La Controverse de Valladolid est un roman dramatique paru en 1992, publié par Jean-Claude Carrière, un auteur français. L’ouvrage parle de faits réels historiques : la situation des Indiens d’Amérique en 1550. La controverse en question est un débat qui a lieu dans un monastère de Valladolid en Espagne durant trois jours. Sur l’initiative du roi Charles Quint, la controverse est présidée par le cardinal Salvatore Roncieri. Elle fait suite au massacre des Indiens par les Espagnols à l’époque et met deux camps face à face. La question est de savoir si les Indiens d’Amérique possèdent une âme ou s’ils sont une espèce inférieure à la race humaine.
Résumé chapitre par chapitre
Voici le résumé détaillé du livre :
Chapitres 1 à 4
Les Espagnols découvrent les Indes en 1492. Ils décrètent que les habitants ont pour vocation l’obéissance. Le massacre et l’asservissement du peuple indien ont eu lieu. Mais suite au massacre, un problème surgit vers 1550 : la diminution de la population indigène engendre une diminution de la main-d’œuvre. Le roi Charles Quint commence alors à douter du traitement réservé aux Indiens. À sa demande, un débat est organisé à Valladolid, en Espagne. Ce débat vise à démêler les problèmes qui sont engendrés par la conquête espagnole : c’est ce débat qu’on qualifie de controverse. Charles Quint veut qu’on détermine clairement l’identité des Indiens pour juger du bien-fondé de leur esclavage : sont-ils des fils de Dieu ou au contraire des créations diaboliques ?
La même année, le théologien Ginès de Sépulvéda vient de publier à Rome un livre qui prône l’infériorité patente des Indiens. Il veut diffuser son ouvrage en Espagne, mais le clergé s’y oppose. Le roi Charles Quint profite de ce prétexte pour organiser une controverse entre Sépulvéda et le dominicain Bartolomé de Las Casas qui est un fervent défenseur de la cause indienne. Humaniste, ce dernier a toujours lutté contre l’injustice et la tyrannie envers les Indiens d’Amérique. La controverse où deux émérites vont s’affronter se déroule dans la salle capitulaire du couvent des Dominicains à Valladolid. Chaque partie sait que, au-delà de la question de publication du livre en Espagne, le débat sera capital pour l’avenir du peuple indien.
Ginès Sépulvéda, Bartolomé de Las Casas et une quarantaine de participants à la controverse saluent l’entrée du cardinal Salvatore Roncieri. Ce dernier étant le représentant du pape, la décision finale lui reviendra. Le supérieur du couvent, le comte Pittaluga est aussi présent en tant que représentant de Charles Quint. Le cardinal Salvatore Roncieri et le comte Pittaluga feront office de juges durant la controverse.
Le cardinal Roncieri accorde en premier lieu la parole au dominicain Bartolomé de Las Casas. Ce dernier met en exergue la cruauté injustifiée des Espagnols vis-à-vis des Indiens. Avec véhémence, il parle de cupidité, de torture, d’exploitation de l’homme par l’homme, mutilations, et d’autres atrocités dont il a été témoin. Des comportements d’une violence extrême qu’il oppose à la bonté et au pacifisme des Amérindiens. Roncieri interrompt son réquisitoire et lui rappelle que le tribunal est ici rassemblé notamment pour statuer sur la nature des Indiens, mais non pas pour juger le fait de guerre.
Chapitres 5 à 9
Le lendemain, le cardinal Salvatore Roncieri donne la parole à Ginès Sépulvéda. De prime abord, ce dernier condamne son adversaire qu’il juge également coupable d’esclavagisme, étant en terre conquise. Las Casas prône une conquête pacifique. Sépulvéda défend sa position contre les Indiens d’Amérique et affirme que Dieu ne les reconnaît pas et que la guerre existe uniquement par la volonté de Dieu. Pour lui, la guerre est une lutte légitime.
Il sort un argument de poids en invoquant le nom du Christ. Pour lui, c’est au nom du Christ que les Indiens sont condamnés. Il les qualifie de païens, d’anthropophages, de sodomites, d’immoraux et d’ignorants : ils méritent donc leur sort. Lorsque le théologien illustre ses propos en présentant « le serpent à plumes », une idole zoomorphe à l’auditoire, toute la salle ne peut réprimer son dégoût.
Les deux antagonistes soutiennent des thèses opposées. Chaque argument sorti par l’un est réfuté par les arguments de l’autre. Leur débat, au centre duquel se trouvent les Indiens, permet une analyse très approfondie de nombreux thèmes phares. Tout ce qui tourne autour des Indiens est analysé : leurs religions, les dieux qu’ils adorent, les types de maisons où ils vivent, leurs potentialités artistiques.
Grâce au débat entre les deux hommes, tout le monde est à même de découvrir les Indiens d’Amérique, et de se faire une idée sur ce peuple qui est encore peu connu. Au cours du débat, deux colons sont entrés clandestinement dans la salle. Ils sont découverts et témoignent en faveur de Sépulvéda. Sépulvéda et Las Casas ont des avis différents. Toutefois, tous les deux s’entendent sur un point : toutes les âmes doivent être sauvées. Pour tous les deux, le salut des âmes est primordial.
Chapitres 10 à 12
La controverse n’évolue pas. Le légat Roncieri prend alors l’initiative de faire entrer une famille indigène dans la pièce. Il s’agit d’une famille de trois personnes (le père, la mère, l’enfant) et d’un jongleur. Ils sont donc au nombre de quatre. Cette présentation est destinée à soumettre ces personnes à un examen physique et un examen moral approfondis. On les examine sous toutes les coutures. On les fait passer par différents tests. On les sent et on les touche, exactement comme on le ferait pour des animaux.
Leur teint est en tout point semblable à celui des colons, mais leur moralité non. Ils méprisent le catholicisme : les adversaires de Las Casas voient là un terrain favorable à leurs thèses. Les Indiens sont des êtres humains, mais d’une race inférieure. La controverse continue.
Pour éprouver la valeur morale des Indiens, on arrache l’enfant des bras de sa mère. Les parents se révoltent. Le débat est tumultueux : pour Las Casas, l’amour filial et maternel qu’ils se témoignent prouve leur humanité. On a aussi introduit des bouffons dans la pièce pour voir le degré d’humour des Indiens. Les pitreries des bouffons sont sans effets sur eux.
Tout au long du réquisitoire, on a cherché à voir si les quatre indiens ressemblent véritablement à des êtres humains. La discussion est de plus en plus houleuse. Afin de calmer les deux parties, Roncieri tente de s’interposer. Il tombe de l’estrade, ce qui provoque immédiatement le rire de la famille indigène. Las Calas triomphe.
Chapitres 13 et 14
Mais la dernière confrontation va signer la fin de cette difficile polémique. Il appartient au cardinal Riceiri, légat du pape, de décider si oui ou non les Indiens d’Amérique sont des enfants de Dieu. C’est exclusivement pour ce but qu’il a été envoyé. Il va étudier les arguments respectifs de Las Casas et de Sépulvéda ainsi que l’intervention de la famille indigène au cours de la controverse en vue de se faire une idée de la manière dont ils vivent.
Chacun reprend ses arguments. Pour avoir été en Inde, Las Casas a pu donner des exemples de ce qui s’y passait réellement. Il a pu donner des exemples concrets des horreurs commises sur les Indiens. Il a également démystifié différentes rumeurs que les gens colportaient sur les Indiens sans y avoir été une seule fois. En bon chrétien, Las Casas invoque la religion pour défendre l’honneur des Indiens.
Sépulvéda, lui, n’avait aucun exemple concret à avancer. Il s’appuie donc sur sa force d’argumentation et de rhétorique pour réaffirmer la nécessité de la conversion par les armes. Il défend sa position avec un calme imperturbable, alors que Las Casas s’emporte de temps en temps, coupant parfois la parole à Sépulvéda pour donner des contre-exemples. Deux styles diamétralement différents se sont opposés durant la controverse.
Sépulvéda a mené son argumentation d’une façon très posée et a démontré que les Indiens sont des sauvages, car ils font des sacrifices humains. D’autre part, si les Indiens cessent d’être esclaves, cela représenterait une perte de bénéfice pour l’économie espagnole.
La séance est levée. Le verdict sera rendu le lendemain.
Chapitre 15
Le lendemain, le cardinal Riceiri, représentant du Pape et de toute l’Église, donne sa décision.Il déclare que les Indiens sont des fils de Dieu, qui possèdent une âme. Il est ainsi du même avis que Bartolomé de Las Casas et déclare que les Indiens seront dorénavant libres et devront être traités dignement. Leurs conditions doivent s’améliorer. Le légat du Pape est toutefois conscient que cette décision aura des répercussions importantes sur le plan économique : les Indiens d’Amérique représentaient une main-d’œuvre importante et peu coûteuse pour le peuple espagnol.
Les Indiens ne doivent plus être réduits en esclavage. Pour pallier les pertes économiques, le légat du Pape demande que les colons utilisent des esclaves africains. Il considère que les Africains ont moins d’humanité que les Indiens. Cette alternative permettra aux colons de toujours avoir une main-d’œuvre à exploiter.
Las Casas n’est pas de cet avis. Il veut intervenir encore une fois. Le cardinal coupe court à ses protestations. La controverse est close.
Les personnages
L’œuvre s’articule autour de deux rôles principaux :
– Bartolomé de Las Casas : il s’agit d’un moine dominicain qui est un fervent défendeur de cette minorité. Tout au long de l’histoire, il plaide en faveur des Amérindiens avec lesquels il a vécu sur une certaine période. Il a de l’estime pour ce peuple qu’il met sur le même piédestal que les Européens. Las Casas se base sur une argumentation qui s’appuie sur les sentiments afin de faire appel à l’empathie des lecteurs. Il a tout de même un tempérament sanguin, difficile à contrôler.
– Juan Ginès de Sepúlveda est le second personnage qui s’oppose à Las Casas. Il s’agit d’un jésuite et théologien qui dispose d’un fort caractère. Pour lui, il est impératif et obligatoire de coloniser les Indiens et les convertir au christianisme. Comme il manipule très bien la rhétorique, il ne lui est pas difficile de trouver des arguments de taille. Malgré les voix de son adversaire qui s’élèvent, celui-ci reste calme et organisé. À l’instar de la Bible, Juan Ginès de Sepúlveda condamne les nombreux crimes commis par les Indiens. Selon lui, ils sont inacceptables. C’est la raison pour laquelle les Indiens se doivent d’être canalisés et éduqués.
Analyse de l’œuvre
Plusieurs arguments sont mis en avant dans ce roman. Il faudra s’y référer pour analyser l’histoire en fond et en forme :
Bartolomé de Las Casas (contre l’esclavage)
– Les Espagnols et les Indiens ne sont pas en guerre. Les seconds se montrent amicaux, il n’est donc utile de les massacrer ainsi.
– Les Indiens sont très intelligents et utilisent leurs mains pour créer des objets d’art inédits.
– La violence et l’évangélisation ne vont pas de pair. Ces concepts sont littéralement opposés (selon la Bible).
– Les Indiens ont les mêmes aspects moraux et physiques que les Espagnols. Ce sont des créatures de Dieu, donc dignes de respect (comme tout être humain).
– Ils sont condamnés pour les sacrifices humains qu’ils proposent en offrande à leurs dieux. On les qualifie de barbares, alors que ces offrandes sont également présentes dans la Bible.
Juan Ginès de Sépulvéda (pour l’esclavage)
– Les Indiens sont des animaux, vu qu’ils offrent à leurs dieux des vies humaines (cela vient à prouver que même s’ils étaient des hommes, il serait nécessaire de les évangéliser).
– Les Indiens sont nés esclaves, étant donné que Sépulvéda s’appuie sur les dires d’Aristote. Pour lui, ce sont des ignorants, des gens dénués d’esprit et d’âme.
– Les Espagnols mènent une guerre juste et sainte contre les Indiens pour les christianiser. Ils agissent ainsi pour accomplir la volonté de Dieu.
– L’évangélisation pacifiste qui a été réalisée dans certaines colonies n’a pas obtenu les effets escomptés. Elle ne passe pas et est remplacée par l’esclavage.
Stratégies d’argumentation
Dès le tout début de la controverse, Las Casas met en lumière l’émotion générée par les bestialités commises à l’égard des Indiens. Sépulvéda, quant à lui, n’a pas en sa possession des exemples qui peuvent compenser ces atrocités. En revanche, il est souple et rapide en rhétorique. Le premier a tendance à s’emporter, tandis que le second reste calme et trouve des contre-argumentations très structurées. Très souvent, Las Casas coupe la parole à son interlocuteur pour répliquer à ses arguments. Ce dernier tolère ses interruptions en faisant montre d’une grande indulgence tant qu’elles sont pertinentes.
Le problème le plus répandu dans le Nouveau Monde est le manque d’informations à propos de tout ce qui s’y passe. Las Casas et ses assistants ont fait une descente sur place pour voir ce qui s’y déroule vraiment. En revanche, les autres peinent à distinguer la réalité des crimes espagnoles et les rumeurs répandues par la propagande des adversaires espagnols. Les participants sont également perdus face aux accusations de perversions sexuelles des Indiens. Las Casas ne font pas partie de ceux-là. Il plaide ouvertement que les Aztèques sont homophobes. À ce titre, les dénonciations d’actes sexuels dans les mines sont réfutables. De toute manière, les mines étaient trop étroites pour cela. Sépulvéda insiste sur le fait que les vies humaines offertes en sacrifice par les Indiens sont condamnées par la Bible.
L’humanité des Indiens est remise en question
La première interrogation se base sur le fait que les Indiens appartiennent-ils vraiment à l’espèce humaine ? La conclusion est flagrante. Les enfants des couples Européens/Indiens ne présentent pas plus de signes de malformations que les enfants de parents « européens ».
Les différences et les apparences physiques ne sont pas considérées comme déterminantes. La teinte de la peau change très souvent pour la prendre en critère. La seule différence à relever réside dans la peau lisse des Indiens. L’idée de la présence d’esclaves-nés par nature parmi l’espèce humaine provient des thèses d’Aristote qui est difficile à contester selon Las Casas. Ce dernier démontre que les Indiens font preuve de ruse, d’intelligence et d’humanité pour être classifiés dans cette catégorie.
Dénouement
La fin du livre révèlera un dénouement complexe et surprenant. Le verdict final comporte très peu de suspense : le pape favorise l’adoucissement du sort des Indiens. Tous les personnages ne sont pas du même avis, mais ils acquiescent. Tous savent que Sépulvéda mène un combat d’honneur. C’est le passage du roman qui révèle le potentiel et l’intelligence de l’écrivain.
Le verdict tend vers le sens des droits de l’homme tels qu’on les voit aujourd’hui. La conclusion mentionne que les Indiens ont bien une âme. Ils ne doivent donc pas être réduits en esclavage. Pour éviter que les colons ne soient pas perdants en ne profitant pas de cette main-d’œuvre bon marché, le légat du pape encourage le recours aux Africains. Ces derniers sont moins humains que les Indiens. Même si Las Casas ne rejoint pas ce point de vue, il ne continue pas le débat qui n’est pas à l’ordre du jour.
L’auteur sait se faufiler entre le « oui » ou le « non » en étant impartial. Il ne prend pas une solution au dépend de l’autre et vice versa. Sa fin est très simpliste et très intéressante. Pour Las Casas et Sépulvéda, c’est un match nul. En survolant le roman, les quelques passages que vous verrez vous convaincront de lire jusqu’à la fin.