Créée en 1893 par Maurice Maeterlick, un écrivain franco belge, Pelléas et Mélisande est une pièce de théâtre en cinq actes. Examinons ensemble cette œuvre du 19ème considérée comme un chef-d’œuvre du mouvement symboliste.
Résumé détaillé scène par scène de Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck
ACTE 1
SCÈNE 1
En essayant de chasser un sanglier, Golaud, le petit-fils d’Arkël, le roi d’Allemonde, se retrouve perdu en pleine forêt. Il y rencontre une jeune fille très jolie (Mélisande) qui a fui l’endroit où elle habitait. On apprend qu’elle portait une couronne, mais celle-ci est tombée dans l’eau lorsqu’elle s’est mise à pleurer. Golaud veut la récupérer, mais la jeune fille menace de se jeter dans l’eau s’il le fait. Golaud capitule. La jeune fille constate qu’il a des cheveux gris et une barbe. Golaud la trouve très jolie, mais s’étonne de ne jamais la voir fermer les yeux. Golaud lui propose de venir avec lui pour qu’elle ne reste pas seule dans la forêt. Mélisande accepte à condition qu’il ne la touche pas.
SCÈNE 2
Geneviève et Arkël discutent de la lettre que Pelléas a reçue de son frère, Golaud. Ce dernier lui a écrit pour lui annoncer qu’il s’était marié avec une femme, qu’il ne connaissait pas, qu’il a rencontré en train de pleurer au bord d’une fontaine dans la forêt. Golaud demande à Pelléas de préparer son retour chez eux, mais il est inquiet de la réaction d’Arkël, qui avait d’autres projets politiques pour lui. Arkël avoue qu’il aurait bien aimé le marier à Ursule mais estime que son petit-fils est plus à même que lui pour connaître sa destinée. Pelléas reçoit une lettre de son ami Marcellus, qui est sur le point de mourir et qui lui demande de venir le voir avant sa mort. Arkël s’inquiète du retour de Golaud et rappelle à Pelléas que son père est également en train de mourir à l’étage. Il lui demande donc de rester auprès de son père.
SCÈNE 3
Devant le château, Mélisande s’étonne qu’il fasse aussi sombre. Geneviève lui explique que cela l’a surprise également quand elle est arrivée ici, mais qu’elle a fini par s’y habituer. Pelléas les rejoint et ils observent les lumières au loin. Mélisande voit s’éloigner le bateau qui l’a amené jusqu’ici. Pelléas pense que la mer va lui donner du fil à retordre. Geneviève s’en va pour aller voir Yniold, le fils de Golaud. Pelléas montre la route à Mélisande et cette dernière lui demande pourquoi il compte partir dès le lendemain.
ACTE 2
SCÈNE 1
Pelléas amène Mélisande dans un parc où il a l’habitude d’aller. Cette dernière est captivée par l’eau de la fontaine des aveugles. Elle essaie de voir la profondeur en y glissant le bras, mais elle ne touche pas le fond. En jouant avec son anneau de fiançailles, celui-ci tombe dans la fontaine. Ils le voient disparaître. Mélisande est embêtée et se demande ce qu’ils pourront bien dire à Golaud s’il s’en aperçoit.
SCÈNE 2
Dans l’une des chambres du palais, Mélisande se trouve aux côtés de son mari, Golaud, qui est alité à la suite d’un accident de cheval. Elle se met à pleurer et lui avoue qu’elle ne se sent pas bien ici, mais en réalité, elle se sent coupable d’avoir perdu son anneau. Golaud essaie de comprendre ce qui ne va pas et Mélisande ment en lui expliquant qu’elle ne se sent pas à l’aise dans ce royaume sombre. En lui prenant les deux mains pour la rassurer, Golaud se rend compte qu’elle n’a plus sa bague de noce. Mélisande ment une deuxième fois en disant qu’elle l’a perdu dans la grotte près de la mer en étant allée chercher des coquillages pour Yniold. Golaud exige qu’elle aille récupérer la bague avec Pelléas et lui annonce qu’il ne dormira pas tant qu’elle ne sera pas revenue. Mélisande sort en pleurant.
SCÈNE 3
En se rendant dans la grotte, Pelléas et Mélisande tombent nez à nez avec trois vieilles personnes endormies. Pelléas s’étonne de les voir là et s’imagine que la famine sévit dans le royaume. Mélisande ne veut plus s’aventurer dans la grotte et lui demande de partir. Pelléas et Mélisande sortent de la grotte.
ACTE 3
SCÈNE 1
À la fenêtre, Mélisande est en train de peigner ses cheveux quand arrive Pelléas au pied de la tour. Mélisande se penche et Pelléas lui demande de se pencher davantage. Mélisande lui explique qu’elle est à son maximum. Pelléas souhaite lui embrasser la main, mais elle refuse s’il part le lendemain. Pelléas consent à ne pas partir. Mélisande se penche encore plus, mais Pelléas ne parvient toujours pas à embrasser sa main. En revanche, les cheveux de Mélisande tombent et Pelléas s’étonne qu’ils soient aussi longs. Il décide de les garder que pour lui et se met à s’enrouler dedans, si bien qu’ils s’emmêlent aux branches. En les surprenant tous les deux, Golaud ne peut s’empêcher de rire en les qualifiant d’enfants.
SCÈNE 2
Golaud amène Pelléas dans les souterrains du château pour lui montrer l’eau stagnante dont il lui a parlé. Il l’invite à se pencher pour voir le fond de la grotte. Pelléas regarde et demande à ce qu’il sorte étant donné qu’il n’arrive plus à respirer.
SCÈNE 3
Pelléas se sent mieux et remarque l’arrivée de leur mère accompagnée de Mélisande. Golaud lui révèle avoir entendu leur conversation la veille et lui demande de s’éloigner de sa femme, prétextant vouloir la ménager.
SCÈNE 4
Seul avec son fils Yniold, Golaud essaie de récolter des informations concernant Pelléas et Mélisande. Son fils lui apprend qu’il est toujours avec eux et qu’il ne voit jamais “Petite-mère” -c’est comme ça qu’il appelle Mélisande- et son oncle faire quoi que ce soit. Golaud apprend qu’ils se sont déjà embrassés sur la bouche. Golaud prend son fils et s’arrange pour qu’il regarde ce qu’il se passe dans la chambre de Mélisande. Il lui apprend que cette dernière et Pelléas sont ensemble et qu’ils fixent la lumière sans cligner des yeux. Yniold demande à son père de le faire descendre. Golaud accepte et décide d’aller voir ce qu’il se passe dans la chambre de sa femme.
ACTE 4
SCÈNE 1
Pelléas vient voir Mélisande pour lui annoncer que son père va mieux. Il lui propose un dernier rendez-vous près de la fontaine des aveugles, car il compte quitter le château pour voyager. Mélisande accepte.
SCÈNE 2
Arkël vient rendre visite à Mélisande afin de lui exprimer toute son affection. Golaud arrive pendant qu’ils sont en train de se parler. En voyant que son mari est blessé au front, Mélisande cherche à le soigner, mais Golaud refuse. Il lui demande son épée et la traite comme une moins-que-rien avant de partir. Arkël est perdu. Mélisande lui avoue que Golaud ne l’aime plus et qu’elle n’est pas heureuse dans ce royaume.
SCÈNE 3 & SCÈNE 4
En tentant de récupérer sa balle d’or près de la fontaine des aveugles, Yniold voit passer un troupeau de moutons avec son berger. Bien plus tard dans la soirée, Pelléas attend que Mélisande arrive. Il lui avoue que s’il part, c’est qu’il est amoureux d’elle. Mélisande lui fait comprendre que c’est réciproque et ils s’embrassent. Pelléas est heureux, mais ses réjouissances sont de courtes durées. En effet, il s’aperçoit que Golaud est présent avec son épée et qu’il les observe depuis le début. Pelléas et Mélisande s’embrassent une dernière fois. Golaud frappe son frère à mort et sa femme s’enfuit.
ACTE 5
SCÈNE 1
Mélisande, légèrement blessée, est allongée dans sa chambre, entourée d’un médecin et d’Arkël. Golaud souhaite s’entretenir avec elle, seul à seul. Il tente d’obtenir la vérité sur ce qui s’est passée, la questionne avec insistance, mais elle répond toujours de manière évasive. Mélisande finit par mourir emportant la vérité dans sa tombe. Elle laisse un Golaud déboussolé ainsi qu’une petite fille qu’elle vient juste de mettre au monde.
Présentation des personnages
Mélisande est une jeune femme d’une grande beauté aux longs cheveux et aux yeux profonds. Golaud la trouve dans les bois en train de pleurer, elle a l’air perdue. Épris de sa beauté, il finit par l’épouser et la ramener au château de famille. Nous avons très peu d’éléments sur ce personnage. Le Prince Golaud cherche à la connaître, mais elle répond de manière évasive à ces questions. Tout au long de la pièce, Mélisande reste mystérieuse tout au long, elle ne révèle jamais d’où elle vient ni pourquoi elle est si triste. Bien qu’elle incarne une certaine forme de pureté et d’innocence perdue, il est important de souligner que Mélisande apparaît également comme une menteuse. Elle fait croire à son mari qu’elle a perdu sa bague de noce dans la grotte près de la mer et, lors de son dernier entretien avec Pelléas, on apprend qu’elle feint également d’avoir des sentiments pour Golaud. On peut alors se demander si son amour pour Pelléas est réellement sincère ou si elle ne cherche pas un moyen de s’échapper à ce royaume si sombre et à l’emprise de Golaud. En un certain sens, Mélissande attire les hommes vers leur destruction par sa beauté et son mystère. On peut penser que Pelléas et Golaud ne sont pas les premières victimes de Mélisande puisque Golaud trouve une couronne qu’elle aurait fait tomber en pleurant la première fois qu’il la rencontre. Elle lui explique que quelqu’un lui a donné, mais qu’elle n’en veut plus. Des personnes lui ont fait mal et elle a décidé de s’enfuir. Ces maigres informations seront les seuls éclairages que l’on aura de ce personnage énigmatique.
Golaud est le fils aîné de Geneviève et le petit-fils du roi Arkël d’Allemonde. Pelléas est son demi-frère. Cet homme d’âge mûr a déjà eu un enfant, Yniold, issu d’un premier mariage. Dès le début de la pièce, on apprend que le roi Arkël envisageait de marier Golaud à la princesse Ursule pour apaiser les tensions entre les deux royaumes. Toutefois, il ne s’oppose pas au mariage de son petit-fils avec une inconnue, estimant que Golaud est plus clairvoyant que lui pour connaître son avenir. Il est assez surprenant de voir Golaud épouser Mélisande, car celle-ci apparaît plus immature que lui. D’autant plus que lorsqu’il s’adresse à elle, il a tendance à l’infantiliser. En effet, Golaud est décrit comme un homme mûr, avec une barbe et des cheveux blancs, comme le souligne Mélisande dès leur première rencontre. Au fil de la pièce, Golaud laisse progressivement sa jalousie s’installer. Si au départ, il ne semble voir qu’un jeu d’enfant entre Mélisande et Pelléas, il n’hésite pas à faire comprendre à son demi-frère qu’il doit prendre ses distances avec sa femme. Sombre et tourmenté, Golaud soupçonne son demi-frère d’entretenir une liaison avec sa femme, bien qu’il n’ait aucune preuve. Jusqu’à la fin, il cherchera la vérité, au point de questionner son propre fils, Yniold, pour démêler le vrai du faux. Sous le coup de l’impulsivité, il finira par tuer son demi-frère lorsqu’il le surprend en train d’embrasser sa femme. Dans cette pièce, la beauté de Mélisande aveugle Golaud au point de nourrir ses propres tourments et de le pousser à commettre des actes de violence et de cruauté.
Pelléas est le fils cadet de Geneviève et le petit-fils d’Arkël. Il partage une relation privilégiée avec son demi-frère, basée sur la confiance. En effet, on peut constater que Golaud s’adresse à lui pour annoncer à leur mère ainsi qu’à leur grand-père son union avec une femme d’origine inconnue. Toutefois, cette relation est mise à mal lorsque Golaud amène sa femme, Mélisande, au château familial. Progressivement, Pelléas tombe amoureux de la jeune femme. Cela commence par une attention protectrice, comme un frère à l’égard d’une sœur, mais très vite, Pelléas désire plus que cela. Golaud s’en aperçoit et n’hésite pas à lui demander de prendre ses distances. La raison du départ de Pelléas est d’ailleurs motivée par l’amour qu’il a pour Mélisande. Refusant de se laisser aller et de compromettre son amour fraternel, Pelléas décide de quitter le château pour voyager, d’autant plus que son père lui annonce, après sa guérison, qu’il ne vivra pas vieux. Avant de partir, Pelléas souhaite s’entretenir une dernière fois avec Mélisande et lui propose un rendez-vous secret à la fontaine des aveugles. Ils s’avoueront tous deux leur amour et s’embrasseront sans savoir que Golaud les observe. Pelléas finira par être assassiné par son demi-frère.
Arkël, roi d’Allemonde, est le grand-père de Pelléas et de Golaud. Cependant, il est évident que Geneviève n’est pas sa fille. On peut donc supposer que, comme Mélisande, la mère de Pelléas et de Golaud, a eu une liaison avec les deux fils d’Arkël. Malgré cela, Arkël est un personnage bienveillant qui ne s’oppose pas à la destinée de son petit-fils, considérant qu’il est libre de faire ses propres choix. Bien qu’il semble plutôt attentiste, Arkël possède une certaine forme de connaissance qui dépasse tant les spectateurs que les autres personnages de la scène.
Geneviève est la mère de Golaud et de Pelléas qu’elle a eu avec deux pères différents. Au moment où elle rassure Mélisande qui s’étonne de voir le royaume plongé dans une telle obscurité, on comprend qu’elle n’a pas toujours vécu ici. Ce qui signifie que Geneviève n’est pas la fille du roi Arkël. Étant donné que Golaud et Pelléas sont tous les deux les petits-fils d’Arkël, on peut supposer, par déduction, que leur mère a eu une aventure avec les deux fils du roi.
Yniold est le fils du prince Golaud qu’il a eu d’un précédent mariage. On ne connaît pas l’identité de la mère.
Analyse de l’oeuvre
Mystères et ambiguïtés
Dans Pelléas et Mélisande, Maurice Maeterlinck crée des personnages indéfinis et énigmatiques qui sont au cœur de la pièce. Mélisande est le personnage le plus mystérieux, mais il y a de nombreuses zones d’ombre au sein de l’intrigue. Par exemple, l’identité des pères de Golaud et de Pelléas n’est pas claire, bien que le père de ce dernier soit mourant et présent au château. Geneviève est un personnage effacé que l’on ne peut pas saisir facilement. On sait qu’elle n’est pas la fille du roi Arkël, mais on ignore d’où elle vient. Cependant, Pelléas et Golaud sont tous les deux les petits-fils d’Arkël, ce qui laisse supposer que ses amants étaient tous deux fils du roi. Par ailleurs, la mère d’Yniold n’est pas mentionnée une seule fois, ce qui ajoute une autre couche de mystère à la pièce.
Avec ces personnages, Maeterlinck explore la complexité des relations humaines et montre à quel point il est difficile de comprendre l’autre. En plus de ces personnages flous au passé mystérieux, les relations entre eux sont marquées par l’insinuation et l’ambiguïté. Maeterlinck fait le choix de ne pas expliciter les motivations des personnages, laissant au lecteur le soin d’interpréter leurs actions et leurs paroles.
Tous ces éléments contribuent à créer une atmosphère énigmatique et symbolique dans la pièce, qui permet de multiples interprétations.
Des décors symboliques
Ici, les décors, chargés de symbolisme, sont également sujets à interprétation. En effet, on constate que Golaud rencontre Mélisande dans la forêt. Les deux personnages sont perdus, tant physiquement que mentalement. Mélisande a fui l’endroit où elle habitait, prétend qu’on lui a fait du mal et ne cesse de pleurer. Golaud, quant à lui, doit épouser la princesse Ursule, comme le veut son grand-père. D’autre part, le château familial est plongé dans l’obscurité ce qui permet d’entretenir la part d’ombre des différents personnages. Les faibles clartés des lieux suggèrent que les personnages ne montrent que ce qu’ils veulent bien nous montrer.
Symbolique de l’eau, de la chevelure et de l’anneau
Parmi les motifs récurrents de l’œuvre, on trouve l’eau, la chevelure et l’anneau. L’eau est représentée par la mer, la fontaine et les larmes de Mélisande. Ce symbole offre l’opportunité aux personnes de se purifier comme le suggère la scène 1 de l’acte III où Mélisande verse de l’eau dans ses cheveux pour se purifier malgré les avertissements de Pelléas qui lui explique que l’eau est impure. Si l’eau peut purifier ou régénérer, elle est également source de danger. Mélisande n’hésite pas à prendre le risque, par bêtise, par innocence ou par pulsions suicidaires, de juger la profondeur de l’eau. Pelléas est présent pour éviter qu’elle ne se mette en danger. Du fait de sa chevelure fluide et ondulante comme la mer, symbole de féminité, le personnage de Mélisande incarne le symbole Yin. D’autant plus que sa chevelure symbolise également la séduction et la liberté, mais aussi la mort et la souffrance, toutes deux associées au Yin dans la culture chinoise. Si l’anneau représente l’amour et le mariage, il peut également symboliser l’emprisonnement, à l’instar de la couronne que Mélisande a laissé tomber dans l’eau au début de la pièce. La bague de noce connaît le même sort puisqu’elle tombe également dans la fontaine des aveugles alors qu’elle joue avec. Bien qu’anodin, ces deux passages peuvent être interprétés par Mélisande comme étant un moyen de se débarrasser de l’emprise qu’ont les personnages sur elle. En effet, le fait de jeter des choses dans l’eau est peut-être vu comme un rituel dans certaines cultures.