La Farce de Maître Pathelin est une pièce de théâtre comique écrite en vers et en ancien français. On ne connaît pas l’identité de son auteur. On estime qu’elle aurait été écrite au XVe siècle. Considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature médiévale française, La Farce de Maître Pathelin est précurseur de la comédie moderne. Elle met en scène trois personnages principaux : Maître Pathelin, un avocat rusé et sans scrupules ; Guillaume Joceaulme, un marchand avare ; et Thibault Agnelet – ou l’Aignelet selon les versions -, un berger naïf et simplet. La pièce critique les travers de la société médiévale française, en particulier les professions juridiques et marchandes. Partons à la découverte de cette pièce qui a été largement imitée et adaptée au cours des siècles.
Résumé scène par scène de La Farce de Maître Pathelin
SCÈNE 1
Pathelin est un avocat rusé qui, malgré ses échecs, se vante de ses talents. Guillemette, sa femme, lui reproche de ne rien faire pour améliorer leur situation financière, mais Pathelin prévoit d’aller à la foire pour y acheter du tissu et de tromper les marchands pour en obtenir gratuitement. La scène se termine sur Pathelin qui s’approche de la boutique d’un marchand de tissu.
SCÈNE 2
Chez Guillaume, le drapier, Pathelin essaie de négocier le drap tout en lui faisant des compliments et en évoquant le souvenir de son père, un ancien marchand sage et bon. Malgré ses tentatives, Guillaume reste ferme sur le prix du drap. À la fin de la conversation, Pathelin convainc Guillaume de venir chez lui pour un repas et des boissons, promettant de lui payer l’argent à ce moment. Guillaume reste persuadé qu’il a réussi à duper Pathelin.
SCÈNE 3
Après avoir réussi à tromper le marchand, en utilisant diverses flatteries, Maître Pathelin retourne chez lui et présente fièrement à sa femme, Guillemette, le drap qu’il a obtenu gratuitement. Il lui explique son plan : il prévoit de simuler une maladie pour éviter le marchand lorsque celui-ci viendra réclamer son argent. Il demande à Guillemette de l’aider dans cette entreprise.
SCÈNE 4
Guillaume se dirige vers Maître Pathelin pour récupérer l’argent qui lui est dû, mais il tombe sur Guillemette qui lui apprend que son mari est gravement malade. A un moment, Maître Pathelin, croyant que le drapier est parti, se moque de lui. Toutefois, celui-ci entend tout et revient pour récupérer son argent. Guillemette feint d’être en deuil et la situation se complique lorsque son mari prétend délirer en parlant dans plusieurs dialectes. Cette situation met Guillaume dans le doute. Il se demande si Maître Pathelin est vraiment venu dans sa boutique. Finalement, il s’enfuit de la maison en courant, oubliant complètement la raison pour laquelle il était venu.
SCÈNE 5
Seul sur scène, Guillaume ressent un sentiment de trahison et de tromperie de la part de son entourage. Il est régulièrement victime de vol et de fraude, y compris parmi les personnes qu’il considérait comme des amis, tel que son berger, Thibault l’Aignelet. En colère, Guillaume envisage de prendre des mesures punitives à l’encontre de son berger.
SCÈNE 6
Guillaume accuse Thibaut d’avoir volé et tué ses moutons pour les vendre au boucher. Précisant que ses bêtes sont mortes de maladie, Thibault nie toute culpabilité. Il souhaite un arrangement à l’amiable plutôt qu’une confrontation devant le juge. Toutefois, Guillaume est déterminé à faire valoir ses droits et à obtenir réparation.
SCÈNE 7
Cherchant un avocat pour le défendre, Thibault se rend chez Maître Pathelin. Ce dernier accepte de le défendre, toutefois, sachant qu’il est coupable et que de nombreuses personnes peuvent en témoigner, il lui suggère de ne rien dire et de jouer les idiots. Thibault accepte de payer Maître Pathelin en or s’il le sauve de ce faux pas.
SCÈNE 8 & SCÈNE 9
Au tribunal, Guillaume reconnaît Pathelin qui lui a volé son drap. En se faisant passer pour un idiot et en ne répondant que par des bêlements, le juge a bien du mal à le disculpter. D’autant plus que Guillaume se mélange les pinceaux entre la malhonnêteté de Maître Pathelin, et l’affaire en cours avec son berger. Le Juge sera obligé de le recadrer en disant “revenons à nos moutons”. Malgré les preuves accablantes et les accusations de Guillaume, le juge décide de clore le procès, estimant qu’il “manque de preuves”. Guillaume est donc acquitté.
SCÈNE 10
Après avoir remporté le procès, Maître Pathelin réclame l’argent à Thibault. Toutefois, celui-ci continue de faire l’idiot et lui répond par des bêlements. Il finit par se sauver et le rideau se baisse.
Présentation des personnages
Maître Pierre Pathelin est un avocat astucieux et malhonnête qui utilise son éloquence pour manipuler les situations en sa faveur. Il présente des discours adaptés aux intérêts de ses clients, sans se préoccuper des détails de l’affaire en question. Même s’il est connu pour être un menteur, il continue à utiliser ses tromperies même après avoir causé sa propre ruine. Grâce à sa compréhension de la nature humaine, il est capable de discerner le caractère de chacun et de l’utiliser à son avantage. Enfin, son habileté verbale est un atout important pour réussir ses manigances. Toutefois, l’attitude de Thibault à son égard prouve que lorsque l’on dupe les gens et/ou qu’on défend les intérêts de personnes malhonnêtes, il faut s’attendre à recevoir le revers de la médaille.
Guillemette est la femme de Maître Pathelin. C’est également le seul personnage féminin de la pièce. Contrairement aux autres personnages, elle est consciente des manigances de son mari Pathelin et n’est pas dupée par ses astuces. Grâce à son habileté en art dramatique, elle est capable de soutenir les escroqueries de son mari. Elle est très méfiante envers Pathelin et son personnage est profondément ancré dans la réalité. Bien qu’il ne soit pas un exemple moral, ce personnage offre un point de vue plus distancié sur la situation. Une première étape cruciale pour une remise en question du système établi par les escrocs.
Guillaume Joceaulme, le drapier, est présenté comme étant semblable à Pathelin en raison de sa capacité à tromper les gens. Il utilise constamment des astuces pour atteindre ses objectifs. Malgré leurs similitudes, Guillaume est l’antagoniste de Pathelin, car ce dernier est bien plus malin que lui et réussit à le tromper à deux reprises. Guillaume est tellement aveuglé par son avidité qu’il se laisse convaincre qu’il est fou et qu’il bafouille des explications discréditant davantage sa position lors du procès. Contrairement à Pathelin, il ne sait pas manier suffisamment la rhétorique pour être convaincant. Ses compétences en manigance ne se limitent qu’à la sphère commerciale, illustrant plutôt le vendeur type qui essaie de négocier sa marchandise plutôt qu’un homme réellement malhonnête.
Thibault Agnelet – ou l’Aignelet selon les versions – est un berger qui se présente comme un personnage à la fois naïf et simple. Il est exploité par le drapier, affirme son infériorité face à Maître Pathelin. À la différence de ces deux autres personnages, Thibault n’est pas très ingénieux et ne dispose d’aucune compétence pour duper les autres. En effet, Guillaume découvre sa culpabilité et il n’arrive absolument pas à lui faire entendre le contraire. Il réussira à faire preuve de malhonnêteté, sous les conseils de Maître Pathelin, en faisant le sot et en répondant par des bêlements lors de son procès. Néanmoins, si Thibault n’est pas capable de créer des stratagèmes de lui-même, il est capable de répéter, un peu comme un mouton, ce qu’on lui a appris. Ainsi, lorsque Maître Pathelin lui demande son argent pour l’avoir fait acquitter, il continue de faire l’idiot et répond en bêlant. À noter que le nom de Thibault est “Agnelet“, un terme qui désigne les agneaux âgés de moins de trois mois. L’agneau étant considéré l’innocence dans la culture populaire ainsi que dans la tradition religieuse.
Le Juge, à l’instar de Guillemette, occupe une place extérieure à l’intrigue, mais il a un rôle déterminant puisqu’il doit rétablir la justice. Toutefois, dans la pièce, il semble que cette affaire l’ennuie et il n’a aucune envie de prolonger le procès, affichant clairement son impatience. Plutôt que d’apporter un équilibre juste entre les trois personnages, il clôt le procès en acquittant Thibault, accentuant ainsi l’injustice créée par la tromperie. Ainsi, on peut supposer que son manque d’investissement dans cette affaire laisse la porte ouverte à Thibault de se mettre à duper les autres puisque, quoi qu’il arrive, la justice ne fait rien.
Analyse de l’oeuvre
À l’instar de nombreuses pièces de théâtre comique, la ruse et la tromperie dominent cette pièce. Chaque personnage dupe les autres à sa manière. Ainsi, Guillaume incarne un vendeur peu scrupuleux qui n’hésite pas à vendre ses produits à des tarifs exorbitants pour en obtenir les meilleures marges possibles. Contrairement à son mari, Guillemette n’utilise pas l’art de la manipulation à des fins personnelles. Cependant, en aidant son mari dans ses combines, comme nous le voyons lorsqu’elle accepte de l’aider à duper Guillaume, elle fait preuve de tromperie.
De son côté, Maître Pathelin manie l’art de la rhétorique à la perfection pour tromper, duper et manipuler afin d’atteindre ses objectifs, et ce, dans tous les aspects de sa vie. Il démontre tout le génie de son art en réussissant à duper Guillaume, qui tente également de le manipuler. Par ailleurs, il parvient à faire acquitter Thibault, en dépit des preuves de sa culpabilité, en le faisant passer pour un idiot et en se montrant plus fort que Guillaume. On peut supposer que, dans cette pièce, la justice n’a pas pour objectif premier de punir le coupable, mais plutôt de désigner le plus malhonnête. Maître Pathelin se montre plus fin et plus rusé que Guillaume, qui perd son procès.
Cependant, l’élève finit par surpasser le maître et le trompeur est trompé. En effet, Thibault réutilise la stratégie de Maître Pathelin pour ne pas le payer. Il est intéressant de noter que la manière dont Thibault répète cette stratégie évoque l’expression “répéter comme un mouton“. Thibault ne comprend peut-être pas pourquoi ni comment le fait de paraître sot peut le tirer d’affaire, mais il sait que cela fonctionne et c’est pour cette raison qu’il l’utilise contre Maître Pathelin. L’expression “répéter comme un mouton” est mise en relief par le fait qu’en plus de paraître idiot, Thibault se met à bêler.