Publiée en 1978, Lullaby est la deuxième nouvelle du recueil Mondo et autres histoires de Jean-Marie Gustave Le Clézio, un écrivain français du XXème siècle. Partons à la découverte de cette adolescente en quête de liberté.
Résumé détaillé de Mondo et autres histoires – “Lullaby” de Jean-Marie Gustave Le Clézio
Partie 1
Par un matin d’octobre, Lullaby choisit de renoncer à l’école. Elle se lève tôt pour marquer l’occasion et, en contemplant le ciel depuis sa fenêtre, se sent soulagée d’avoir pris cette décision. Dans une lettre, elle demande à son père de récupérer le réveil qu’il lui avait offert, n’en ayant plus besoin. Se préparant rapidement, elle remplit son sac d’affaires sans vraiment savoir ce dont elle aura besoin, puis sort.
Lullaby suit l’avenue en direction des collines et des rochers, admirant la mer et le ciel bleu, ainsi qu’un voilier blanc. Les passants se rendant au travail la regardent, mais elle ne les remarque pas. Le paysage est si beau qu’elle a l’impression que l’école n’a jamais existé. Elle emprunte le chemin des contrebandiers, s’arrête dans les rochers pour écouter la mer, puis atteint un bunker allemand. Sur le mur, des lettres à la craie indiquent “TROUVEZ-MOI“. Intriguée, Lullaby cherche à savoir qui les a écrites et observe une sterne blanche survoler la plate-forme.
Poursuivant sa route, elle constate que le chemin est devenu plus escarpé. Malgré les difficultés, Lullaby arrive à se frayer un chemin à travers les rochers, faisant confiance à son instinct pour trouver le meilleur parcours et garder son équilibre. En grimpant, elle pense à des problèmes de mathématiques et de physique, se souvenant des leçons de ses professeurs (Mlle Lorti et M. Filippi). Toutefois, la splendeur de la mer la distrait et elle découvre une petite crique pour se baigner.
Après avoir nagé, Lullaby prend le temps d’écrire une lettre à son père pour lui raconter ses aventures, remplissant les espaces vides de la page avec des mots et phrases aléatoires. Elle poursuit son périple et tombe sur une maison grecque abandonnée, ornée d’un joli nom gravé au-dessus de la porte (Karisma). Nettoyant les murs couverts de graffitis, elle s’installe sur la véranda pour admirer la mer et fredonner une chanson d’Ariel.
Sur le chemin du retour, Lullaby rencontre un petit garçon aux yeux cachés derrière des lunettes. Il lui explique qu’étant plus jeune, il a tenté de regarder le soleil pendant une éclipse. Avant de partir, Lullaby lui demande de lui dessiner quelque chose pour le lendemain.
Partie 2
De nouvelles aventures
Lullaby se rend fréquemment à la maison grecque où elle perçoit une énergie mystérieuse et apaisante. Elle s’installe sur la véranda pour contempler la mer, ressentant une chaleur singulière et une profonde sérénité. En découvrant le mot magique (karisma) gravé dans le plâtre, elle entre dans un état de transe. Lullaby sent son corps se dissoudre, sans éprouver de peur. Elle se sent en harmonie avec la nature et perçoit les lois qui la régulent. Jetant des feuilles de papier au vent, elle éprouve le bonheur de donner à la nature.
Lullaby décide de faire un feu. Elle se rend dans une crique abritée par un embarcadère en ruine pour se protéger du vent. Elle y brûle des feuilles de papier sec et observe avec plaisir les flammes dévorer les mots inscrits sur les pages. Intrigué, le jeune garçon à lunettes s’approche et l’interroge sur ce qu’elle est en train de faire. Lullaby lui répond que c’est amusant. Ensemble, ils brûlent tout ce qu’ils trouvent jusqu’à ce que le feu s’éteigne. Le garçon offre à Lullaby un dessin d’elle pour le jeter au feu, mais elle décide de le conserver, promettant de le brûler lorsqu’elle l’aimera trop.
Rencontre avec un homme mystérieux
Vers midi, le jeune garçon à lunettes quitte Lullaby. Elle lui confie son intention d’explorer les rochers jusqu’à une grande maison en ruine qui semble être un théâtre. Une fois le garçon partit, elle se dirige vers cette maison et, arrivée sur place, s’installe sur une plateforme sous le toit pour admirer la vue sur la mer. Soudain, elle perçoit la présence de quelqu’un. Silencieusement, un homme s’approche de sa position. Lullaby tente de se cacher, mais il la repère. Elle escalade le toit de la maison en ruine, mais se retrouve piégée au bord du toit avec un large fossé devant elle. L’homme la poursuit, et Lullaby se jette du haut de la falaise. Elle se laisse porter par les vagues avant de nager en direction de la ville.
Retour à la réalité
Lullaby est consciente que sa situation actuelle ne peut perdurer indéfiniment. Ayant menti à son école en prétendant être malade, elle fait maintenant face à des lettres et des individus qui en savent trop sur sa situation. Elle se balade le long de la côte pour penser à autre chose, mais craint de croiser l’homme mystérieux qu’elle a rencontré la veille. Bien qu’elle désire poursuivre ses explorations, Lullaby redoute que ses mensonges soient découverts. Elle quitte finalement la plage et se dirige vers le centre-ville.
Un retour pénible
Arrivée en ville, Lullaby est déstabilisée par la foule en mouvement perpétuel. Elle entre dans un grand magasin, mais ressent rapidement le besoin de partir. Elle se rend dans un café, commande une omelette, mais n’arrive pas à rédiger la lettre qu’elle souhaite écrire. Elle se contente de manger son omelette et de partir.
Après quelques hésitations, Lullaby retourne au lycée et s’installe sur un banc dans la cour en attendant M. Filippi, son professeur de physique. Frigorifiée, elle part à sa recherche et demande au concierge, qui lui informe que celui-ci n’est pas encore arrivé, mais que la Directrice la recherche. Le concierge la mène au bureau de la Directrice, où Lullaby entre.
L’interrogatoire de la Directrice
L’entretien avec la directrice se concentre sur l’absence de Lullaby la semaine précédente. Elle avoue s’être rendue à la mer, mais la directrice exige plus de détails. Lullaby décrit alors son séjour, évoquant la mer, les rochers et le nom grec de l’endroit. La directrice, stupéfaite par ces descriptions, continue de douter de Lullaby et la soupçonne d’avoir séché les cours pour voir son petit-ami. Lullaby dément et la directrice insiste, poussant Lullaby à crier pour se défendre. Finalement, la directrice la laisse partir pour assister à son cours. Lullaby croise alors M. Filippi dans la cour et souhaite lui parler de la mer et de la lumière, mais réalise qu’elle a oublié les questions qu’elle voulait lui poser. M. Filippi lui propose d’en discuter après les cours, étant lui-même passionné par la mer.
Présentation des personnages
Lullaby est une jeune adolescente, fascinée par la mer et par la nature. Ayant envie d’évasion, elle décide de ne plus aller au lycée afin de profiter de ses journées pour se promener et découvrir le monde qui l’entoure. Au cours de sa fugue, elle se lie d’amitié avec un jeune garçon et part à la découverte de nouvelles sensations. Si Lullaby fait ce choix c’est avant tout pour quitter le système scolaire qu’elle associe à un univers stressant et austère. Elle souhaite se rapprocher de la nature qui est plus en phase avec sa personnalité. Elle explore une plage enchanteresse, découvre une belle maison grecque et se laisse porter par le vent afin de vivre des expériences à la fois mystérieuses et contemplatives. Même si Lullaby tente de ne plus penser à l’école, force est de constater que celle-ci reste présente dans ses pensées. En effet, elle repense aux règles du lycée, à ses professeurs, notamment M. Filippi, et se sert des cours qu’on lui a enseigné. Lullaby incarne la quête de soi et l’exploration de sa propre sensibilité. Outre le fait de partir à l’aventure afin d’échapper au système “carcéral” qu’elle associe à l’école, elle éprouve ce besoin de se reconnecter avec la nature. Cette quête initiatique lui permet de découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité. C’est également un moyen pour se rapprocher de son père, qui vit loin d’elle, à Téhéran. Le retour au lycée sonne la fin de son voyage initiatique. Enrichie de nouvelles connaissances, elle peut enfin reprendre le cours de sa vie.
Le petit garçon aux lunettes est un personnage avec lequel Lullaby noue une relation amicale lors de sa fugue. Dès le début de la nouvelle, il lui explique qu’il est obligé de garder ses yeux bleus derrière des lunettes depuis qu’il a essayé d’observer une éclipse à l’œil nue. Ce personnage incarne une certaine innocence et naïveté, qui contraste avec la quête de liberté et d’émancipation de Lullaby. Leur amitié témoigne d’une solidarité et d’un soutien mutuel face aux défis et aux découvertes qui les attendent. Cette relation permet également à Lullaby de développer son instinct maternel et protecteur envers son jeune compagnon d’aventures. Leur rencontre symbolise la beauté de l’amitié et de la complicité qui peut naître entre deux individus, malgré leurs différences d’âge et de parcours de vie. Ensemble, ils s’émerveillent devant les paysages marins, les maisons pittoresques et les trésors cachés de leur environnement.
M. Filippi est le professeur de physique de Lullaby et incarne la figure d’un adulte responsable et soucieux du bien-être de ses élèves. Conscient des défis auxquels Lullaby doit faire face dans sa vie quotidienne, il représente un élément stabilisateur dans un monde en constante évolution, où elle cherche à se réinventer et à donner un sens à sa vie.
La Directrice incarne l’autorité et la rigueur du système scolaire, qui est en opposition avec le monde merveilleux et apaisant de la nature que Lullaby apprécie tant. En effet, la Directrice est chargée de faire respecter les règles, les horaires et les programmes scolaires, qui sont souvent perçus comme contraignants et stressants par les élèves. Lullaby associe l’univers de l’école à un système carcéral dans lequel elle se sent emprisonnée. Elle est ainsi un symbole de l’ordre et de la discipline qui caractérisent le milieu scolaire. À travers ce personnage, Le Clézio montre que l’école peut être un lieu de conflit entre les aspirations personnelles des élèves (Lullaby) et les attentes de la société. Cette tension est illustrée par le choix de Lullaby qui décide de s’éloigner temporairement de l’école.
Le père de Lullaby vit à Téhéran, une ville située très loin de l’endroit où se déroule l’histoire. Lullaby ressent un manque profond causé par l’absence de son père, ce qui la pousse à lui écrire régulièrement des lettres dans lesquelles elle exprime son affection et sa nostalgie. Le père de Lullaby est le moteur de son émancipation. En effet, c’est cette figure paternelle absente qui pousse Lullaby à ne plus aller au lycée du jour au lendemain. D’autant plus que sa mère, du fait d’une hospitalisation, est tout aussi éloignée, bien qu’elle soit physiquement présente. Durant son escapade, elle écrit plusieurs fois à son père, lui partageant ses pensées, ses rêves et ses découvertes. Ces lettres sont un moyen pour Lullaby de se rapprocher de son père malgré la distance. D’autre part, la relation entre Lullaby et son père est également symbolique. Lullaby est en pleine période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, et l’absence de son père et de sa mère la pousse à prendre des décisions par elle-même et à assumer les conséquences de ses choix. L’absence de son père la pousse donc à réaliser un voyage initiatique qui l’amène à devenir une adulte. Cette expérience forge son caractère comme nous pouvons le constater lors de son entretien avec la Directrice.
Analyse de l’oeuvre
Dans cette nouvelle, Le Clézio propulse le lecteur dans un voyage initiatique dans lequel une jeune adolescente passe du stade de l’enfance à l’âge adulte. En effet, ce moment d’escapade où elle fait le choix de ne plus aller à l’école n’est que provisoire. Elle ne veut pas abandonner l’école, mais simplement l’oublier pendant un certain temps pour se laisser porter par le vent et la beauté de la nature qui l’entoure.
Dans un premier temps, nous apprenons qu’elle cherche à fuir l’école, car elle estime que ce système est trop oppressif pour sa personnalité. Les nombreuses descriptions qu’elle fait de l’univers scolaire contrastent avec cette atmosphère de quiétude et de liberté dont elle peut jouir en pleine nature. Toutefois, elle a beau essayer d’oublier l’école, celle-ci est présente dans ses pensées. À travers cette opposition, Le Clézio montre la nécessité d’un équilibre entre l’apprentissage et la liberté de vivre pleinement sa jeunesse.
Progressivement, on comprend que la quête de liberté n’est pas le seul motif du choix de Lullaby. Cette dernière a vécu un épisode stressant dans lequel sa mère a été hospitalisée. Elle est physiquement présente mais éloignée de sa fille. Par ailleurs, son père vit à Téhéran, une ville très éloignée de là où vit Lullaby. En plus de ce climat familial, on peut supposer que Lullaby est soumis à d’autres problématiques comme les attentes du lycée, les relations avec les autres élèves et les professeurs ainsi que la nécessité de trouver sa propre voie. Cette escapade est bien plus qu’une quête de liberté, c’est l’occasion pour Lullaby de faire une pause afin d’apaiser les tourments de son esprit. C’est une sorte de refuge face aux pressions et aux difficultés de sa vie quotidienne.
Il est intéressant de noter qu’elle part seule. Si certains pourraient supposer que Lullaby est d’un tempérament solitaire, la vérité est beaucoup plus complexe. Lullaby doit expérimenter ce voyage seul car c’est le meilleur moyen pour elle de se recentrer sur elle-même. Cette opportunité lui permet de trouver des réponses aux questions qui la travaillent.
Enfin, si au début de la nouvelle, ce choix peut être vu de manière impulsive, au fil des jours, on voit Lullaby évoluer tant dans ses ressentis que dans ses réflexions. Ici, l’enfant devient un adulte qui prend conscience des conséquences de ses choix. C’est en adulte qu’elle se présente au lycée puisqu’elle met un terme à ses mensonges pour établir la vérité. Lullaby n’hésitera pas à s’opposer à la Directrice quand celle-ci soutiendra qu’elle a séché les cours pour profiter avec son petit ami, témoignant ainsi qu’elle a gagné en maturité.
Le fait qu’elle ait oublié les questions qu’elle souhaitait poser à M. Filippi peut suggérer que certaines réponses ne se formulent pas, mais se ressentent.
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