La nouvelle intitulée Pierrot a été écrite par Guy de Maupassant en 1882. Elle se trouve dans le recueil Contes de la Bécasse. Découvrons cette œuvre ensemble où l’auteur français dépeint l’avidité de la société normande du XIXe siècle à travers les yeux de son personnage central, Mme Lefèvre.
Résumé détaillé de Contes de la Bécasse – “Pierrot” de Guy de Maupassant
Mme Lefèvre est une riche veuve de la campagne, fière et prétentieuse, qui habite une petite maison en Normandie avec sa servante Rose. Un jour, elle est victime d’un vol de douze oignons. Effrayée, à l’idée que cela se reproduise, on lui suggère d’avoir un chien pour leur sécurité, mais, étant avare, elle ne souhaite pas payer pour un gros chien. Elle finit par trouver un petit chien jaune, surnommé Pierrot, qui ne coûte rien. Progressivement, elles s’habituent à lui et lui donnent à manger. Cependant, quand on leur demande huit francs pour l’impôt sur le chien, Mme Lefèvre décide de s’en débarrasser. Elle essaie de le donner à quelqu’un, mais personne n’en veut, alors elle prend la décision de le jeter dans la marnière, une sorte de cimetière pour les chiens. Elle le laisse tomber et entend ses aboiements désespérés. Cela lui déchire le cœur. Sa nuit est hantée par des cauchemars et elle se réveille avec des remords. Mme Lefèvre se rend à la marnière et entend les aboiements de Pierrot. Elle va voir le puisatier qui lui réclame quatre francs pour récupérer son chien. Mme Lefèvre refuse. Toutefois, elle décide de rendre visite à son chien tous les jours pour lui donner à manger. Un jour, elle entend qu’un autre chien, plus gros, est également dans la marnière. Refusant l’idée de devoir nourrir tous les chiens de la marnière, elle repart tranquillement, en mangeant son pain, laissant mourir Pierrot.
Présentation des personnages
Mme Lefèvre est décrite comme une veuve qui habite une petite maison à la campagne en Normandie. C’est une riche dame de campagne qui se comporte de manière hautaine en public, mais qui cache une âme grossière et prétentieuse sous des apparences comiques et colorées. Elle est considérée comme étant de la “race parcimonieuse de dames campagnardes” qui sont toujours à la recherche d’économies. Elle vit avec sa servante, Rose, et cultive un petit jardin. Au fil de la nouvelle, Mme Lefèvre est confrontée à un vol de légumes dans son jardin, et elle décide d’adopter un chien pour surveiller sa propriété. Cependant, lorsqu’elle découvre le coût de l’impôt pour ce chien, elle décide de s’en débarrasser et de le jeter dans la marnière. Après avoir passé une nuit agitée, remplie de cauchemars, elle se repent de sa décision et va chercher son chien. Finalement, elle réalise qu’elle a développé une affection pour ce chien néanmoins, ce lien ne suffira pas… Mme Lefèvre restera avare jusqu’à la fin de la nouvelle. Mme Lefèvre incarne l’avare dans toute sa splendeur. Elle préfère sacrifier une vie, celle de son animal, pour préserver sa richesse. Si Pierrot lui permet de développer sa part d’humanité : elle souffre quand elle le jette dans la marnière, elle est perturbée par un cauchemar, en proie aux remords, son avarice finit par avoir raison d’elle et Mme Lefèvre consent à abandonner son chien à une mort certaine.
Rose est la servante de Mme Lefèvre. Elle est décrite comme une “brave campagnarde tout simple“. Elle aime les animaux et défend l’idée d’avoir un petit chien pour protéger leur maison contre les voleurs. Elle montre de la compassion et de la tendresse envers Pierrot, le petit chien qu’elles adoptent, et pleure à la perspective de le faire “piquer du mas“. Elle est également prête à prendre soin de Pierrot elle-même pour éviter de le faire brutaliser en route. Rose apparaît comme une personne douce et sensible, contrastant avec le caractère plus dur et avare de Mme Lefèvre. Néanmoins, Rose n’est pas totalement innocente. Elle ne fait rien pour dissuader sa maîtresse et elle ne cherche pas à protéger Pierrot du sort qui lui est réservé. Elle est donc tout aussi responsable que Mme Lefèvre dans le destin tragique de ce petit chien sans défense.
Pierrot est un petit chien appartenant à Mme Lefèvre et Rose. Ces deux femmes cherchaient à avoir un chien pour protéger leur jardin et leur habitation contre les voleurs. C’est le boulanger qui leur a apporté Pierrot. Il est décrit comme étant tout jaune, presque sans pattes, avec un corps de crocodile, une tête de renard et une queue en trompette. C’est un chien calme et affectueux qui n’a pas eu la chance de tomber sur la bonne famille. On peut voir ce personnage comme une chance offerte à Mme Lefèvre pour changer. Et cela semble marcher au début puisqu’elle est prise de remords. Mais la relation entre Pierrot et Mme Lefèvre ne suffira pas à ce que cette dernière puisse ne plus être avare. Dans cette histoire, Pierrot incarne la vulnérabilité. Mme Lefèvre a le pouvoir de vie et de mort sur son animal. Si celle-ci hésite, son avarice triomphera et elle choisira la mort. En un sens, Pierrot est donc “sacrifié” pour que Mme Lefèvre préserve sa fortune.
Les voisins sont décrits comme des personnages discutant avec Mme Lefèvre et Rose du vol qui a eu lieu, donnant des conseils et des idées pour se protéger. Le fermier d’à côté suggère d’avoir un petit chien qui jappe, mais Mme Lefèvre hésite en raison des coûts. Le boulanger apporte un chien jaune et presque sans pattes appelé Pierrot, qu’un client cherchait à se débarrasser. Quand Mme Lefèvre ne souhaite pas payer l’impôt sur le chien, les voisins refusent de prendre le chien et lui conseillent de se débarrasser de lui en le jetant dans la marnière. Les voisins ne jouent donc pas un rôle majeur dans cette nouvelle, mais ils apparaissent brièvement pour offrir des conseils ou exprimer leur désapprobation. Néanmoins, ils banalisent une pratique anormale et cruelle pour les animaux, celle de les jeter dans la marnière quand on a plus besoin d’eux.
Le cantonnier est le personnage qui demande dix sous à Mme Lefèvre pour qu’elle puisse se débarrasser de Pierrot. Il a le rôle de l’exécuteur, celui qui a pour tâche de se débarrasser des chiens en les précipitant dans la marnière. Dans cette nouvelle, il ne fait que proposer un service qui répond à la demande de Mme Lefèvre, mais il permet également de souligner la cruauté de cette pratique.
Le puisatier est l’homme chargé de l’extraction de la marne, la roche calcaire utilisée pour fertiliser les terres agricoles. Lorsque Mme Lefèvre veut récupérer son chien Pierrot, qu’elle a précipité dans la marnière, elle s’adresse à lui. Cependant, le puisatier lui demande quatre francs pour récupérer le chien, ce que Mme Lefèvre trouve excessif. Son rôle dans l’histoire est donc de mettre en évidence la cruauté de cette pratique et de souligner que les personnes qui la pratiquent peuvent être insensibles à la douleur des animaux. D’autant plus que ça revient moins cher de se débarrasser d’un chien (seulement dix sous) que de le récupérer (quatre francs). Cela montre à quel point le puisatier a bien compris que les gens, en proie aux remords, avaient tendance à donner ce qu’il faut pour récupérer leur animal. Néanmoins, Mme Lefèvre est tellement avare que la technique ne marche pas. Mais si le puisatier le propose à ce tarif, c’est sûrement parce que les gens sont prêts à payer autant pour récupérer leur chien.
Analyse de l’oeuvre
Le personnage central de la nouvelle de Maupassant, publiée en 1883, est un chien appelé “Pierrot”. Le récit suit un schéma narratif classique, avec une situation initiale, un élément perturbateur (le vol des oignons), des péripéties autour de Pierrot, et une résolution qui mène à un dénouement triste. La nouvelle est située dans la région de la Normandie, plus précisément dans le pays de Caux, où Maupassant a passé une partie de sa jeunesse. Le détail de l’impôt mentionné dans la nouvelle nous indique que l’histoire se déroule à une époque contemporaine de l’écriture. Les indices temporels sont vagues et ne permettent pas de déterminer la durée de l’action, mais on peut remarquer les moments d’hésitation contrastant avec les moments d’accélération. Le lieu précis cité dans la nouvelle est “Rollerville“, proche de la demeure de Mme. Lefèvre. La nouvelle décrit avec précision la marnière, une cavité caractéristique du pays de Caux utilisée pour extraire de la craie.
Le thème de l’argent est prédominant dans l’œuvre de Maupassant, qui a lui-même connu des difficultés financières dans sa vie. Dans Pierrot, tout le récit repose sur les réalités financières de la campagne normande, où l’avarice est une caractéristique des habitants. La nouvelle montre l’importance de l’argent à travers les montants précis cités dans le texte (frais d’élevage, impôt, coût d’extraction, etc.)
Maupassant met en évidence la satire de l’avarice à travers les réactions excessives des personnages à une pratique dérisoire. La peur de dépenser de l’argent de Mme Lefèvre est particulièrement ridiculisée, et toutes ses réactions sont rattachées à son avarice. Les phrases courtes et les exclamations utilisées dans le récit ajoutent une touche d’humour et de dérision à l’histoire.
Maupassant décrit un personnage, Mme Lefèvre, qui incarne la pire facette de l’humanité. Il met en évidence sa cruauté et son égoïsme, en la montrant capable d’abandonner son propre chien lorsqu’elle est confrontée à un choix entre l’argent et la compassion. Maupassant aborde également la responsabilité morale de prendre soin de ses animaux de compagnie et les conséquences émotionnelles d’une décision cruelle. Ce comportement cruel n’est pas condamné ou jugé par l’auteur, qui le présente plutôt comme courant et banal dans la société. Rose, la servante de Mme Lefèvre, est une femme sensible et moins cruelle que sa maîtresse. Néanmoins, elle ne fait rien pour changer quoi que ce soit. Cela montre à quel point l’obéissance d’une servante supplante toutes idées personnelles. Rose ne fait que suivre Mme Lefèvre, et ce, même lorsque ses choix semblent être en totale contradiction avec ses propres valeurs. En fin de compte, la nouvelle peint une image sombre de l’être humain, montrant comment la cupidité peut facilement vaincre l’empathie et la bonté. Pierrot ne réussira pas à faire transformer sa maîtresse. L’avarice finit par triompher entachant cette relation naissante. L’animal est condamné à la mort devant l’indifférence et l’égoïsme de Mme Lefèvre qui s’en va en mangeant le pain qui était destiné à Pierrot.