Résumé chapitre par chapitre de Pierre et Jean de Guy de Maupassant
Pierre et Jean est un roman de Guy de Maupassant, publié en 1888. L’histoire se déroule au Havre et explore les tensions entre deux frères, Pierre et Jean, lorsque ce dernier hérite d’une grande fortune. La jalousie et les conflits familiaux se mêlent à une réflexion sur la légitimité et l’identité. Ce roman psychologique, souvent considéré comme le chef-d’œuvre de l’auteur français, aborde les thèmes de la rivalité fraternelle, de l’hérédité et des secrets de famille avec un réalisme saisissant.
Chapitre 1
Monsieur Roland a emmené sa femme et ses deux fils Pierre et Jean, accompagnés par une jeune veuve, à bord de sa barque « La Perle » pour une partie de pêche. Jean est doux, et Pierre, l’aîné, plus nerveux. Les deux jeunes hommes sont jaloux l’un de l’autre. À la fin de la promenade, Madame Roland invite Madame Rosémilly à se joindre à eux pour le repas du soir. Alors que la famille se met à table, le notaire, Monsieur Lecanu, s’annonce. Il révèle qu’un ami de Monsieur Roland, Léon Maréchal, est décédé et que son testament nomme Jean comme légataire universel. Il l’invite à venir signer le lendemain à son étude. Jean et Pierre partent, séparément, faire une promenade. Madame Roland s’inquiète qu’un de ses fils soit favorisé au détriment de l’autre.
Chapitre 2
En marchant, Pierre se sent contrarié et énervé par la nouvelle. Il attribue cet agacement à la jalousie qu’il ressent pour son frère. Devant le port, à la tombée de la nuit, il retrouve son frère. Il le félicite chaudement pour cet héritage, puis repart seul en direction de la ville. Il entre dans un bar tenu par Monsieur Marowsko, un Polonais expert en fabrication de liqueur. Pierre lui raconte la nouvelle du jour. Le tenancier conclut en disant : « Ça ne fera pas un bon effet ». Cette remarque agace Pierre, qui décide de rentrer chez lui.
Chapitre 3
Pierre, qui est docteur, se réveille le lendemain avec la résolution de faire fortune. Le matin, il visite la ville en quête d’un appartement, puis rentre déjeuner. La famille s’est mise à table sans l’attendre. Pierre et son père se disputent sur le sens de l’argent. Madame Roland les calme. L’après-midi, Pierre trouve un bel appartement à louer et pense demander de l’argent à son frère pour réaliser l’opération. Il s’assied dans un café et raconte à la serveuse l’histoire de l’héritage de son frère. Elle lui répond que son frère a plus de chance que lui. Offusqué, il s’en va. Il s’interroge à nouveau sur le fait que le défunt ait légué la fortune à son frère et ne l’ait pas partagée. Chez lui, un banquet se prépare en l’honneur de Jean, le nouvel héritier. Pierre joue le rôle de trouble-fête, la mine dépitée et le ton ironique. Ivre, il s’en va se coucher.
Chapitre 4
Au réveil, Pierre décide d’abandonner ses mauvaises pensées et d’être gentil avec tout le monde. Il est enjoué pendant le déjeuner familial. Puis, il part avec un ami, Jean Bart, faire une promenade en mer à bord de « La Perle ». À son retour, il apprend que sa mère a loué pour Jean l’appartement dont il rêvait. Furieux, il entend sa mère ajouter qu’elle lui trouvera également quelque chose, mais plus modeste, car il n’a rien. Il tente de se souvenir de Monsieur Maréchal et se rend compte que ce dernier ne favorisait ni l’un ni l’autre. Il en arrive à penser que Jean est le fils caché du défunt.
Chapitre 5
Pierre est torturé. Des sentiments contradictoires l’habitent. Il se rend dans la chambre de Jean, qui dort, pour voir s’il y a une quelconque ressemblance avec Monsieur Maréchal. En le regardant dormir, il conclut que son frère ne partage aucun trait avec leur père, Monsieur Roland. Il va ensuite voir sa mère et lui demande de retrouver un portrait de Monsieur Maréchal, pour l’offrir à Jean. Puis, il part à Trouville pour se changer les idées. À son retour, il demande à sa mère si elle a retrouvé le portrait. Elle finit par le retrouver, mais le cache à nouveau juste avant l’arrivée de Madame Rosémilly.
Chapitre 6
Monsieur Roland s’inquiète de l’attitude de Pierre, qui semble malheureux alors que toute la famille se réjouit. Il est également préoccupé par sa femme, qui donne des signes de faiblesse. Pierre examine alors sa mère. Les jours suivants, elle fait plusieurs petites crises de nerfs. Ils décident de partir à la campagne en famille, avec Madame Rosémilly et un autre ami, Monsieur Beausire. Jean se demande s’il doit épouser la jeune veuve. Ils s’éloignent et Jean trouve le courage de lui déclarer son amour. Il la demande en mariage. Elle accepte. Jean confie aussitôt son secret à sa mère, tout excité.
Chapitre 7
Toute la famille se retrouve dans le nouvel appartement de Jean. Restant seul avec son frère, il lui annonce qu’il va se marier avec Madame Rosémilly. La tension monte et ils se disputent. Jean l’accuse d’être jaloux, mais Pierre se défend de cette accusation. À bout, il accuse son frère d’être le fils illégitime de Monsieur Maréchal, puis part en courant. Jean va alors trouver sa mère dans sa chambre et lui demande la vérité sur sa naissance. Louise confirme les insinuations de Pierre. Elle veut quitter la maison, mais Jean la retient. Elle lui confie qu’elle a profondément aimé son amant et qu’elle l’aime encore, même au-delà de la mort.
Chapitre 8
Suite à la révélation de sa naissance, Jean songe à retrouver la paix et à accompagner au mieux sa mère dans cette épreuve. Il pense à léguer sa fortune aux pauvres. Finalement, il décide de tout garder, mais de renoncer à son héritage paternel au profit de son frère. Pendant le déjeuner de famille qui suit, Pierre ressent une envie irrésistible de fuir. Il envisage de s’embarquer sur un paquebot comme médecin de bord. Jean approuve l’idée. Jean se rend ensuite avec sa mère chez Madame Rosémilly. Ils confirment le mariage.
Chapitre 9
Pierre est nommé médecin de la « Lorraine ». Sa famille le félicite. Il part, la tristesse au cœur. En chemin, il s’arrête chez Monsieur Marowsko, puis il embarque. Sa famille lui rend visite dans sa cabine, puis repart. Monsieur Roland fait monter la famille à bord de « la Perle ». Ensemble, ils voient le paquebot s’éloigner. Pierre se tient seul à l’arrière du paquebot.
Principaux personnages
Pierre Roland
Frère aîné de Jean, il est docteur. D’un tempérament plus emporté que son frère, il est jaloux de lui. Lorsqu’il apprend que Jean est l’unique héritier, il devient de plus en plus aigri. Quand sa mère trouve un appartement pour que son frère s’installe, il frôle la folie. Pierre comprend alors que Jean est le fils de l’amant de sa mère. Pour se venger, il lui révèle la vérité.
Jean Roland
Jeune homme calme, il est avocat. Il se réjouit lorsqu’il reçoit l’héritage, sans se douter de rien. Il est blond, tout comme le défunt. Quand sa mère lui avoue le secret de sa naissance, il lui réaffirme son amour inconditionnel.
Louise Roland
Femme de Gérôme, Louise apparaît comme une mère de famille dévouée, soucieuse de l’avenir de ses enfants. Face aux soupçons de Pierre, elle tente d’abord de cacher son secret. Elle finit par avouer à Jean qu’elle aimait profondément Léon Maréchal et qu’elle l’aime encore. Elle se sent soulagée lorsque Pierre décide de partir sur un paquebot.
Gérôme Roland
Mari de Louise et ancien commerçant, il est un homme simple et peu subtil. Sa seule véritable passion est la pêche, et il aspire à une vie paisible. Il observe les événements qui agitent sa famille comme un spectateur passif.
Léon Maréchal
Ami de Gérôme et amant de Louise, Léon Maréchal lègue sa fortune à son fils illégitime, Jean, sans jamais avoir révélé la vérité de son vivant.
Madame Rosémilly
Jeune veuve vivant d’une rente, elle est proche de la famille Roland. Elle accepte de se marier avec Jean.
Monsieur Marowsko
Pharmacien polonais et ami de Pierre, il est également expert en fabrication de liqueurs.
Le capitaine Beausire
Ami de la famille Roland, il fait partie des proches du cercle familial.
Maître Lecanu
Notaire qui annonce la mort de Léon Maréchal et révèle les dispositions de son testament.
Analyse de l’œuvre
Le mensonge omniprésent
Madame Roland ment à sa famille en cachant la naissance « illégitime » de Jean. Pierre se ment à lui-même en ne reconnaissant pas clairement sa rivalité avec son frère. Lors d’un repas familial, Pierre feint d’être aimable avec tout le monde, alors qu’il est furieux et dévoré par la jalousie. Plus tard, Louise demande à son fils Jean de mentir pour qu’elle puisse rester chez lui. Chaque chapitre comporte son lot de mensonges, petits ou grands. Tous ces mensonges cumulés révèlent la vérité d’une famille où l’on parle de choses banales, mais où les émotions sont tues.
Le triomphe de l’apparence
L’argent et le paraître semblent être les deux piliers sur lesquels la famille fonde son existence. Monsieur Roland, ravi que son fils touche un héritage, feint d’être très malheureux du décès de Léon Maréchal. La primauté de l’apparence se manifeste à travers la décoration intérieure soignée de l’appartement de Jean et la peur des rumeurs. Pierre, bien qu’il semble parfois désintéressé, élabore des plans compliqués pour devenir riche. À l’époque, avoir un enfant hors mariage constituait un scandale dans la société bourgeoise. Sauver les apparences a également conduit Louise à vivre avec un homme qu’elle n’aimait guère, plutôt qu’avec son amant qu’elle adorait. Pierre, celui qui détient le secret, est la menace potentielle au scandale, mais en partant à la fin du roman, il préserve les apparences.
L’omniprésence de la psychologie
Maupassant explore en profondeur les pensées et les émotions qui agitent Pierre : son désir de femmes, d’argent, sa jalousie, ses conflits intérieurs et l’amour qu’il éprouve pour sa famille. La rivalité entre les deux frères est essentielle. Dans la tradition chrétienne, la civilisation est fondée sur le conflit entre Caïn et Abel. Pierre, l’aîné, se sent libéré lorsqu’il découvre que Jean n’est que son demi-frère. Mais sa punition est semblable à celle de Caïn : il doit partir. Le roman est aussi l’exploration psychologique de Pierre, un homme rempli d’angoisses et de contradictions, parfois animées de bons sentiments. L’influence de Freud et de la psychanalyse, bien que n’étant qu’à ses débuts, semble déjà présente dans cette analyse des mécanismes mentaux.
Description de la société bourgeoise
Pierre est médecin, Jean avocat, et leur père ancien bijoutier. Le roman met également en scène un pharmacien et un notaire, représentant la classe bourgeoise de l’époque. Les femmes, quant à elles, restent à la maison et exercent leur influence en arrière-plan. C’est le cas de Louise Roland, qui « cédait toujours et ne demandait jamais rien ». Le roman décrit une société patriarcale typique du XIXe siècle. Maupassant, qui s’est intéressé à toutes les classes sociales, de la paysannerie normande à la petite bourgeoisie parisienne, montre l’ascension sociale de la famille Roland, qui cherche à grimper l’échelle sociale par le mariage ou l’héritage.
Un roman naturaliste
L’idée d’écrire Pierre et Jean est née d’un fait divers réel. Maupassant accorde une grande attention aux lieux, offrant des descriptions précises et réalistes. Il en est de même pour l’exploration de la psychologie humaine. À la fin du XIXe siècle, les études sur les troubles mentaux connaissent un essor, et la psychanalyse est en passe d’être conceptualisée. Maupassant décrit un monde empreint de médiocrité, où les détails du quotidien, comme l’agonie des poissons dans une barque de pêche, sont minutieusement dépeints. Le naturalisme, plus poussé que le réalisme, met en avant l’influence du milieu sur les comportements humains.