Résumé de l’œuvre Le Horla de Guy de Maupassant
Présentation des personnages
Dans cette nouvelle, le Moine incarne l’archétype du grand sage, qui délivre un savoir au narrateur qui se trouve, sinon en pleine quête existentielle, ou du moins au cœur de pointus questionnements.Le cocher (Jean)
Un des domestiques du narrateur.
Madame Sablé
Madame Sablé est la cousine du narrateur et la sujette de la séance d’hypnose réalisée par le docteur Parent.
Le docteur Parent
C’est un docteur qui décrit le phénomène de l’hypnose, et pratique celle-ci.
Analyse de l’œuvre
I – Les principaux traits de la personnalité du narrateur
Dès les premières pages, le narrateur nous décrit une partie de son fonctionnement interne, sur le plan psychique/psychologique. Celui-ci est extrêmement perméable à son environnement extérieur ce qui crée en lui de grandes variations dans l’humeur. Si le narrateur vivait à notre époque, il est probable qu’on lui prête une ” hypersensibilité “, laquelle se définit, entre autres, par le fait d’être enclin à ce type de mouvements intérieurs, qu’aucune raison apparente ou rationnelle ne viennent expliquer clairement. Par exemple, le narrateur peut aussi bien s’émerveiller de la vue d’un bateau blanc et étincelant, tout comme, quelques heures plupart, se sentir profondément triste en rentrant d’une promenade alors même qu’il se réjouissait de cette ballade le matin même.
Le narrateur semble également, si l’on lit entre les lignes, poursuivre la quête d’une forme de vérité. Obsédé par les questions métaphysiques, il parle de ” voir sans regarder ” ; ” frôlons sans connaître ” ” rencontrons sans le distinguer “. Il est possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle le narrateur ressent une tristesse qui est en réalité issue d’une frustration, celle de ne pas connaître la véracité, l’entièreté de l’environnement qui l’entoure. Justement, il évoque tout de suite après dans le texte ” Le Mystère de l’invisible “.
Le narrateur est également un anxieux au sens clinique du terme : il est dans la peur mais, à la différence de la peur en tant que telle, il ne sait pas ce qu’il craint. Il a peur de quelque chose qu’il ne connaît pas, il n’a pas défini l’objet de sa peur, laquelle tourne autour d’un pressentiment. C’est le propre de l’anxiété.
Le narrateur est à la fois perdu comme l’on peut l’être lorsqu’on est en quête de réponses, et déterminé dans la mesure où il poursuit un but.
II – La plongée dans un univers inconnu
Au delà de ces considérations de l’ordre de l’état mental du narrateur celui-ci est également souffrant physiquement. En effet, il est en proie à une forte fièvre qui s’étale dans le temps, et dont il ne connaît pas l’origine. Sa maladie dure des mois, le narrateur vit des nuits de souffrances, fait de nombreux cauchemars. Son état n’allant pas en s’améliorant, il décide de faire un voyage et de visiter le Mont Saint-Michel en Normandie. L’œuvre de Guy de Maupassant prend alors des allures de conte fantastique lorsqu’une légende est décrite par le moine. Un décor surnaturel et chimérique est dépeint au sein de la nouvelle, et l’on ne sait pas si il s’agit de fantaisies que s’autorise le narrateur ou si celui-ci décrit simplement la réalité des mythes locaux. Le lecteur ne sait pas si il s’aventure dans un univers féérique ou fantasmagorique est là est tout l’enjeu du mystère. Devant le discours du Moine sur le monde du réel et de l’invisible, le narrateur est perdu. La vérité du Moine entre en résonance avec son intuition, son monde psychique, mais puisqu’il se cherche, il ne sait pas si il a affaire à ” un sot ou un sage. ” Il est difficile de ne pas penser au Mythe de la caverne lorsque l’on analyse cette œuvre. Lorsque le narrateur évoque ce qu’il pense de la politique, on retrouve ici encore une référence platonicienne.
III – Un état psychique ” en dents de scie “
En parallèle, les cauchemars du narrateur partent et reviennent de manière aléatoire. Il y a, tout au long de la nouvelle, le champ lexical de la peur, de l’enfermement, de l’abattement et même de la destruction (meurtri, brisé, anéanti). Le narrateur se sent emprisonné, vampirisé (le cauchemar dans lequel une créature puise sa vie entre ses lèvres et se lève repu). Le narrateur est tantôt sujet à l’émerveillement mais souffre à la fois physiquement et mentalement et se vit comme un martyr. Il fait l’objet de fortes fièvres, ce qui accroit probablement ses troubles physiques dans la mesure où celle-ci peut engendrer des délires ou hallucinations.
En effet, lorsque le narrateur voit que sa carafe, qu’il pensait pleine d’eau, a été bue durant la nuit, il lui est difficile de savoir si il est en proie à un délire psychotique, ou bien à une perte de mémoire, ou encore si il s’agit de la réalité. A aucun moment il ne soupçonne ses domestiques mais il présuppose immédiatement une force occulte.
Comme pour sa précédente crise, c’est un voyage qui le fait aller mieux. Il part à Paris pendant une journée. Sa santé mentale est définitivement alternative car il revient de Paris très gai, quant il y ait parti dans la plus profonde des détresse. Les voyages semblent lui permettent de revenir à une forme de réalité et lui font retrouver une certaine raison.
Néanmoins, lorsqu’il assiste à la séance d’hypnose qu’expérimente Madame Sablé, sa cousine en qui il a une entière confiance, il est bouleversé de nouveau. Cet évènement décuple encore les multiples questionnements du narrateur sur la réalité ou l’irréalité des phénomènes surnaturels. Ne doutant pas de la bonne foi de sa cousine, il écarte immédiatement l’hypothèse d’une comédie.
En effet ce qui le préoccupe tourne beaucoup autour de cela : le monde de l’invisible et ce qu’il comporte, ou non, comme phénomènes paranormaux. Le terme de ” terreur ” est omniprésent dans l’œuvre.
A chaque fois que le héros voyage, il se sent mieux. Maupassant a souvent été dépeint comme fuyant la société (peut être davantage sur la fin de sa vie) et profondément pessimiste. Mais ceci peut être nuancé par le fait que le narrateur – qu’on peut raisonnablement identifier à son auteur – a une réelle capacité à la joie et à la vie sociale, puisque à chaque fois qu’il voyage, s’entoure des autres et retourne à un univers très concret et réel, son état psychique s’améliore.
D’autre part, le narrateur a une capacité à s’étonner et à s’émerveiller au contact de la Nature, voire même des objets : il est subjugué par le trois-mâts brésilien, par le vol d’oiseaux, il compare un papillon à un ” fleur qui vole “. Il a une vision de la nature très poétique.
III – La figure du Horla
Progressivement, la ” force obscure ” décrite par Guy de Maupassant s’incarne de plus en plus. Le narrateur commence à lire de la théogonie afin d’identifier son oppresseur mais il ne le retrouve dans aucun des profils décrits par l’auteur qu’il lit. Pour autant, au fil de l’avancement narratif, le démon a un nom (Le Horla), un genre (masculin), une identité (démon biblique). Par la suite, le narrateur découvre un article scientifique qui évoquerait l’existence d’une créature de nature à la fois vampirique et spectrale, invisible, venu du Brésil, qui aurait embarqué sur le fameux trois-mats qui avait retenu l’attention du narrateur au tout début du livre. Le narrateur associe donc la fascination ressentie pour le merveilleux trois-mats à un piège qui a permis au Horla de prendre possession de lui.
A la fin, Le Horla a même un corps, ce qui est le paroxysme de l’irrationnel car par essence même un démon est un esprit désincarné. Par ailleurs, et selon certaines sources, le nom ” Horla ” proviendrait de la contraction entre ” hors “, et ” là “, néologisme qui renvoie fatalement à quelque chose dont la nature est insaisissable.
IV – L’issue
Plusieurs phénomènes paranormaux, réels ou imaginaires, viennent perturber davantage le narrateur en proie à une puissante terreur, persuadée d’être l’objet d’une force démoniaque, une figure satanique. En effet, l’auteur intègre, volontairement ou non, des références bibliques : il parle de ” glaive “.
Il est tout de même possible de voir de la combattivité chez le héros de la nouvelle car à plusieurs reprise il évoque sa potentielle rébellion. En effet et comme susmentionné, il évoque le ” glaive ” (couteau datant de l’époque des romains et évoqué dans l’Évangile selon Mathieu), il évoque un chien mordant à la gorge son maître ou un esclave se retournant contre son bourreau. Le narrateur ne retrouve une émotion de joie que lorsqu’il pense pouvoir saisir Le Horla. Dans son désespoir, le héros a tellement personnifié son mal qu’il pense pouvoir s’en emparer et le détruire. Il met le feu à sa maison, entraînant le décès de ses domestiques sans en avoir conscience car dans sa démence, il les a oublié. Il se rend compte de la folie de son geste que trop tard. Il est également persuadé que Le Horla n’est pas mort, justement car étant un esprit, il n’est pas soumis aux mêmes règles et à la même fragilité que l’être humain. La nouvelle s’arrête sur le héros désespéré qui projette de mettre fin à ses jours.
IV – Différentes grilles de lecture de cette nouvelle
Une hypothèse peut être celle du démon Le Horla comme une métaphore du mal être fondamental qui touchait Maupassant, ici le narrateur. Si Le Horla ne peut se lire qu’à travers le contexte de la vie de son auteur, en proie à des troubles psychiques à la même période, il est possible de supposer qu’un certain mal de vivre préexistait dans l’esprit de l’auteur, avant même l’apparition de ses troubles neurologiques déclenchés par la syphilis.
Ainsi, une lecture médicale permet de voir ce récit comme l’évolution du trouble psychique qui empoisonnait l’existence de Maupassant, et plus précisément d’un mal-être existentiel qui, du fait de la maladie, a évolué en un trouble psychique qui a progressivement atteints différents seuils jusqu’à atteindre une finalité funeste. En effet, Guy de Maupassant est la syphilis pouvait entraîner, entre autres symptômes, divers troubles neurologiques.
Cette nouvelle renvoie aussi au mythe de l’écrivain torturé qui, pris dans sa solitude et le bouillonnement de ses pensées et conflits internes, bascule dans la folie.
Enfin, La nouvelle de Maupassant peut se lire comme une fable, avec une morale à la clé. Celle-ci pourrait être que la quête de la vérité, de la connaissance absolue, peut mener à la folie. En effet, la plupart des religions soutiennent qu’il n’est possible d’avoir accès à la vérité qu’en mourant. De ce fait, vouloir à tout prix la vérité, c’est vouloir être mort. La quête de vérité, lorsqu’elle est mal dirigée ou obsessionnelle, a quelque chose de morbide.
Guy de Maupassant laisse apparaître dans le portait psychologique de son narrateur quelques propension à la joie et à la sérénité, avant que celui-ci ne soit dévoré par sa psychose. L’auteur nous livre dans cette nouvelle quelques clés pour atteindre une certaine quiétude : se déplacer, sortir de l’isolement, aller à la rencontre des autres, de la nature, de la beauté. Considéré comme profondément pessimiste, Guy de Maupassant a teinté son récit de certaines zones de lumières dans l’enfer de la maladie psychique, et nous rappelle à quel point il est important de prendre soin de sa santé aussi bien physique que mentale.