99 francs est une autofiction écrite par Frédéric Beigbeder, un auteur français, et publiée en 2000. À travers son roman, Beigbeder, ancien employé de l’agence Young et Rubicam, licencié pour faute grave, dénonce l’univers de la publicité et ses dérives sur la société occidentale par l’intermédiaire du personnage d’Octave. Résumé détaillé, Présentation des personnages, Analyse de l’Œuvre, faisons le tour du roman ensemble !
Résumé détaillé de 99 francs de Frédéric Beigbeder
Un créatif désenchanté
Octave Parango est un publicitaire d’une agence de publicité française Rosserys & Witchcraft basé à Boulogne-Billancourt, proche de Paris. Cet homme de 33 ans jouit d’une situation bien confortable. Il possède un appartement de 5 pièces dans le 6ème arrondissement de Paris, il dispose d’une BMW Z3 et a l’habitude de passer ses vacances à Saint Barth’. Bien qu’il gagne 13 000 € par mois, Octave ne s’épanouit plus dans sa vie. Il a fait fuir sa fiancée, Sophie, lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte. En-dehors de son boulot, il passe sa vie à aller voir des prostituées de luxe et à consommer de la cocaïne. Il n’a qu’un seul désir : se faire licencier ! C’est d’ailleurs cette raison qu’il évoque lorsqu’il explique pourquoi il écrit ce livre.
Au cours d’une réunion au siège de Madone, une grosse société française spécialisée dans les produits laitiers, Octave essaie de séduire le grand patron, Alfred Duler, en proposant divers scénarios. À ce client majeur de son agence, Octave présente un spot dans lequel des hommes et des femmes, beaux et minces, échangent des conversations très intelligentes, tout en mangeant des yaourts Maigrelette, de la marque. Duler comprend le concept, mais n’adhère pas… Il souhaite un scénario plus édulcoré. Sa consommation excessive de cocaïne fait qu’Octave sent qu’il va saigner du nez. Il se dirige aux toilettes de Madone et il y écrit le mot “pig” (cochon), de son sang, un peu partout.
La descente aux enfers d’un métier effectué à contrecœur
De retour au bureau, Marc Marronnier, son patron, parle avec lui de l’incident. Il le trouve fatigué et lui demande s’il va bien. Octave lui confie qu’il en a assez de ce travail, mais qu’il ne souhaite pas démissionner. Il souhaite qu’on le vire. En regardant une émission de télé-réalité, Octave a une nouvelle solution à proposer à Duler. Il souhaite utiliser des extraits où l’on voit les participants, avec une musique de fond, suggérant l’idée que consommer les fromages maigres de la marque rend beau et jeune. Du fait que de nombreux participants sont de couleurs noires, Duler refuse qu’on les assimile à son fromage blanc. Ce nouveau refus enchante Octave qui espère être licencié.
Refusant de se passer d’Octave, Marc lui demande de travailler avec Charlie sur un spot édulcoré qui séduira leur client. Il réalise un scénario aseptisé : une femme de couleur blanche, ni trop jeune ni trop âgée, qui vante les mérites du fromage blanc de Madone face à la caméra. Un spot qui permet de suggérer que Maigrelette permet de rester mince, sauf dans sa tête. Le soir même, Octave s’offre une soirée avec une call-girl, Tamara avec laquelle il partage un moment sans entretenir de rapports sexuels. Sachant que cette femme d’origine maghrébine aspire à devenir actrice, il lui propose de jouer le rôle principal dans le spot publicitaire pour Madone. Lors d’une nouvelle réunion avec Duler et son équipe, le teint hâlé de Tamara pose question, mais Octave la défend en trouvant les bons arguments.
Parallèlement, Octave se perd progressivement dans une spirale autodestructrice. En trois mois, il perd 17 kilos et sa dépendance à la cocaïne commence à devenir très dangereuse. Il reçoit également l’échographie de son enfant que lui a envoyé Sophie en lui expliquant que ce sera la première et la dernière fois qu’il pourra la voir. La situation d’Octave commence à inquiéter et son patron, Marronnier, l’envoie en cure de désintoxication.
Un luxe américain qui dégoûte
Sa sortie coïncide avec un séminaire organisé par leur agence de publicité au Sénégal. Octave remarque l’absence d’un de ses collègues, Jean-François, et Marronnier, qui semble préoccupé par son sort dans la société, lui demande de réaliser des changements pour le spot publicitaire de Madone. Octave accepte.
Tous les employés rentrent en France hormis Marronnier qui a pris quelques jours de plus. Il attend sa maîtresse qui n’est autre que Sophie.
Avant qu’ils ne partent à Miami pour tourner la publicité de Maigrelette, Octave et Charlie apprennent le suicide de Marronnier.
Après s’être bien installé sur le lieu du tournage dans la ville de Miami, le soleil est aux abonnés absents. À cet instant, Charlie révèle à Octave les raisons de l’absence de Jean-François lors du séminaire au Sénégal. Il est parti pour demander le poste de directeur de la branche européenne du groupe. La mort de Marronnier facilite le travail de Jean-François pour que Charlie et Octave deviennent codirecteurs de création, soit un salaire mensuel de 30 000 €. Une fois la publicité réalisée avec Tamara, Octave propose qu’ils tournent un spot publicitaire assez osé afin d’honorer la demande que lui avait faite Marronnier avant de se suicider.
Au cours d’une de leurs soirées de dépravation au sein de Miami, Octave, Charlie et Tamara sont scandalisés sur le fait qu’en disposant des entreprises européennes, les actionnaires des fonds de pensions américains puissent licencier à leur guise des millions de personnes. Ils choisissent une maison au hasard et agressent une vieille dame fortunée à l’intérieur de chez elle. Si l’agression est d’abord verbale, elle tourne vite en agression physique. Charlie roue de coups la personne âgée pour venger son père qui s’est suicidé à la suite d’un licenciement visant à augmenter les bénéfices. Lorsque la vieille dame meurt, ils fuient la maison pour continuer leur sortie de dépravation sans être inquiétés.
Vous venez de remporter le trophée, mais vous finissez à la case prison
Lorsqu’ils reviennent en France, la première version de leur spot publicitaire est très critiquée par le public test. Ils réalisent alors de nombreuses modifications.
Au cours d’une pause pendant le festival du film publicitaire à Cannes, Tamara et Octave couchent enfin ensemble. Ce dernier lui avoue son amour pour elle, mais il est trop tard. Duler souhaite quitter sa femme et se marier avec Tamara en lui donnant la possibilité de rapatrier sa fille en France. Cette ancienne call-girl accepte d’épouser Duler et quitte Octave avant la cérémonie qui annonce le premier prix. La production semi-pornographique, réalisée par l’agence Rosserys & Witchcraft, gagne haut la main. Alors que Charlie et Octave se rendent sur scène, ils sont arrêtés sur scène par des policiers pour le meurtre de la vieille dame riche. En effet, la caméra de l’interphone a filmé leur entrée et leur sortie. Ils sont condamnés à 10 ans de prison. Tamara échappe aux sanctions.
En prison, Octave apprend le suicide de Sophie au Sénégal qui a pris le soin de laisser un triste e-mail. Il fait le rapprochement et se rend compte que Marronnier et elle avaient une liaison.
Depuis sa cellule, il se met à rêver de rejoindre Marronnier et Sophie ou Duler et Tamara. Charlie, quant à lui, se suicide en se taillant les veines.
Durant les dernières pages, on apprend que Marronnier et Sophie se sont fait passer pour mort, à l’aide d’un ancien membre du FBI, pour refaire leur vie sous le nom de Patrick et de Caroline. Marronnier avait détourné de l’argent de la société et sentait sa place en danger et Sophie n’avait plus rien qui la retenait en France.
Si cette île, Ghost Island, apparaît comme idyllique au début, très vite l’ennui s’installe et ils finissent tous deux par regretter d’être parti. Marronnier finit par être happé par le courant et meurt noyé.
Présentation des personnages
Le personnage principal : Octave Parango
Âgé seulement de 33 ans, Octave perçoit un salaire mensuel de 13 000 € pour créer des slogans, appelé titres également, ou des spots publicitaires aux entreprises. Bien que sa situation soit plus que confortable, il est écœuré du monde dans lequel il vit. Cet univers le déprime et il ne se sent pas à sa place. Lui qui souhaitait changer les choses, il capitule et se laisse aller au gré du vent. Il n’est pas mort et pourtant, il ne vit pas non plus. Il passe son temps libre à consommer de la cocaïne avec excès pour oublier le monde dans lequel il est et couche avec des prostituées de luxe pour s’éloigner de tout engagement amoureux. Il travestit ses principes pour signer de gros contrats. Cela le dégoûte tellement qu’il en vient à rêver de ruiner sa carrière. Le livre qu’il écrit répond à cet objectif. Cependant, malgré sa volonté de se faire licencier, Octave reste emprisonné à son métier et répond, sans broncher, aux exigences de Duler.
Tout au long du roman, Octave fait preuve d’un comportement ordalique qui l’entraîne dans des histoires de plus en plus dangereuses : quitter sa fiancée enceinte, car il préfère une relation sans enfants et sans attaches, sa consommation excessive avec la cocaïne, sa complicité dans le meurtre de la vieille dame riche américaine.
Ce personnage grossier et vulgaire, tant par ses propos que par ses actions, incarne le pouvoir de destruction que l’univers de la publicité peut avoir sur un homme.
Les collègues d’Octave
Marc Marronnier
Directeur créateur de l’agence de publicité française Rosserys & Witchcraft, près de Paris, ce personnage est également le patron d’Octave, de Charlie et de Jean-François.
Au fil du roman, on apprend très peu de choses sur lui. Bien qu’il ait à cœur de participer au succès de l’entreprise, il n’est pas heureux dans sa vie. Sa maîtresse, Sophie, incarne le seul point positif de sa morne existence. C’est une des raisons qui le pousse à simuler sa mort pour passer sa vie à ses côtés. Cependant, la vie sur l’île devient également très ennuyeuse et il finit par se noyer aspiré par les courants.
Charlie
Contrairement à Octave, il se plaît dans les eaux troubles de la publicité. Il passe son temps à dénicher des vidéos très hard, à la limite du regardable, sur des thématiques qui ont toujours attrait à la pornographie. Il a les dents longues et aspirent à beaucoup plus. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il saisit immédiatement l’opportunité de devenir directeur créateur au côté d’Octave. Lorsqu’il tue la vieille dame Américaine à Miami, on apprend que son père s’est suicidé à la suite d’un licenciement visant à améliorer les bénéfices.
Ce meurtre aura pour conséquence une condamnation à 10 ans de prison, brisant ainsi son ambition. Il finit par se suicider en se coupant les veines.
Jean-François
Surnommé Jef, il incarne l’arrivisme. Il se rend à New York pour devenir le directeur de la branche européenne pendant que les autres participent à un séminaire au Sénégal. N’appréciant pas Marc, ce dernier se sent en danger. Ceci pourrait donner une autre raison qui l’aurait poussé à vouloir se faire passer pour mort.
Grâce à sa nomination en tant que directeur de la branche européenne, il se sert du suicide de Marc pour promouvoir Octave et Charlie.
Les femmes dans la vie d’Octave
Tamara
Tamara est une jeune femme d’origine maghrébine qui, a laissé sa fille au Maroc, et rêve de devenir actrice en France. Dans l’attente de décrocher un rôle et connaître le succès, elle gagne sa vie en tant que prostituée et call-girl. Elle entretient une relation platonique avec Octave qui évolue progressivement dans une relation passionnelle. Elle montre un caractère arriviste lorsqu’elle refuse l’amour d’Octave au profit de la proposition de mariage d’Alfred Duler. Elle souhaite devenir une grande dame et pouvoir faire revenir sa fille en France, chose que lui propose Duler.
Sophie
Fiancée à Octave, ce dernier la quitte lorsqu’elle lui apprend qu’elle est enceinte. Il souhaite une vie de célibataire et ne veut pas d’enfants. Pour se venger, elle lui enverra une échographie de sa fille avec un message stipulant que ce sera la première et dernière fois qu’il verra sa fille. Elle devient la maîtresse de Marc et le rejoint au Sénégal. Elle se fait passer pour morte en envoyant un e-mail de suicide à ses parents.
Alfred Duler, le personnage antagoniste d’Octave
Cet homme est le président de la société de yaourt Madone (petit clin d’œil à Danone). Il montre clairement le mépris qu’ont les entreprises pour les sociétés en critiquant toutes les idées d’Octave. Il lui montre ainsi qu’ils ne jouent clairement pas dans la même cour et que l’agence de publicité doit se conformer à ses exigences. Pour autant, malgré tout son pouvoir et sa richesse, il est totalement assujetti aux désirs du consommateur. Tout doit être fait pour plaire, séduire, montrer à quel point ce produit est meilleur que celui des concurrents.
Vers la fin du roman, on apprend qu’il a proposé à Tamara de quitter sa femme pour se marier avec lui. Si la finalité de leur histoire n’est pas révélée après la lecture de ce roman, on peut se poser des questions quant aux intérêts réels de Duler concernant ce mariage.
Outre acquérir une femme plus jeune et plus jolie qu’il n’a actuellement, il cherche également à priver Octave de Tamara dont il est amoureux.
Analyse de l’Oeuvre
Avec cette autofiction, Frédéric Beigbeder utilise le personnage d’Octave pour critiquer librement cet univers qu’est la publicité.
Le racisme
Dans l’œuvre de Beigbeder, le racisme apparaît à deux grandes occasions. Dans un premier temps, Alfred Duler refuse que des personnes de couleurs puissent apparaître dans son spot publicitaire : “Je ne suis pas raciste, mais les Noirs, c’est trop segmentant, or nous devons mettre l’emphase sur la francité du produit. Ce n’est pas ma faute si notre produit est blanc, et que donc, pour le vendre, il faut montrer des Blancs : ce n’est pas raciste de dire ça, merde, nous ne fabriquons pas un yaourt noir ! On engagera des blacks quand on sortira la gamme Maigrelette au Chocolat !”. Cette citation souligne clairement les critères préétablis : le chocolat pour les noirs, les yaourts blancs pour les blancs ! Ces propos de Duler peuvent également être vus comme des clins d’œil à Banania dont le personnage est inspiré d’un tirailleur sénégalais, ou encore le personnage de couleur de Chocolat de Félix Potin.
Parallèlement, Tamara, d’origine maghrébine, est défendue par Octave. On accepte alors qu’elle tienne le rôle principal du spot publicitaire de Maigrelette à condition que sa peau soit éclaircie via l’ordinateur. L’objectif étant que le public visé ne soit pas choqué. Cette décision n’est pas sans rappeler la suprématie des blancs face au peuple ayant la couleur plus foncée ainsi que d’autres problèmes encore d’actualité telle que cette volonté de s’éclaircir la peau pour ne pas être confronté au colorisme.
Le capitalisme
Dès le début, Octave avoue tout avec sincérité et provocation : “Je passe ma vie à vous mentir et on me récompense grassement. Je gagne 13 000 euros […] Je vous manipule et on me file la nouvelle Mercedes […] J’interromps vos films à la télé pour imposer mes logos et on me paye des vacances à Saint Barth“. Il peut obtenir tout ce qu’il veut et pour autant, cet argent ne sert qu’à alimenter ces deux seuls passe-temps. Par peur d’être blessé, il fuit les relations au profit de prostituée de luxe qu’il paie : du sexe sans attache, exactement ce qu’il souhaite. Sa consommation excessive de cocaïne l’aide à oublier ce monde qui l’écœure. Au deuxième chapitre de la deuxième partie du roman, Beigbeder utilise la voix d’Octave pour critiquer de nombreux produits (Coca-Cola, poulet, lait, poisson d’élevage, …) mais également les produits naturels que l’être humain manipule génétiquement pour un meilleur rendement ou une meilleure efficacité. Il critique également les produits que l’on nous force à acheter alors qu’ils ne nous servent à rien (dentifrice) ainsi que l’obsolescence programmée. L’objectif de la publicité se résume alors à nous faire croire que l’on a besoin d’acheter quelque chose, qu’on n’aurait pas forcément eu envie d’acheter et qui au final ne nous sert pas vraiment. Cela est clairement dénoncé par Octave lorsqu’il dit : “le terrorisme de la nouveauté me sert à vendre du vide“. Ce vide est souligné par l’interruption des pages de publicité qui se retrouvent entre chaque partie du roman. Ces courtes pages de publicités interrompent notre lecture pour nous offrir un aperçu d’un produit dont on se fiche royalement de la même manière que le font les pauses publicitaires entre chaque films, émissions ou séries.