Publié en 1871, La Curée est le deuxième roman de la série Les Rougon-Macquart d’Émile Zola, une vaste fresque littéraire explorant la société française sous le Second Empire. Ce roman s’inscrit dans le projet naturaliste de Zola, visant à dépeindre les comportements humains influencés par l’hérédité et le milieu social. La Curée plonge dans le Paris haussmannien en pleine transformation, mettant en lumière l’appétit insatiable pour la richesse et le pouvoir, ainsi que la corruption morale de l’époque. À travers des personnages marqués par l’ambition et la décadence, Zola illustre la démesure et les excès de cette société en mutation rapide. Explorons cette oeuvre ensemble.
Résumé chapitre par chapitre de La Curée d’Emile Zola
Chapitre 1 : Renée et l’ennui des mondanités
Le premier chapitre s’ouvre sur une balade au bois de Boulogne, en 1860. Renée et Maxime, son beau-fils, se promènent tout en échangeant sur les personnes présentes, principalement des nobles, et les évolutions du bois. Ils discutent du temps qui passe et de l’ennui de Renée qui, malgré qu’elle ait tout ce qu’elle désire, n’est pas heureuse dans sa vie. Au retour de leur balade, ils rejoignent leur hôtel particulier, proche du parc Monceau, où Aristide Saccard, mari de Renée, a organisé une soirée mondaine. Le tout paris est présent, nobles, hommes politiques, entrepreneurs et les discussions tournent principalement autour de l’évolution de la ville et des grands travaux qui sont entrepris. Renée s’ennuie et ne s’intéresse qu’à Maxime, qui fait la cour à Laure D’Aubigny. Prise de jalousie, elle se réfugie dans sa serre.
Chapitre 2 : L’arrivée d’Aristide à Paris
Ce deuxième chapitre est un retour en arrière. Zola nous propose une rétrospective de l’arrivée d’Aristide Rougon à Paris, et sur l’évolution de son personnage. Il débarque en conquérant dans la capitale en 1852, accompagné de sa femme Angèle et de leur fille. Il rejoint son frère Eugène, qui lui offre un poste dans un hôtel de ville. Il est avide de gloire et de richesse et change rapidement son patronyme pour Saccard (“il y a de l’argent dans ce nom-là”). Il se tourne vers sa soeur Sidonie, parisienne aux nombreuses relations. Mais ses intrigues ne lui apportent aucune richesse. A la mort de sa femme, Sidonie lui parle d’une jeune femme bourgeoise à la situation délicate : elle est enceinte de trois mois, hors mariage. La dot importante et les biens de sa belle-famille attire Aristide qui accepte le contrat de mariage avec Renée Béraud du Châtel. Avec sa nouvelle fortune, Aristide se lance dans les affaires et notamment la spéculation, et connaît alors ses premiers succès financiers.
Chapitre 3 : La complicité de Renée et Maxime
Ce troisième chapitre est la rétrospective de l’arrivée de Maxime à Paris, fils d’Aristide et d’Angèle resté en pensionnat lors de leur venue sur Paris. Alors âgé de 13 ans, Renée l’accueille à bras ouverts et se propose de faire son éducation. Peu attiré par les études, le jeune homme leur préfère les mondanités. Il s’intègre aisément dans le cercle de Renée et la vie bourgeoise. Oisif, il s’adonne aux plaisirs libidineux et fréquente les mêmes lieux – et femmes – que son père. La famille emménage à l’hôtel Monceau. Peu de temps après, lors d’un bal aux Tuileries, l’empereur remarque Renée.
Chapitre 4 : L’inceste et le revers de fortune
Après une soirée mondaine tenue par l’actrice Blanche Muller, Renée et Maxime se rapproche et consomme l’inceste. Malgré une gêne mutuelle, ils poursuivront leurs ébats. Pendant ce temps, Aristide connaît un revers de fortune. Il est venu au bout de l’argent de sa femme, et ne sait pas comment garder la face. Il fait tout pour garder secrète son infortune et maintenir son train de vie luxuriant. Son associé, Larsonneau, possède des documents compromettants sur sa situation. La situation le perturbe grandement. Sidonie cherche à venir au secours de sa belle-soeur, qui ne veut pas s’endetter auprès d’elle. Renée trouve une solution pour soutenir son mari face à leurs difficultés financières. Elle plonge avec Maxime dans une relation incestueuse. Elle y trouve un plaisir inédit face à l’ennui qui l’a toujours bercé. Tous deux s’épanouissent en se livrant à des jeux érotiques. Personne ne remarque la nouvelle tournure de leur relation, car ils ont toujours été très complices.
Chapitre 5 : Intrigues de cœur et de fortune
Maxime et Renée continue de s’épanouir dans leur relation, bien que cela coûte cher à la jeune femme. Paris est métamorphosé par les grands travaux et les deux amants se plaisent à arpenter ses rues. Aristide cherche à reconquérir sa femme. Il profite de ses dettes pour tenter de la rendre dépendante à lui. Elle refuse son aide, et cherche le soutien de son père et de sa tante. Trop honteuse, elle ne saura leur avouer la raison de sa présent. Renée panique alors et se tourne vers Sidonie en lui demandant les cinquante mille francs dont elle a besoin. Sa belle soeur manigance avec son tailleur, qui serait très amoureux de Renée. Cette dernière s’offusque et refuse de se vendre. Elle revient vers son mari, avec qui elle renoue pour régler ses dettes. Aristide cherche à marier Maxime avec Louise, à la dot avantageuse. Après une représentation de Phèdre et les deux amants se retrouvent dans la serre et s’embrassent, insouciant du regard de Louise qui les surprend. Alors que Maxime se rend compte que Renée a une liaison, il rompt avec elle sans lui annoncer son mariage prochain, qu’il a accepté par intérêt financier. Lorsque son père lui annonce ses retrouvailles avec sa belle-mère, Maxime la rejoint et tente de renouer avec Renée, qui commence à perdre pied. Alors qu’ils replongent dans les délices de leur plaisir coupable, Saccard manigance de son côté avec Larsonneau pour protéger les apparences.
Chapitre 6 : Amours retentissants et lever de rideau
Lors du bal costumé annuel tenu à l’hôtel Monceau, une représentation est donnée, des mythiques amours de Narcisse et d’Echo. Le tout Paris est présent pour assister au spectacle, dans lequel Renée et Maxime jouent des rôles très similaires à leur relation. Les mondanités courent pendant le spectacle : potins et intrigues politiques ont lieu. Sidonie tient promesse à son frère et enquête pour découvrir qui est l’amant de sa belle-soeur. Eugène est devenu ministre et veut offrir un poste d’Auditeur au conseil d’Etat à son neveu pour son mariage. En apprenant la nouvelle de ce mariage par hasard, Renée menace Maxime de dévoiler au grand jour leur relation s’il refuse de partir avec elle en Amérique. Prévenu par sa soeur, Saccard les découvre enlacés et se met dans une sourde colère, avant de quitter les lieux avec son fils. Abandonnée, Renée fait face seule à son miroir et son introspection. Elle ne se reconnaît plus et s’interroge sur ce qui l’a mené jusque là. Elle se sent victime de son mari et de son amant. Prise de remords, elle tente de retrouver Louise pour empêcher le mariage, sans succès.
Chapitre 7 : La solitude de Renée et le triomphe d’Aristide
Dans le dernier chapitre, Aristide Saccard mène à bien ses projets de fortune. Il a obtenu une place dans la commission chargée d’estimer ses biens immobiliers. Il est lui-même chargé de la rédaction du rapport, et obtient ainsi une fortune de 3 millions de francs. Sa santé financière se porte mieux. Renée se retrouve quant à elle bien seule et passe ses journées d’ennui à jouer et parier. Veuf, Maxime revient d’Italie où il a enterré sa femme. Pleine de haine et d’amertume, Renée décide de raconter à son mari la relation incestueuse qui la liait à son fils, afin qu’ils se brouillent définitivement. Maxime se retrouve à habiter seul, vivant de son héritage et des gains joués lors de courses de chevaux. Quand son unique confidente, sa femme de chambre, lui annonce son départ, Renée est confrontée à sa solitude. Écrasée par la tristesse, elle se rend au bois de Boulogne pour une promenade. Elle aperçoit alors son mari et Maxime dans les bras l’un de l’autre. Le fils écoute les conseils de son père, pour faire fructifier sa fortune. Humiliée et endettée, elle décide de se réfugier dans la maison de son père, où elle trouvera un certain apaisement. Elle mourra un an plus tard d’une méningite, seule.
Présentation des personnages de La Curée
Aristide Rougon, dit Saccard
Il est le troisième d’une fratrie de cinq enfants, fils de Pierre Rougon et Félicité Puech. En 1836 il se marie avec Angèle, de laquelle il aura deux enfants : Maxime et Clotilde. Il mène pendant plus de dix ans une vie d’employé qui ne le satisfait pas et rêve de faire fortune. A l’approche de la révolution en 1848, il feint d’abord de se joindre à la République – pensant flairer une bonne affaire -. Il retourne finalement sa veste au moment du coup d’état, auquel il adhère publiquement.
Lors de son arrivée à Paris, il change de nom pour celui de Saccard. Il peine à faire fortune, jusqu’au décès de sa femme et son mariage d’intérêt à Renée Béraud du Châtel. Il enchaîne les conquêtes et les intrigues politiques. Il fait fortune grâce à des entourloupes financières.
C’est un homme avide, malhonnête et colérique.
Renée Béraud du Châtel
Femme d’Aristide Rougon, dit Saccard. Née en 1836, elle est la fille aînée du président Béraud du Châtel. Sa mère meurt alors qu’elle n’ait âgée que de huit ans. Elle passe sa scolarité dans un pensionnat. Pendant ces onze années loin du foyer paternel, elle découvre les curiosités et vices. Elle subit un viol brutal à l’âge de 19 ans, et tombe enceinte. Cette disgrâce poussera sa famille à la marier au plus vite, à Aristide Saccard, en échange d’une dot importante et de biens immobiliers. Elle fait une fausse couche peu de temps après son mariage, évitant la disgrâce redoutée par tous.
Elle est alors propulsée aux devants de la vie du Second Empire et mène une folle existence. Elle se livre aux mondanités tapageuses, dilapide sa fortune et enchaîne les amants. A vingt huit ans, ayant tout vécu de cette vie, elle se trouve bercée d’un ennui qui ne la quitte plus. Elle retrouvera la fougue et la passion dans les bras de Maxime, fils de son mari, et l’interdit de leur relation lui fera tourner la tête.
Elle tombe peu à peu dans la folie, et son mari profite de son infortune pour faire sa propre fortune, alors que son amant la délaisse. Elle réalise qu’elle n’est qu’un jouet à leurs yeux, et l’instrument de leur avidité, avant de fuir Paris et de mourir seule dans la demeure paternelle.
Maxime Saccard
Fils d’Aristide Rougon, dit Saccard, né de son premier mariage avec Angèle. Il aura un fils avec une servante et épousera par intérêt financier Louise de Mareuil qui meurt la même année. Il est accueilli à Paris par Renée, sa belle-mère, après ses jeunes années passées en pensionnat. La découverte du Paris flamboyant et des mondanités lui sied particulièrement et commence à courir les jupons – souvent les mêmes que son père.
Il tombe dans l’inceste avec Renée et profite de cette relation pour se faire entretenir par sa belle-mère. La découverte de la relation par son père précipite son mariage avec Angèle, à la dot considérable d’un million. Il profite de sa fortune dès son décès.
Sidonie Rougon
Sœur d’Aristide, elle a ce même appétit que son frère pour la fortune et les intrigues. Veuve, elle devient à la fois femme d’affaires et entremetteuse pour les mondains parisiens. Elle sert notamment son frère, à qui elle propose le mariage avec Renée. Tout au long de leur mariage, elle sera l’intermédiaire des époux, trouvant amants pour la femme et bonnes affaires pour son frère. Elle protège les gens du milieu bourgeois de leurs scandales contre des gestes financiers. C’est ainsi qu’elle acceptera d’espionner Renée pour le compte d’Aristide et dévoilera la relation qu’elle entretient avec Maxime.
Analyse de l’œuvre
Le titre
Terme dédié à la chasse, la Curée désigne le fait de donner aux chiens un morceau de viande afin de les exciter avant la chasse. Titre de ce deuxième roman des Rougon Macquart, il se lit aussi comme une métaphore de l’ensemble de cette fresque romanesque.
Ici, la meute est menée par Aristide Saccard qui arrive pour conquérir Paris, et qui, avec ses acolytes, va faire main basse sur la capitale. La ville est éventrée par les grands travaux haussmanniens, et la meute la dévore.
Les thèmes principaux
L’argent
La fortune est au coeur du roman et des préoccupations du personnage principal. Aristide n’a qu’une chose en tête : faire fortune coûte que coûte. Tel l’alchimiste, son ambition est de faire du plomb de l’or. La métaphore filée de cette transmutation parcourt le roman. On pense notamment à cette scène où il imagine son triomphe futur et à ces mots qu’il prononce : « Plus d’un quartier va fondre, prophétise l’employé de l’Hôtel de Ville, et il restera de l’or aux doigts des gens qui chaufferont la cuve. »
La conquête
Évoquée depuis le titre du roman, la conquête est un thème central de ce récit. Conquête de la capitale en pleine métamorphose, conquête de sa propre fortune pour Aristide et conquête du pouvoir par son frère Eugène. Mais aussi conquêtes amoureuses, puisque les intrigues romantiques sont au cœur du récit.
La théâtralité
On assiste au spectacle des mondanités parisiennes dès l’incipit du roman, la théâtralité est omniprésente dans ce récit. De l’importance des représentations lors de scènes clés du roman (pièce de théâtre de Phèdre, représentation du mythe de Narcisse lors du bal masqué à l’hôtel Monceau), on perçoit une mise en abîme de l’histoire des personnages.
Une construction en miroir
Le récit romanesque est construit en miroir à plusieurs égards. D’abord, le roman s’ouvre et se ferme sur une même scène. C’est celle de la balade aux Bois de Boulogne et des bourgeois qui se “donnent à voir”. On retrouve dans les scènes d’ouverture et de fermeture du roman les mêmes personnages, et la même image bucolique. C’est un “défilé” où les gens se montrent.
Cette construction en miroir est également présente dans l’importance des représentations qui parcourent le récit. Elles sont le miroir des destins des personnages.
Les Rougon Macquart : Zola et le naturalisme
Avec le projet de la fresque romanesque des Rougon Macquart, Zola, un auteur français du XIXème siècle, souhaite non pas dépeindre la société seule, mais une famille et son hérédité : “une seule famille en montrant le jeu de la race modifié par son milieu”. Il veut que ses romans soient expérimentaux. En effet, il élabore des plans et des théories avec une rigueur scientifique qui lui demande une documentation solide. En tant que naturaliste, il veut que ce projet reflète au plus proche la nature, et notamment celle de l’hérédité.