Littérature

Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes : résumé, personnages et analyse

Couverture du compte-rendu de lecture sur Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, avec un résumé, une étude des personnages et une interprétation critique.
Ecrit par Les Résumés

Résumé du roman Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq

Ce roman du 20ème siècle se déroule dans un lieu et une époque indéfinis.
Ce temps et cette géographie imaginaires ont conduit de nombreux critiques à tenter de deviner une localisation proche. Il semble que l’auteur ait laissé ces énigmes pour faire de son roman une analyse de sentiments universels, justement hors temps et continents précis. S’il l’a volontairement situé hors des repères géographiques, peut-être est-il inutile de vouloir les situer à tout prix…

Le roman met en scène la principauté d’Orsenna et le Farghestan. Ces deux pays, ennemis ancestraux vont (à nouveau ?) se battre. Ce dernier affrontement va conduire à la destruction d’Orsenna. Faghestan apparait donc ici, pour Orsenna, l’ennemi de toujours.

Le personnage principal, Aldo, est un jeune aristocrate de la principauté d’Orsenna. Déçu par un chagrin d’amour, il veut quitter Orsenna. Il part alors comme observateur dans une garnison lointaine. Du fait de ses origines aristocratiques, il va surveiller le rivage des Syrtes. De l’autre côté de la côte se trouve le Farghestan, ennemi de la principauté d’Orsenna depuis trois siècles.

Depuis fort longtemps les deux belligérants vivent au gré d’une trêve tacite. Chacun des deux ennemis observe et attend. Aldo personnifie cette attente tout au long du roman.
Le jeune homme passe son temps à penser, rêver, monter à cheval. Rien ne se passe. Le roman distille l’ennui de cette attente sans fin et sans évènement.
Aldo finit par rencontrer la princesse Vanessa Aldobrandi. Il l’a connue autrefois à Orsenna. Elle le convie en sa demeure de Maremma.
Lors d’une sortie en mer, sur l’influence de Vanessa, Aldo navigue trop près des côtes du Farghestan. En franchissant cette limite physique de paix, il provoque la fin du cessez-le-feu. De conflit larvé, l’état de guerre est à nouveau déclaré.
Les hostilités reprennent donc à cause du comportement inconsciemment agressif d’Aldo, guidé par sa liaison amoureuse. En agissant de la sorte Aldo, malgré lui, choisit la guerre plutôt que la suite d’une attente remplie d’incertitude et surtout d’inaction. L’ennui, la stagnation, l’engourdissement laissent le pas, certes à une calamité, mais aussi à la fin de l’attente synonyme d’ennui mortel.
Orsenna était engluée dans cette attente, vécue aussi comme une étape vers une mort, lente assurément mais anéantissante. Son action met un terme aux atermoiements pesants sur Orsenna dans son ensemble.

Présentation des personnages

Aldo

Jeune homme de bonne famille, issu d’une lignée aristocratique d’Orsenna.
En raison de son appartenance et d’une tradition incontournable, il est nommé « Observateur » dans une garnison militaire. Ce poste lui permet aussi d’accéder à une carrière politique.
Aldo est éduqué à l’académie d’Orsenna. Le but est de lui avoir ôté toute velléité critique, voire toute pensée rationnelle, afin d’être au service de la Seigneurie.

Cet endoctrinement s’appuie sur les mythes fondateurs d’Orsenna nourris par le conflit et la haine ancestrale vouée à Farghestan.
La mission d’Aldo comme Observateur consiste à transmettre chaque jour des bulletins d’observation à Orsenna. Le reste du temps Aldo pense, rêve, chasse, fait du cheval. Ces dernières activités étant les seules dignent de faire face à son ennui.
Cet ennui est troublé par l’intérêt qu’il éprouve pour la géographie du Farghestan. Comprenant l’interdit qu’il représente et malgré les ordres contraires, il s’approche trop près des côtes et provoque la fin du cessez-le-feu.

Vanessa

Vanessa est l’héritière d’une noble lignée de seigneurs. Elle fréquente des soirées où le Farghestan est évoqué malgré les interdictions.
Aldo et Vanessa entament une liaison amoureuse.
Aldo est séduit par l’âme romantique et audacieuse de la jeune femme. C’est leur relation qui le pousse à franchir la limite défendue.

Marino

Marino est capitaine. C’est le gardien de l’ordre et de la tradition séculaire d’Orsenna. Marino découvre l’intérêt d’Aldo pour la géographie du Farghestan. Il désapprouve son comportement.

Analyse de l’œuvre

Anecdote concernant le prix Goncourt

L’auteur français Julien Gracq dénonce les compromis du monde littéraire face aux enjeux financiers. Il refuse à ce titre le prix Goncourt accordé au Rivage des Syrtes lors de sa parution en 1951.

Utilisation des personnages

Avant tout Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq est le roman de l’ennui. Le style de narration est centré sur la lenteur. Il évoque l’ennui et le pessimisme du personnage principal Aldo.
Le roman est écrit à la première personne. Le but est de se sentir “dans la tête” d’Aldo qui est un jeune homme, issu d’une vieille famille privilégiée. S’il peut paraitre superficiel parfois, il faut se souvenir qu’on est guidé par l’esprit d’un tout jeune homme.
Le roman a une structure concentrique. L’auteur utilise dans un premier temps Aldo et la proximité qu’il construit avec le lecteur. Ensuite, il fait entrer le lecteur dans le cercle des notables, puis dans celui du peuple. On finit par avoir une vision de la situation d’Orsenna dans son ensemble.

Utilisation des lieux et des temps

Julien Gracq manie les lieux et temps fictifs de son roman pour dénoncer les dangers de l’érection de murs coupant les liens entre les civilisations.
Auteur vivant à l’époque de la montée du nazisme, il met en garde contre le repli des pays derrière leurs frontières et contre les méfaits du patriotisme.
L’auteur dénonce les mécanismes qui peuvent conduire de la paix à la guerre. Il utilise d’abord le personnage principal pour montrer son cheminement intellectuel jusqu’à la guerre. Il analyse ensuite son cercle social proche, pour rendre compte enfin du parcours du peuple dans son entier.

Chaque sphère est analysée et chaque parcours est décrit jusqu’à l’inéluctable aboutissement à la guerre. L’auteur décortique les étapes qui aboutissent à la guerre :

L’ennui est la première phase. C’est cet ennui qui donne naissance à la rumeur.

La deuxième phase est constituée par les histoires que les hommes élaborent en réaction à cet ennui. Julien Gracq dénonce ici le fait que les hommes s’approprient l’Histoire et mettent en avant des personnages historiques non pour leur valeur mais pour nourrir le présent. La manipulation de l’histoire par les contemporains est appelée par l’auteur à être prise avec recul, voire dénoncée.

La troisième phase évoquée par J. Gracq est le mécanisme psychologique vicieux qui consiste à finir par croire, voire espérer ce que l’on craint le plus, englué dans une attente négative.
L’opinion publique utilise des histoires construites par elle-même, dénonçant un pays avec qui elle n’a en fait pas de contact depuis plus de 300 ans, à part par l’imaginaire collectif basé sur des clichés négatifs et terrifiants.

Utilisation de la rumeur

L’auteur insiste sur les méfaits des rumeurs catastrophes et sur le fait que les mauvaises nouvelles sont relayées plus facilement en raison de l’effet d’horreur qu’elles produisent.
Il va encore plus loin en analysant qu’une société qui est confrontée à la guerre peut trouver un élan et un espoir illusoire liés au fait d’être confrontée à un nécessaire tournant.

Réflexion par rapport à notre société contemporaine

Le Rivage des Syrtes dénonce un problème psychique chez l’homme moderne. En 1951, l’ère atomique est lancée et la question du “futur” est à reconsidérer. Le monde entre dans une nouvelle étape dans sa relation à la guerre et à ses terribles dégâts.

Le suicide collectif est évoqué par les comportements des personnages.
Par le biais du comportement individuel d’Aldo certes, mais aussi par celui du peuple qui projette une calamité générale comme un potentiel tournant d’opportunités à saisir.

L’auteur met en scène les dangers de la rumeur dans ce roman sans lieu et temps. Ce fléau ancestral trouve cependant aujourd’hui des échos nouveaux avec le développement des réseaux sociaux qui sont de redoutables médias de diffusion. Julien Gracq décortique les mécanismes du danger de la rumeur dans un monde qui en 1951, ne connait pas encore internet et la facilité, la rapidité, la puissance qu’il donne pour relayer les rumeurs les plus dangereuses…

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