Publié sous le titre La Transaction en 1832 dans la revue L’Artiste, cette œuvre d’Honoré de Balzac, un auteur français du 19ème siècle, a connu deux autres titres, Le Comte Chabert et La Comtesse à deux maris, avant de devenir Le Colonel Chabert. Résumé, présentation des personnages, analysons tout ça !
Résumé détaillé de Le Colonel Chabert d’Honoré de Balzac
Un vieillard demande Monsieur Derville
L’histoire commence en 1817. Un vieillard, mal fagoté, se présente à l’Étude de maître Derville, rue Vivienne à Paris, pendant que 5 clercs (Godeschal, Simonnin, Boucard, Huré et Desroches) rédigent un acte. Le vieil homme est décrit comme un personnage cadavérique. Chauve, son crâne est marqué par une profonde cicatrice. Il demande à parler à Monsieur Derville pour lui confier son affaire. Un des clercs, Godeschal, lui dit de revenir sous les coups de 1 h du matin. Avant de partir, le greffier demande le nom du vieillard. Ce dernier prétend s’appeler “Chabert”. Il serait donc ce fameux colonel mort à la bataille d’Eylau en Allemagne, il y a plus de dix ans.
Le parcours d’un colonel laissé pour mort
Monsieur Derville rencontre le vieillard aux alentours de 1 h du matin. Celui-ci raconte son récit en espérant avoir l’aide de l’avocat.
Lors de la bataille d’Eylau en 1807, le colonel Chabert a été attaqué et blessé par des cavaliers russes. Frappé au crâne par un sabre, le colonel fut déclaré mort. Encore vivant, il est enterré dans la fosse commune avec d’autres cadavres. Après de multiples efforts, il arrive à s’extraire de son tombeau et à émerger sur un sol désert et enneigé. Sauvé par un couple de paysans, il est amené à l’Hôpital d’Heilsberg. Il y reste durant six longs mois, entre la vie et la mort. Une fois guéri, il prétend être le colonel Chabert. Si ces camarades de chambre se moquent de lui, un chirurgien, appelé Sparchmann, réalise une série de documents pour justifier son identité. N’ayant pas l’argent nécessaire, il a été contraint de laisser les documents sur place lorsqu’il est parti regagner la France.
Errant sans un sou, il vagabonde de nombreuses années durant lesquelles il écrit à sa femme à deux reprises. Il réussit à atteindre Paris en 1815. Il décide de retrouver sa femme par tous les moyens et découvre que celle-ci a utilisé sa fortune pour se marier dans l’aristocratie. Sa femme, Rose Chapotel a maintenant deux enfants et elle porte le nom de comtesse Ferraud. À plusieurs reprises, il a essayé de se présenter à elle, et ce, sans succès.
Souhaitant récupérer son identité ainsi que sa fortune, il demande à Maître Derville de l’aider.
Le travail de l’avocat
Derville accepte d’aider le vieillard à récupérer son identité et sa fortune. Il lui prête de l’argent et tente de récupérer les papiers qu’il prétend avoir laissé en Allemagne. Il les récupère trois mois plus tard.
Lorsque Monsieur Derville rencontre Chabert au faubourg Saint-Marceau, il essaye de le persuader de faire des concessions. En effet, Chabert étant trop pauvre pour porter plainte, l’avocat est convaincu que gagner le procès contre la Comtesse Ferraud risque d’être bien difficile.
Espérant annuler son acte de décès et recevoir une pension, Chabert se résigne à transiger.
En allant rendre visite à la femme de Chabert, Mr Derville pense à tous les arguments qu’il pourrait utiliser pour que la comtesse accepte également de faire des concessions. Lors de son échange avec la comtesse, Mr Derville réussit à la faire fléchir. Elle lui avoue sa culpabilité. En effet, elle savait que son mari étant vivant lorsqu’elle s’est remariée. Craignant d’être répudiée par le Comte, la femme du colonel accepte de négocier.
Une négociation qui échoue
Huit jours plus tard, Monsieur Derville reçoit Madame Ferraud à son cabinet. Le colonel Chabert est dans la pièce d’à côté. L’avocat lit les termes du contrat à la Comtesse. Chabert s’engage à renoncer à ses droits si elle reconnaît l’identité de son premier mari et accepte de lui verser une rente viagère de 24 000 francs.
Prétextant que cela est bien trop cher, le colonel, ayant tout entendu, quitte la pièce pour les rejoindre. Il insulte sa femme qui devrait, selon lui, lui être redevable. En le voyant, la Comtesse fait mine de ne pas le reconnaître et quitte le bureau de Mr Derville.
La tentative de la Comtesse
Dehors, le colonel Chabert est invité par sa femme pour qu’ils aillent ensemble au château de Groslay. La Comtesse tente de séduire par tous les moyens le Colonel pour qu’il renonce à son argent.
Le Colonel est dupe de la mascarade jusqu’à ce qu’il écoute une conversation entre l’intendant du Comte Ferraud, Monsieur Delbecq et la Comtesse. Sa femme veut donc conserver ce qu’elle a acquis et espère l’enfermer à Charenton s’il n’accepte pas sa négociation. Apprenant la duplicité de sa femme, le Colonel, écoeuré, répudie sa femme. Il accepte de renoncer à ses droits plutôt qu’avoir des dettes envers cette personne hypocrite.
La dette
Pendant six longs mois, Monsieur Derville n’entend plus parler de la Comtesse ou du Colonel. Il pense alors qu’ils ont trouvé un accord. Il reçoit finalement la lettre de Monsieur Delbecq qui prétend à l’avocat que le vieillard n’était pas vraiment le Colonel Chabert, qu’il s’est joué de lui et qu’il ne lui paierait pas la somme qu’il lui devait.
Deux ans après cette lettre, Mr Derville revoit par hasard Monsieur Chabert au Palais de Justice. Il lui demande alors pourquoi il ne lui a jamais remboursé sa dette. Le Colonel pensant que sa femme avait réglé la dette, lui envoie un courrier. Mr Derville est remboursé quelques jours après son entrevue.
Une fin de vie à l’hôpital
En 1840, Mr Derville et Mr Godeschal, qui est devenu son successeur, tombent sur le Colonel à l’hôpital de la vieillesse de Bicêtre. Celui-ci s’est fait interner par la Comtesse Ferraud. Il nie son identité et prétend s’appeler “numéro 164, septième salle”. Se faisant passer pour fou, Mr Derville juge le destin de cet homme ironique. Né à l’hôpital des enfants trouvés, il finit sa vie à l’hôpital de la vieillesse.
Écœuré des injustices dont il a été témoin à de multiples occasions, Mr Derville laisse son cabinet de Paris à Mr Godeschal et se retire pour vivre à la campagne avec sa femme.
Présentation des personnages
Le Colonel Chabert
Proche de l’Empereur Bonaparte, le Colonel Chabert est laissé pour mort sur le champ de bataille à Eylau, en Allemagne. Il revient en France pour retrouver son identité et sa femme. Sans un sou, il arrive à Paris et se rend compte que sa femme a refait sa vie. Si au début, il souhaite que sa femme lui donne ce qui lui revient de droit, cet homme bon, plein de compassion et encore amoureux, finit par être dupe du jeu de la Comtesse. Finalement, il finit sa vie à l’hôpital de la vieillesse, écoeuré des agissements de sa femme.
Balzac s’inspire de nombreux personnages pour créer son personnage dont un personnage historique, le Colonel Chabert né en 1770.
Louis Vergniaud
C’est un ami fidèle du Colonel, chez lequel il va habiter le temps que Maître Derville travaille sur son affaire.
Maître Derville
Monsieur Derville est un avoué intègre. Cet homme à la fois bon et généreux est le seul à aider le Colonel.
Le Comte Ferraud
Fidèle aux Bourbons, le Comte Ferraud est un aristocrate qui a émigré pendant la Terreur. S’il a épousé la soi-disant veuve du Colonel, c’est surtout pour sa fortune.
La Comtesse Ferraud
C’est le seul personnage féminin de l’histoire. Née fille de joie, Rose Chapotel s’est d’abord mariée à Monsieur Chabert. Habile, cette femme cruelle use de ses charmes pour arriver à ses fins. Elle n’a aucun scrupule à se remarier alors qu’elle sait que son mari est encore en vie. Elle n’a aucune compassion pour le Colonel. Ses seules préoccupations : garder ce qu’elle a acquis.
Monsieur Delbecq
Doué dans les affaires, cet anti-Derville manigance mille et un méfait avec la Comtesse. Avec le personnage de la Comtesse, il représente une société cupide.
Analyse de l’Œuvre
La cupidité
Dans le Colonel Chabert, la cupidité est incarnée par le personnage de la Comtesse. Cette fille de joie épouse le Colonel. Cela lui permet de gravir les échelons et de devenir quelqu’un. Lorsque son mari est laissé pour mort, elle acquiert la fortune de son défunt époux. Elle n’hésite pas à se remarier avec le Comte Ferraud alors qu’elle sait que son mari est encore vivant. Pour gagner toujours plus d’argent, elle s’associe avec Monsieur Delbecq un “ancien avoué ruiné”. Souhaitant garder ses privilèges, elle fait preuve d’une malhonnêteté sans faille, prétextant que le vieillard n’est qu’un imposteur (“Mais Monsieur n’est pas le Colonel Chabert”), et ce, même si elle le reconnaît (“c’est lui, se dit en elle-même la Comtesse”).
Manipulatrice et très bonne comédienne, elle n’hésite pas à user de ses charmes pour séduire à nouveau son premier mari afin d’obtenir ce qu’elle souhaite : garder ce qu’elle a acquis. La fortune de Monsieur Chabert permet à la Comtesse de ne pas perdre son nom. A contrario, le Colonel doit lui prouver qui il est afin de redevenir quelqu’un et obtenir ce qu’il mérite.
Les Disparités Sociales
À travers cette œuvre, Balzac dresse le portrait des différentes catégories sociales de son époque. Ces disparités sont d’ailleurs très bien décrites lorsque Monsieur Derville rencontre successivement la Comtesse et le Colonel. Ce dernier reçoit l’avocat chez son ami, Monsieur Vergniaud, au faubourg Saint-Marceau. Un lieu pauvre dont l’habitation semble “près de tomber en ruine”. Parallèlement, la Comtesse accueille Monsieur Derville dans son hôtel du faubourg Saint-Germain. La misère et l’extrême pauvreté dans laquelle vit le Colonel fait écho au luxe et la splendeur du salon dans lequel est installée la Comtesse. D’autre part, cette disparité sociale laisse clairement entrevoir une justice à deux vitesses. En effet, bien que le Colonel soit en droit de réclamer ce qu’il mérite, il n’a pas les moyens de porter plainte. Laissant sous-entendre que lorsque l’on est pauvre, Justice ne peut être faite.
Un double anéantissement
Né à l’hospice des enfants trouvés, le Colonel voit en l’Empereur plus qu’un Monarque, “J’avais un père, l’Empereur !”
Métamorphosé et transformé lors de la bataille d’Eylau, le Colonel perd son identité, qu’il ne réussira jamais à regagner. Il perd également toutes ses chances de retrouver sa vie de soldat. En définitive, on pourrait dire que bien que le Colonel ait survécu, symboliquement, il est bel et bien mort sur le champ de bataille.
Très bon résumé !