semble remarquer sa présence. D’ailleurs, le narrateur s’étonne, en voyant l’état du bateau, que celui-ci soit encore debout.
À mi-chemin entre la réalité et le fantastique, nous pouvons également nous demander si la nouvelle n’est pas à mi-chemin entre la mort et la vie. La collision entre les deux bateaux entraîne la mort du narrateur et tout ce périple se révèle être imaginaire. Progressivement, il prend conscience de sa finitude et la peur de sa mort s’apaise jusqu’à ce qu’il accepte le sort tragique qui s’offre à lui. L’idée du bateau qui sombre dans un tourbillon peut également faire penser à cette métaphore d’un long tunnel que nous empruntons lorsque nous “plongeons” vers la mort.
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