Littérature

Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, L’église des Jésuites : résumé, personnages et analyse

Couverture de la fiche de lecture de l'église des jésuites, une nouvelle d'Ernst Theodor Amadeus Hoffman
Ecrit par Les Résumés

L’église des Jésuites est une nouvelle fantastique écrite par E.T.A Hoffman. Elle est disponible dans le recueil de nouvelles intitulé Contes nocturnes. Découvrons ensemble cette “fable de peinture” du 19ème siècle.

Résumé détaillé de L’église des Jésuites de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann

Le collège des Jésuites

En raison d’un problème de voiture, le narrateur est contraint de séjourner pendant trois jours dans une petite ville où il ne connaît personne. Il exprime sa douleur causée par le besoin non satisfait de communiquer avec les habitants de cette ville qui ne parlent pas aux étrangers.
Le narrateur se souvient d’un ami qui lui avait parlé d’un professeur savant et spirituel, Aloysius Walter, qu’il avait connu dans cette ville. Il décide de lui rendre visite et se rend au collège des Jésuites où il l’attend en se promenant dans les salles extérieures de l’édifice construit dans un style italien dérivé de la forme antique. Il décrit les salles comme étant hautes, vastes et bien aérées.

Rencontre avec le professeur

Le professeur arrive et le narrateur lui demande l’hospitalité pour son séjour dans la ville. Le narrateur se rappelle les descriptions de son ami à propos du professeur, qui s’avèrent exactes. Il remarque l’élégance moderne de la chambre du professeur et évoque avec lui la différence entre les styles architecturaux gothiques et antique. Le professeur explique que l’on a choisi de bannir la “sombre gravité” des édifices gothiques pour privilégier “l’agréable sérénité des temples antiques“. Le narrateur exprime ensuite son désaccord avec cette idée, pensant que la grandeur de la construction gothique exprime mieux l’esprit du christianisme. Le professeur se moque de cette réflexion et explique qu’il est important de reconnaître la nature divine dans le monde à travers des symboles agréables. Le narrateur réfléchit intérieurement à l’hypocrisie de ces propos, mais ne les exprime pas à haute voix.

Visite de l’église

Le narrateur souhaite visiter l’église. Le professeur l’accompagne et ils tombent sur Berthold, un peintre, en train de travailler. Le professeur connaît le peintre et lui adresse la parole, mais celui-ci répond d’une voix sourde, parlant de ses tourments et de son état maladif. Il fait part de sa frustration envers le travail qu’il est en train de réaliser. Le narrateur est touché par l’expression de douleur de l’artiste et demande au professeur qui il est. Le professeur révèle qu’il s’agit d’un artiste étranger qui a accepté de travailler sur l’église, et que malgré son état maladif, il est aimé et apprécié par tous. Le professeur et le narrateur finissent ensuite par visiter des tableaux d’autel de l’église, dont un “dominichino”.

Le narrateur trouve une toile tendue sur un tableau d’autel. Le professeur explique qu’il s’agit d’un des plus beaux tableaux qu’ils ont. Il a été réalisé par “un jeune artiste des temps modernes” toutefois, il ne peut pas le montrer pour l’instant.

Le peintre Berthold

Le narrateur accepte l’invitation du professeur pour visiter un lieu de plaisance près de la ville. Il rentre tard chez lui, et après un orage, il décide de faire une promenade nocturne. Il se rend devant l’église où il trouve une porte ouverte et y découvre le peintre, Berthold, en train de dessiner sur une niche avec un filet et une échelle. Berthold utilise cette méthode pour reproduire son dessin sur une grande surface. Il observe silencieusement Berthold travailler, et lorsque celui-ci termine, il se met à siffler joyeusement. Berthold confond le narrateur avec Christian.
Berthold lui explique que Christian est un homme paresseux. Il devait venir l’aider, mais il n’est pas venu. Le narrateur lui propose de l’aider, ce qui fait rire Berthold, mais il finit par accepter.

L’opinion de Berthold

Le narrateur exprime son admiration pour les talents de Berthold et lui demande pourquoi il ne se consacre pas à d’autres genres de peinture. Berthold lui répond que tous les genres de peinture sont égaux et qu’il ne convient pas de les classer en sous-ordre. Il lui parle de la fable de Prométhée qui voulut être créateur, mais qui fut condamné à des tourments éternels. Il conclut en disant que certains peintres sont des criminels tandis que d’autres ne sont que des enfants jouant avec des pots de couleur. Berthold se plaint qu’il ne progresse pas dans son travail et qu’il est en train de dire des folies au narrateur. Il fait référence à l’idée que Dieu a créé les hommes pour ne pas dépasser ce qui est commensurable et pour fabriquer des machines. Il évoque le professeur Walter qui prétend que certains animaux ont été créés pour être mangés par d’autres, et que cela est finalement avantageux pour les hommes. Berthold se dit qu’ils ne sont que des machines organisées pour confectionner certaines étoffes et fournir certains mets à la table d’un roi inconnu.

Berthold se remet au travail, utilise des pots de couleurs numérotés, et réfléchit sur les règles de la peinture et sur l’idéal qui est un songe trompeur. Il finit par descendre de son atelier. Berthold devient de plus en plus silencieux et oppressé au fur et à mesure que la peinture avance, mais il continue de peindre avec ardeur. Le narrateur s’émerveille de son travail et lui conseille de ne pas continuer, car il risque de consommer ses forces. Berthold lui révèle alors qu’il se sent malheureux, car il s’accuse d’un crime horrible et irréparable.

Le “barbouilleur de murailles”

Le lendemain, le narrateur raconte au professeur le comportement étrange de Berthold et les propos qu’il a tenus la nuit précédente. Cependant, le professeur est indifférent aux préoccupations du narrateur et traite même Berthold de “barbouilleur de murailles“, terme péjoratif pour désigner un peintre. Le narrateur est bouleversé par l’attitude du professeur et veut le convaincre que Berthold est un peintre respectable. Le professeur accepte alors de dire au narrateur tout ce qu’il sait sur Berthold, mais seulement s’ils vont d’abord à l’église, car il veut s’assurer que Berthold n’y est pas.

Arrivée à l’église, le professeur retire le drap laissant dévoiler un tableau représentant Marie, Élisabeth et leurs enfants, Jean et le Christ, dans un jardin. Le narrateur est émerveillé par la beauté de la composition et de la figure de Marie, qui lui rappelle celle de Raphaël. Il s’aperçoit que le peintre du tableau est Berthold, lui-même. Le professeur lui apprend que ce dernier a abandonné son travail après avoir été profondément bouleversé par sa propre réalisation. Le professeur explique que Berthold a été sa propre cause de malheur, mais refuse de donner plus de détails prétextant qu’il ne veut pas gâcher cette belle journée avec des histoires sombres.

Le manuscrit sur la vie de Berthold

Le narrateur ne cesse de presser le professeur afin d’en savoir plus sur Berthold. Le professeur finit par lui révéler qu’un jeune étudiant du collège était devenu proche de Berthold et avait consigné les détails de sa vie dans un manuscrit. L’auteur reçoit le manuscrit du professeur, mais est déçu par le manque d’intérêt du professeur pour les idées supérieures et ses vues matérialistes. Le manuscrit est écrit par un étudiant, qui a eu l’occasion de parler avec Berthold, et l’auteur l’utilise comme source pour raconter l’histoire de Berthold au lecteur.

LE CAHIER DE L’ÉLÈVE DES JÉSUITES

Voyage en Italie

Berthold, un jeune artiste, rêve de voyager en Italie pour étudier les beaux tableaux originaux. Son mentor, le vieux peintre Stephan Birkner, l’encourage à partir en lui disant qu’il a une véritable âme d’artiste et qu’il a besoin de plus de soleil pour produire des fleurs et des fruits. Les parents de Berthold finissent par lui fournir les moyens de faire un long voyage. Une fois en Italie, Berthold se consacre à la peinture de paysage, mais il est influencé par ses camarades et amis qui lui disent que la peinture d’histoire est la plus noble et qu’il doit changer de style s’il veut devenir un grand artiste. Il finit par abandonner le paysage et copie des œuvres des maîtres célèbres tels que Raphaël, mais il se rend vite compte que sa copie manque de vie par rapport à l’original.

Berthold est en proie aux doutes. Sa vocation d’artiste est mise à mal. Il pense qu’il pourrait apprendre un métier qui puisse lui permettre de vivre. Cependant, son ancien maître, Birkner, lui écrit une lettre pour lui dire de persister et de suivre la route indiquée par la nature.

Le Maltais

Peu de temps après, la réputation de l’artiste Philippe Hackert commence à se répandre à Rome, et Berthold est inspiré pour aller étudier avec cet artiste à Naples. Il apprend beaucoup de Hackert et devient habile à représenter divers genres de végétation, mais il se rend compte qu’il y a encore quelque chose qui manque dans ses propres tableaux, et même dans ceux de son maître. Berthold doute de son maître ainsi que sur sa propre capacité à devenir un grand artiste.
Berthold surmonta ses pensées et continua de suivre l’enseignement de son maître qu’il finit par égaler. Lors d’une exposition, où les connaisseurs et les artistes louent le travail du jeune artiste, un vieillard semble ne pas être du même avis. Il fait comprendre à Berthold qu’il aurait pu devenir quelque chose et il s’en va. Berthold est troublé et il en fait part à Hackert. Ce dernier le rassure. Il lui explique que ce vieillard est un Maltais qui peint fort bien, mais ces œuvres ont une apparence fantastique. Il lui conseille de passer outre ces propos. Berthold écoute son maître, oublie les paroles du vieillard et se remet à travailler.

Un génie élevé sommeille en toi

Du fait du succès de son grand tableau représentant un coucher de soleil, Berthold décide d’en faire un second en peignant un lever de soleil. Hackert l’amène à un très beau point de vue de Naples. Alors qu’il est en train de peindre, Berthold est dérangé par le Maltais qui tente de lui faire comprendre que s’il s’évertue à suivre la voie que son maître, il ne comprendra jamais réellement l’art. Le Maltais lui explique que l’art doit être compris. Il doit analyser, étudier la nature pour en révéler toute la beauté sans quoi, il ne fera que “copier” la nature sans lui donner d’âme. Le Maltais confie à Berthold qu’il ressent qu’un génie sommeille en lui. Il a tenté de le réveiller. Le Maltais s’en va.

Profondément affecté par cette rencontre, Berthold est incapable de continuer à travailler sur son art et devient obsédé par l’idée d'”évoquer” l’esprit dont l’étranger a parlé. Il trouve du réconfort dans ses rêves où il éprouve un sentiment accru de beauté et de compréhension du monde qui l’entoure, mais en réalité, il est en proie à un sentiment de misère et de désespoir. Il rejoint deux autres peintres, dont l’un s’appelle Florentin, qui est plus intéressé à profiter de la vie et capture des scènes de festivals et de célébrations dans son art. Malgré cela, Florentin a une connaissance approfondie de l’histoire de l’art et est capable de comprendre et d’interpréter les œuvres des maîtres anciens.

L’apparition

Berthold se rend souvent dans une villa près de Naples pour travailler, où il a une affection particulière pour une grotte dans le parc. Un jour, alors qu’il se trouve dans la grotte, une belle femme apparaît à l’entrée. Il croit qu’il s’agit d’une sainte ou de son idéal, et il est rempli de joie et d’inspiration. Il retourne rapidement à son atelier et peint un portrait de la femme, et son art connaît alors plus de succès et est mieux reçu. Cependant, les gens commencent à reconnaître la femme du tableau comme une personne réelle, la princesse Angiolina T***, et Berthold est contrarié que les gens donnent une forme physique à son inspiration spirituelle. Il soutient que la femme lui a été révélée dans une vision et qu’elle n’est pas une personne réelle. Il continue à mener une vie heureuse et satisfaite, jusqu’à ce que l’armée française arrive à Naples et provoque une révolution.

La fuite

Abandonné par le roi et la Reine, le vicaire général conclut un armistice avec les Français, qui envoient des commissaires pour recevoir les sommes stipulées. Le vicaire général s’enfuit pour échapper à la colère du peuple qui se sent abandonné et la société se désintègre. Les gens pillent et brûlent les maisons des grands seigneurs qu’ils considèrent comme des traîtres. Les efforts pour rétablir l’ordre sont infructueux. Berthold, qui a réussi à s’échapper d’une maison en feu, est pris pour l’un d’entre eux et se retrouve au milieu d’une bande de furieux qui incendient le palais d’un duc. Il sauve une femme et s’enfuit avec elle. Il tombe dans un endroit retiré de la ville et lorsqu’il reprend ses esprits, une princesse est à genoux devant lui et le soigne. Il réalise qu’il s’agit de la même femme qui avait réveillé son génie par le passé. Elle lui explique qu’elle a pris vie grâce à lui et qu’elle lui appartient.
Lorsqu’il serre Angiolina dans ses bras, il ressent des émotions inconnues et une douleur enivrante. Il sait que ce n’est pas un rêve et qu’elle est sa femme. Il décide de quitter l’Italie avec elle pour s’échapper des troupes françaises.

Les tourments de Berthold

Grâce aux diamants qu’elle avait emportés, ils réussissent à subvenir à leurs besoins. Ils finissent par s’établir dans la ville de M***. Il tente de réaliser le portrait de la vierge Marie avec ses deux enfants dans le jardin, mais il n’arrive pas à se concentrer sur son art. Comme à l’époque, il ne parvient pas former une idée nette pour son tableau. Angiolina tombe enceinte et il lui en veut à elle ainsi qu’à l’enfant estimant qu’ils sont la source de ses malheurs. Il se montre violent envers sa famille. Les autorités sont alertées, mais il quitte M*** avec sa famille. Il vient s’établir à R***, sans femme et sans enfant. Il essaie de terminer son tableau en vain. Il tombe dans la misère et perd toutes les joies de sa vie. Il finit par tomber dans la mendicité “en peignant des murailles” ici et là.

Le narrateur se confronte Berthold

Après la lecture de ce manuscrit, le narrateur ne peut s’empêcher de penser que Berthold a assassiné sa femme et son enfant. Le professeur n’est pas du même avis, mais il lui explique qu’il peut s’entretenir avec lui la nuit prochaine étant donné qu’il est de bonne humeur lorsqu’il finit un ouvrage.
Ne voulant pas le confronter en pleine nuit, le narrateur décide d’aider Berthold. Pendant qu’ils sont sur l’échaffaud, le narrateur lui affirme qu’il a tué sa femme et son enfant. Berthold nie en bloc et le menace de les précipiter du haut de l’échafaud s’il se remet à affirmer cela une fois de plus. Le narrateur montre une coulure sur la muraille et profite de l’instant où Berthold peint pour descendre de l’échafaud.

Le narrateur finit par quitter G***. Le professeur Aloysius Walter lui promet de lui écrire s’il apprend de nouvelles choses sur Berthold. Six mois plus tard, le narrateur reçoit une lettre du professeur dans laquelle il apprend que peu de temps après son départ, Berthold s’est mis à finir le tableau de la vierge et qu’il s’est suicidé en se jetant à la rivière.

Présentation des personnages

Dans cette nouvelle, qui se présente sous la forme d’un roman-tiroir, nous avons à faire à deux narrateurs. Le premier narrateur est celui qui se retrouve bloqué à G*** à cause d’un problème de voiture. Il va donc rencontrer le professeur, Aloysius Walter, du collège Jésuite et Berthold, le peintre. Curieux par l’attitude étrange de ce dernier, le narrateur va obtenir le manuscrit écrit par un élève de l’école jésuite. Le deuxième narrateur est l’élève qui a retranscrit tous les détails qu’il a appris sur la vie de Berthold. En lisant ce cahier, le premier narrateur évoque la possibilité que Berthold ait pu assassiner sa femme et son fils dans un accès de folie. Il le confronte et n’en apprend pas plus. Après avoir quitté G***, il apprend que Berthold a fini par se suicider après avoir fini la peinture de la Vierge. On peut alors supposer qu’il avait des remords, mais l’auteur n’est pas suffisamment explicite sur les raisons de son suicide. Le mystère reste donc entier.

Aloysius Walter est un professeur du collège jésuite qu’un ami du narrateur a rencontré lorsqu’il est venu dans cette ville. C’est lui qui tend le manuscrit au premier narrateur pour qu’il en apprenne plus sur Berthold.

Berthold est un “barbouilleur de muraille” qui semble être souvent de mauvaise humeur. Toutefois, il est très apprécié par les gens. C’est également un personnage qui a une opinion propre sur l’art. Le deuxième narrateur nous en apprend plus sur ce personnage. Il est parti pour l’Italie afin de devenir un peintre célèbre. Dans un premier temps, il se met à peindre des paysages puis il se met à copier des œuvres d’art de maîtres célèbres toutefois, il ne parvient pas à donner une “âme” à ses peintures. Il trouve du réconfort en prenant Hackert pour maître, mais un vieillard étrange, surnommé le Maltais, lui fait comprendre qu’il ne doit pas faire que “copier” la nature. Il doit également la ressentir, la comprendre et lui donner vie à travers ses peintures. Berthold comprendra là où il veut en venir lorsqu’il tombera sur une femme qui lui apparaît à l’entrée d’une grotte qui le fascine. Celle-ci représente son “idéal”, celle qu’il a tant recherchée. Toutefois, cette femme ne sera pas une sainte ni un idéal puisqu’elle sera vivante. Par la suite, il revient au point de départ et il est incapable de finir son œuvre de la Vierge Marie avec ses deux enfants. Il finira par “délaisser” sa femme et son enfant. Berthold symbolise ce genre d’artiste en quête de perfection. Berthold n’arrive pas à se contenter de sublimer la nature, il cherche à représenter un idéal qu’il n’arrive jamais à percevoir. Lorsqu’il sera confronté au premier narrateur de l’histoire, sans aucune explication, il devient de bonne humeur et se met à finir la toile de la Vierge Marie avec ses deux enfants dans le jardin avant de se suicider.

Le peintre Stephan Birkner est le mentor de Berthold. C’est lui qui lui donne l’envie de voyager en Italie pour se perfectionner à la peinture. Il voit en lui une âme d’artiste qui attend d’éclore. Lorsque Berthold se met à douter, il est présent pour le rassurer et pour l’aider à persévérer dans son entreprise. Il donne à Berthold la possibilité de devenir un artiste célèbre et réputé. Il incarne un peu le “dénicheur de talent”, celui qui a du flair. Il perçoit un potentiel chez Berthold.

Philippe Hackert est un artiste qui se fait connaître et atteint une certaine réputation. Il devient le maître de Berthold. C’est un suffisant qui n’aspire qu’à la célébrité grâce à l’art. Il ne cherche pas le beau, il ne souhaite pas sublimer ce qu’il voit, il ne fait que “copier” ce qu’il voit sans y mettre de l’âme. Le Maltais lui a déjà fait des remarques, mais il s’en moque étant donné que ce n’est qu’un illustre inconnu. Hackert est un artiste qui, bien qu’il puisse apprendre des choses à Berthold, ne sert plus à rien lorsque le jeune peintre arrive à l’égaler puisque Hackert n’aura plus rien à lui apprendre étant donné qu’il est dans l’ignorance de l’essence même de l’art. Il incarne le “mauvais génie” pour Berthold.

Le Maltais est un vieux peintre inconnu qui réalise de très belles peintures, quoi qu’un peu trop fantastiques selon Hackert. Toutefois, le Maltais dispose d’un savoir, d’une connaissance dont Hacker ne jouit pas : il a le génie. Il sait ajouter de l’âme à ses peintures. Il décèle cette capacité en Berthold. C’est pour cette raison qu’il cherche à le conseiller. Leur deuxième entretien est assez mystique étant donné que Le Maltais explique à Berthold qu’il a tenté d’appeler son génie afin de le réveiller. Ici, le Maltais tente d’”insuffler” le génie au jeune peintre. Le Maltais représente ces artistes qui disposent d’une connaissance qui ne s’apprend pas et que nous ne pouvons pas copier. Il s’agit d’un talent inné, celui de pouvoir capter la beauté en toute chose et d’avoir la possibilité de sublimer la nature ou tout ce qu’il voit sur la toile. Le Maltais est un homme humble qui n’a rien à prouver. C’est un personnage antagoniste par rapport à Hackert. Pour Berthold, il symbolise le “bon génie”.

Angiolina T*** est une princesse que Berthold rencontre pour la première fois à l’entrée d’une grotte près d’une villa. Il voit en elle, cette “sainte”, cet “idéal” qui lui était venue en rêve maintes et maintes fois. Toutefois, il s’avère que cette femme n’est pas irréelle, elle existe bel et bien. Si au départ, Berthold est heureux d’avoir cette femme pour lui tout seul, très vite, il se rend compte que comme toute chose qui vit, Angiolina est soumise aux aléas du temps. Après avoir été la source d’inspiration, et l’objet d’amour de Berthold, elle devient une source de malheur au point d’être répudiée par son bien-aimé. Les circonstances de sa disparition et de celle de son fils restent assez troubles.

Analyse de l’oeuvre

Le conte fantastique de cet auteur prussien se concentre sur les conflits entre la raison et l’irrationnel, mettant en scène un peintre qui réalise un voyage initiatique. Dans l’église des jésuites, la nature est une thématique importante. Elle représente une fusion romantique entre l’homme et la nature. Le récit se déroule principalement en Italie, considérée comme la patrie des arts et où la sensibilité artistique s’éveille. La quête de l’idéal anime les peintres jusqu’à l’obsession, définissant l’art comme la représentation sublime de la nature. Les peintres sont dépeints comme des êtres éprouvés et tourmentés moralement, avec une fin funeste pour les Berthold qui finit par mourir.

Hoffmann parle d’un dilemme entre l’amour et l’art, où l’amour peut être un frein à la création artistique. Il est mentionné un modèle féminin idéal, comme la Vierge Marie et Angiolina, qui doit rester une créature imaginaire pour garantir la perfectibilité de l’œuvre d’art. Il y a également une dimension mythique et mythologique, avec une obsession pour la figure de Prométhée, symbolisant la chute inévitable du peintre. La description de la peinture utilise des termes comme fantastique, fantaisie, nocturne, et collage, avec des motifs mélancoliques, tendres ou violents, créés à partir d’un assemblage de tonalités éloignées.

Dans cette nouvelle, une grande question se pose : Berthold a-t-il tué sa femme et son enfant ? En effet, la seule chose que nous savons est résumée dans une simple phrase : “Il s’était débarrassé de sa femme et de son enfant”. Le Larousse définit le verbe “débarrasser” comme le fait d’”enlever ce qui embarrasse, encombre un lieu, quelqu’un” ou “soulager quelqu’un, le libérer de quelque chose de pénible, de nuisible”. Dans l’église des jésuites, la femme et l’enfant sont vus comme des “nuisibles” qui “encombre” le peintre. Ce dernier ne peut pas réaliser son travail convenablement. Toutefois, le mot “débarrasser” est d’ordinaire plus attribué à des objets. “Séparer” aurait donc été un verbe plus propice sauf si Hoffmann a eu l’intention de mettre en place un euphémisme avec le verbe “débarrasser”. Un euphémisme est une figure de style qui permet d’atténuer une expression de faits ou d’idées. Ainsi, le mot “disparu” peut être un euphémisme pour le mot “mort”. Dans cette nouvelle, le verbe “débarrasser” pourrait être un euphémisme pour stipuler que Berthold a assassiné sa femme et son enfant qu’il jugeait trop “encombrant”. Cette hypothèse pourrait être plausible dans le sens où, Angiolina ne faisant plus partie du monde terrestre, il a tout le loisir de pouvoir se la réapproprier en tant que muse. Toutefois, malgré cela, Berthold n’arrive pas à réaliser le travail. Nous pouvons nous dire qu’il a des remords, il se sent coupable. Néanmoins, nous ne pouvons pas affirmer avec certitude qu’il a réellement tué sa femme et son enfant. Même s’il se sent coupable : “Pourriez-vous avoir un instant de repos, conserver quelque sérénité, si vous vous accusiez d’un crime horrible et irréparable ?”. En un sens, s’il ne les a pas tués, nous pouvons nous demander si, en se débarrassant d’eux, ils n’auraient pas connu une mort certaine, ce qui pourrait expliquer la répulsion qu’éprouve Berthold à la vue de sa toile. Celle-ci lui rappelle les mauvais agissements qu’il a eus envers deux êtres qui ne demandaient que son amour. Il a fait le choix d’épouser une carrière artistique au détriment de sa famille. Finalement, de son vivant, il n’aura eu droit à ni l’un, ni l’autre.

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