Littérature

Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve : résumé, personnages et analyse

Illustration de la page de garde du dossier de lecture de La Cantatrice Chauve d'Eugène Ionesco
Ecrit par Les Résumés

La Cantatrice chauve, première pièce du dramaturge roumano-français Eugène Ionesco (1909 – 1994), est une œuvre majeure du théâtre contemporain. Classée parmi les pièces du théâtre de l’absurde, la Cantatrice chauve a été écrite et est parue pour la première fois en 1950, qui est aussi la date de sa première représentation sur scène, au théâtre des Noctambules à Paris. La pièce compte onze scènes où le spectateur peut suivre une succession de tirades et de dialogues incongrus, déclamés par des personnages sans but, et dans des situations qui ne sont soutenues par aucune intrigue. Dans cette pièce, les repères de temps et de lieu sont aussi complètement transgressés vis-à-vis des codes traditionnels du théâtre classique puisque la temporalité et les lieux qu’évoquent les personnages sont en décalage avec ce qu’indiquent les didascalies. La Cantatrice chauve qui est jouée au théâtre de la Huchette depuis 1957, est l’œuvre du 20ème siècle qui a été le plus jouée sans interruption (plus de 21.000 représentations, fin 2021).

Résumé scène par scène de La Cantatrice Chauve de Ionesco

Scène 1

Les didascalies annoncent que la pendule anglaise « frappe dix-sept coups » dans un « intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais ».

La pièce s’ouvre sur Mme. Smith annonçant neuf heures, soit une heure différente de l’annonce faite dans les didascalies. S’ensuit une description spontanée et solitaire par Mme. Smith du repas qu’elle et M. Smith ont partagé le soir même avec leurs enfants. La composition du repas est tout à fait surprenante et la description qui en est faite est toujours plus incohérente. Cette incohérence est accentuée par M. Smith qui se contente de poursuivre sa lecture en faisant claquer sa langue, comme désintéressé des propos de plus en plus confus de sa femme.

L’incohérence continue lorsque M. Smith intervient enfin en réponse au monologue de sa femme. Ce dernier rebondit sur un propos de Mme. Smith pour aborder un tout autre sujet – la vie et la mort – mais de façon tout aussi dépourvue de sens. Ce premier dialogue s’achève au son de la pendule qui sonne sept fois, puis trois fois, puis « aucune fois ».

La scène s’achève sur une dispute entre Mme. et M. Smith concernant les liens de parenté d’une famille dont tous les membres, hommes et femmes, se nomment Bobby Watson.

Scène 2

La bonne de maison, Mary, entre en scène et raconte son activité du jour de manière, encore une fois, tout à fait incohérente : elle est allée au cinéma avec un homme et a vu un film avec des femmes. À la sortie du cinéma, ils sont allés boire de l’eau-de-vie et du lait, puis ils ont lu le journal.

Mary annonce ensuite que les invités, Mme. et M. Martin, attendent à la porte, car ils n’osaient pas entrer.

Les dialogues entre les personnages sont décousus et contradictoires. Mme. et M. Smith fustigent le retard des convives. Ils disent les avoir attendu leurs convives et n’avoir, en conséquence, rien mangé (contradiction avec la scène 1). Ils sortent de scène pour aller changer de vêtements.

Scène 3

Cette scène est très courte. Elle ne comporte qu’une intervention de Mary qui accueille Mme. et M. Martin par une réprimande à propos de leur retard puis sort de scène.

Scène 4

La scène s’ouvre sur les deux personnages de M. et Mme Martin qui s’observent et se sourient avec timidité et sans se parler, alors qu’au vu de leur nom, le spectateur pouvait légitimement les penser mariés.

Le dialogue s’ouvre sur une surprise : « M. Martin : il me semble, si je ne me trompe, que je vous ai déjà rencontré quelque part ». Les dialogues qui suivent entre les deux personnages, M. Martin présentent successivement plusieurs événements précis de sa vie auxquels Mme. Martin s’identifie, mais sans se souvenir de la présence de M. Martin. L’effet de surprise est accentué par la redondance des expressions « comme c’est curieux ! », « c’est bien possible » et « quelle coïncidence ». Cette succession de coïncidences aboutit à ce que les deux personnages découvrent qu’ils vivent dans le même appartement, partagent la même chambre, sont parents du même enfant et sont mariés l’un avec l’autre.

La scène se clôt lorsque Mme. et M. Martin se tombent dans les bras l’un de l’autre, puis s’endorment sur un fauteuil. Mary entre en scène en silence.

Scène 5

Mary s’adresse directement aux spectateurs en leur dévoilant que Mme. et M. Smith ne sont pas ceux qu’ils prétendent être. À titre de preuve, elle révèle que la fille de Mme. Martin évoquée dans la scène précédente a l’œil droit rouge et l’œil gauche blanc, tandis que ces couleurs sont inversées chez la fille de M. Martin.

En guise de révélation finale, Mary apprend au spectateur qu’elle se nomme en réalité Sherlock Holmes, avant de sortir de scène.

Scène 6

Dans cette courte scène, la pendule sonne tant qu’elle veut. Mme. et M. Smith se séparent et reprennent leur place initiale à leur entrée en scène. Ils s’accordent pour oublier ce qui ne s’est pas passé entre eux et se promettent de ne plus se perdre et de vivre « comme avant ». L’effet produit est étrange : les personnages entendent-ils vivre en se reconnaissant ou non ?

Scène 7

Mme. et M. Smith rentrent à nouveau sur scène, sans avoir changé de vêtements comme cela était convenu en scène 2. Mme. Smith s’excuse d’avoir fait attendre les Martin, en justifiant leur absence par le fait d’avoir dû revêtir des habits de gala pour les recevoir lors de leur visite impromptue. M. Smith, lui, est furieux et reproche aux Martin de les avoir fait attendre plusieurs heures. La pendule appuie leur propos. Mme. et M. Martin sont timides et semblent avoir du mal à trouver les mots pour répondre à leurs interlocuteurs.

Pour combler le vide, les deux couples échangent des banalités, jusqu’à ce que Mme. Martin annonce une anecdote extraordinaire, suscitant l’émoi et l’impatience des trois autres personnages. L’anecdote s’avère finalement être d’une grande banalité, mais suscite malgré tout l’extase générale.

Soudain, la sonnette de la porte d’entrée retentit. Mme. Smith se lève pour aller ouvrir la porte, mais constate que personne n’y est. Cette scène se répète trois fois successivement. La troisième fois, Mme. Martin ne souhaite plus aller vérifier si quelqu’un se trouve devant la porte, ce qui entraîne un débat entre les quatre personnages. La quatrième fois, Mme. Smith, en colère, envoie son mari qui ouvre au Capitaine des Pompiers.

Scène 8

La scène s’ouvre sur un débat à propos de la dispute qui vient de se dérouler : faut-il, oui ou non espérer quelqu’un devant la porte d’entrée lorsqu’on entend la sonnette retentir ? Le pompier assure, par ailleurs, que, tout en ayant attendu pendant trois quart d’heure devant la porte d’entrée, ce n’était pas lui qui avait sonné les trois premières fois.

Le Capitaine des pompiers avoue être en mission de service et demande à ses interlocuteurs s’il y a le feu chez eux. Il dit avoir ordre d’éteindre tous les feux de la ville, mais avoue que ses affaires vont mal, car aucun feu majeur ne se déclare. Les cinq personnages racontent ensuite une série de longues anecdotes délirantes et hors de tout contexte.

Scène 9

Mary entre à nouveau sur scène, souhaitant, elle aussi, raconter une anecdote, ce qui suscite l’indignation de Mme. et M. Le Capitaine des pompiers et Mary sont surpris de se reconnaître et se tombent dans les bras. Ils ont été amants. Cette attitude indigne à nouveau les Smith.

Mary insiste pour réciter un poème intitulé « le feu », mais se voit repoussée hors de scène par Mme. et M. Smith.

Scène 10

Les Martin semblent regretter Mary. Le Capitaine des pompiers prend congé des quatre personnages, prétextant devoir éteindre un incendie « dans trois quarts d’heure et seize minutes exactement ». Il dit devoir se dépêcher, bien que l’incendie en question « ne soit pas grand-chose ».

Juste avant de quitter les autres personnages, le Capitaine des pompiers s’enquiert de la Cantatrice chauve, ce qui ne suscite qu’un silence et une gêne générale. Seule Mme. Smith lui rétorque que cette dernière « se coiffe toujours de la même manière ».

Scène 11

Les quatre personnages restants échangent une succession d’inepties qui deviennent de plus en plus courtes et perdent de plus en plus de leur sens, jusqu’à ne plus être que des onomatopées, et finalement de simples lettres. Cette succession chaotique d’interjections laisse alors place à la répétition mécanique par les quatre personnages de la phrase « c’est pas par là, c’est par ici », sur un rythme toujours plus rapide et dans l’obscurité.

Les paroles cessent alors subitement et les lumières se rallument. Les Martin ont pris la place qu’occupaient les Martin au début de la pièce et commencent à dire leurs exactes mêmes répliques tandis que le rideau se ferme.

Présentation des personnages

  • M. Smith, mari de Mme. Smith, hôte des Martin
  • Mme. Smith, femme de M. Smith, hôte des Martin
  • M. Martin, mari de Mme. Martin, invité des Smith
  • Mme Martin, femme de M. Martin, invitée des Smith
  • Mary, La Bonne de Mme. et M. Smith
  • Le Capitaine des pompiers

Analyse de l’œuvre

L’œuvre du dramaturge franco-roumain Eugène Ionesco est qualifiée par l’auteur lui-même d’ « anti-pièce » dont le but est de briser les codes du théâtre classique en lui appliquant le nonsense. À ce titre, La Cantatrice chauve est une pièce classée au rang du théâtre de l’absurde. L’effet de décalage des situations est permanent. Le déroulé de la pièce n’est, à ce titre, structuré par aucune intrigue. Les dialogues des personnes n’ont pas de but, et sont même bien souvent dépourvus toute logique. La rencontre même des personnages semble n’être que fortuite.

Avant toute chose, ce sont les principes fondamentaux d’unité de temps et de lieu qui sont complètement, et en permanence, déformés, avec pour symbole la pendule qui ne cesse de sonner de manière chaotique et en contradiction avec les indications présentées par les didascalies.

Mais ce sont également les personnages qui sont complètement déstructurés par rapport aux personnages des dramaturgies classiques. Aucun des six personnages de la pièce ne peut être placé dans un développement narratif. On ne connaît pas leur passé, ni leurs aspirations ou leurs intentions et leurs émotions sont en permanence contradictoires entre eux, mais également avec eux-mêmes. Les personnages ne cessent de se quereller et de se réconcilier sans raison apparente, mais également de se découvrir des liens insoupçonnés. Ainsi, la scène 4 lors de laquelle les Martin s’aperçoivent être mariés est une parodie des scènes de reconnaissance du théâtre traditionnel.

Chacun semble, en outre, être possiblement interchangeable avec les autres, comme en atteste la fin de la pièce qui reprend strictement les mêmes éléments que le début, mais avec d’autres personnages.

De même, le théâtre classique consacre un principe voulant que le titre de la pièce soit un élément central et structurant de la pièce. Or, la cantatrice chauve n’apparaît pas une seule fois sur scène. Elle n’est que brièvement mentionnée par deux personnages, sans que cette mention n’ait aucun intérêt narratif ou ne résolve quoi que ce soit à la non-intrigue générale de la pièce.

Cette pièce représente aussi un éclatement du langage. Les propos sont la plupart du temps incongrus et hors de tout contexte. Les dialogues, qui doivent théoriquement être guidés par la logique propre à tout échange, présentent, également, répliques dont le fond est dénué de tout rapport avec les interventions de leurs interlocuteurs.

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