Publié en 1843, pour la première fois, Le Manteau de Gogol a été achevé en 1840. Partons à la découverte de cette nouvelle faisant partie du recueil Les Nouvelles de Pétersbourg.
Résumé détaillé de recueil Nouvelles de Pétersbourg – “Le Manteau” de Nicolas Gogol
La vie d’un copiste passionné à Saint-Pétersbourg
À Saint-Pétersbourg, un homme travaillait dans un ministère dont le narrateur choisit de taire le nom. Le jour de son baptême, sa mère avait refusé tous les noms qu’on lui avait donnés pour lui attribuer celui de son père : Akaki. Akaki Akakiévitch était conseiller titulaire. Personne ne savait vraiment quand il avait commencé cet emploi, mais le narrateur soutient qu’il était là depuis très longtemps. On faisait appel à lui pour copier des textes. Il acceptait sans broncher, subissant les moqueries de ses collègues. Certains prétendaient qu’il se faisait battre par sa logeuse, une vieille femme de soixante-dix ans, d’autres le raillaient en lui demandant quand est-ce qu’ils allaient se marier. Toutefois, Akaki était imperturbable. Il faisait convenablement son travail.
Un jour, un nouvel employé arriva. Ce jeune homme se mêla au groupe pour se moquer d’Akaki. Cependant, lorsqu’ils tentèrent de le déranger, Akaki leur demanda de le laisser tranquille dans son travail. Le jeune homme fut confus et décida d’arrêter. Il prit conscience que ses collègues de travail n’étaient pas vraiment des gens bien. Akaki, pour sa part, prenait plaisir à faire son travail. À l’époque, il eut l’opportunité de rédiger autre chose. Akaki s’acquitta de la tâche, mais voulut qu’on lui redonne des textes à copier. Il ne vivait que pour la copie et lorsqu’il était trop fatigué, il allait se coucher excité d’un nouveau lendemain où il pourrait copier des textes.
Un manteau à rafistoler
Quand le froid s’installa, Akaki se rendit compte que son manteau ne le protégeait plus suffisamment. Il décida de le faire réparer et se rendit chez Pétrovitch, un ancien serf devenu tailleur qui avait déjà rafistolé son manteau. Akaki hésita un instant en constatant que le tailleur était sobre. Il savait qu’il était plus facile de négocier avec lui lorsqu’il avait bu. Malgré tout, il présenta son manteau abîmé à Pétrovitch, qui l’examina attentivement avant d’annoncer que sa réparation était impossible. Il suggéra à Akaki de se procurer un nouveau manteau, pour un coût de deux cents roubles. Akaki tenta en vain de le faire changer d’avis, mais Pétrovitch resta sur sa position.
Akaki déambula dans les rues sans prêter attention au monde qui l’entourait. Perdu dans ses rêveries, il décida de retenter sa chance le dimanche suivant, espérant que Pétrovitch soit ivre. Le jour venu, il attendit que la femme de Pétrovitch sorte de chez lui. Cependant, lorsqu’il arriva chez le tailleur, celui-ci insista pour qu’il achète un manteau neuf. Comprenant que Pétrovitch ne rafistolera jamais son vieux manteau, il accepta de faire faire un nouveau manteau. Akaki pensa qu’il pourrait le faire pour quatre-vingts roubles. Ayant déjà économisé quarante roubles, il décida de faire attention à ses dépenses pour économiser la somme restante.
La nouvelle obsession d’Akaki
Au fil des jours, Akaki ne pensait plus qu’à son nouveau manteau, imaginant toutes les spécificités qu’il pourrait y ajouter. Il était tellement absorbé par ce nouveau bien qu’il fit des erreurs dans son travail. Heureusement, son directeur leur attribua une prime de soixante-cinq roubles, ce qui lui permit d’avoir la somme nécessaire plus rapidement. Avec Pétrovitch, ils choisirent le tissu et le tailleur se mit au travail.
Quinze jours plus tard, Akaki reçut son nouveau manteau. Lorsqu’il arriva à son bureau, ses collègues voulurent célébrer ce jour. Un fonctionnaire le tira de l’embarras et les convia à venir prendre le thé chez lui le soir même pour célébrer la naissance d’un de ses enfants. Akaki voulut décliner, mais on lui fit remarquer que ce serait mal vu. En rentrant chez lui, Akaki se laissa aller sur le canapé sans s’atteler à la copie. Il attendit l’heure et partit en direction de son supérieur. Dans les quartiers aisés de la ville, Akaki était émerveillé par tout ce qu’il voyait.
En arrivant chez le fonctionnaire, le manteau d’Akaki attira brièvement l’attention, mais très vite, tout le monde reprit ses habitudes. Il voulut partir, mais on le convia à rester pour manger. Après le repas, il décida de partir discrètement. Il trouva son manteau par terre et le ramassa.
La mésaventure d’Akaki
En rentrant à son domicile, Akaki se retrouva en face de trois hommes “à longue barbe” qui lui volèrent son manteau. Il reçut un coup de pied et s’évanouit. Quand il reprit ses esprits, il critiqua le soldat qui, bien qu’il ait vu la scène, n’avait rien fait. Celui-ci se défendit en précisant qu’il pensait qu’il était avec des amis. Il lui suggéra d’aller parler de son vol à l’inspecteur de police dès le lendemain. Lorsqu’il arriva chez lui, sa logeuse lui conseilla d’aller voir le commissaire du quartier. Le lendemain, Akaki s’y rendit, mais celui-ci ne fut pas disponible avant l’après-midi. Lorsqu’Akaki lui présenta les faits, il s’interrogea sur les raisons qui l’avaient amené à circuler dans les rues aussi tard. Akaki sortit du bureau sans savoir s’ils allaient mener l’enquête. Il retourna chez lui sans se présenter au bureau. Le lendemain, il se présenta au travail avec son vieux manteau. Certains de ses collègues se moquèrent de sa mésaventure quand d’autres furent émus. L’un d’entre eux lui expliqua que c’était peine perdue de solliciter l’inspecteur de police. Il lui suggéra de faire appel à un personnage haut placé.
La fin tragique d’Akaki
Akaki tomba sur un directeur général, influent et très orgueilleux, qui le critiqua pour son excès de familiarité à son égard. C’était la première fois qu’Akaki recevait des remontrances. Abasourdi, il présenta ses excuses, quitta les lieux et se retrouva dehors en plein orage. Il rentra jusqu’à chez lui sans chercher à trouver un abri. Il finit par se glisser dans son lit avec un gros mal de gorge. Le lendemain, il eut une fièvre violente. Le médecin annonça qu’il ne lui restait que deux jours à vivre. Akaki fut enterré dans l’indifférence totale. Ses collègues apprirent sa mort lorsque le directeur alla le quérir chez lui étant donné qu’il ne s’était pas présenté au bureau depuis quatre jours. Il est remplacé aussitôt. Le directeur général qui s’était montré désagréable envers Akaki, éprouva des remords.
Cependant, l’histoire ne s’arrêta pas là. Akaki se mit à voler les manteaux des passants pour se venger. Il finit même par voler le manteau du directeur général (le personnage considérable) qui ne lui avait pas apporté son aide.
Présentation des personnages
Akaki Akakiévitch est un modeste fonctionnaire qui exerce le métier de copiste de documents officiels. D’ailleurs, son métier peut faire référence à son nom dans la mesure où, en prenant le nom de son père, il nous apparaît comme une simple copie dupliquée dans ce monde.
Étant d’une nature timide et introvertie, il mène une existence solitaire. Son travail, bien qu’apparemment peu stimulant, lui procure un immense plaisir et il n’éprouve aucun intérêt pour toutes les autres distractions. Son métier ne nécessite aucune initiative et créativité, ce qui convient tout à fait à ce personnage discret qui mène une vie banale, presque similaire à celle d’un moine. D’ailleurs, le nom Akaki fait référence à la version slave d’Acace, un saint du VIe siècle dont le nom signifie “doux, humble, innocent, sans méchanceté“. Akaki est sujet à des manies et à des obsessions, notamment son amour pour l’écriture et son nouveau manteau. Ses collègues de travail ne le comprennent pas et se moquent souvent de lui. Lorsqu’il obtient son manteau neuf, il se sent différent et le considère comme un ami, au point de lui chuchoter lorsqu’il part à son bureau. Le vol de son manteau est donc vécu comme une véritable tragédie par Akaki. Il se sent à nouveau isolé sans aucune aide. Sa santé se détériore et il meurt dans l’indifférence générale. Cependant, grâce à sa nouvelle condition de fantôme, il a l’opportunité de se venger personnellement en attaquant les personnes riches et influentes qui l’ont ignoré toute sa vie.
Pétrovitch est un ancien serf qui est devenu tailleur. Il a un physique disgracieux, avec un œil manquant, un visage grêlé et un gros orteil déformé. Il a un penchant pour l’alcool et a tendance à baisser ses prix quand il est ivre. Cependant, quand il est sobre, il devient dur en affaires, pratique des tarifs exorbitants et est inflexible. Sa femme est irritée par son ivresse et cela cause de nombreuses disputes dans leur couple. Lorsqu’Akaki lui rend visite, Pétrovitch prend plaisir à proposer les tarifs pour son nouveau manteau. Finalement, n’étant pas habitué à en confectionner de nouveaux, il consentira à lui proposer un tarif plus avantageux et considérera sa création comme un véritable “chef-d’œuvre.”
Le “personnage considérable” est un bureaucrate russe nouvellement promu à un poste qui est totalement imbu de lui-même. Suffisant et orgueilleux, il manque de respect aux personnes qui lui sont inférieures dans la hiérarchie, réservant ses bonnes manières aux personnes de son grade. Il ne réussit à obtenir du respect et de l’autorité qu’en inspirant la peur à ses subalternes. En un sens, on peut rapprocher ce personnage de celui d’Akaki dans la mesure où ce directeur général, du fait de sa fonction, se retrouve isolé des autres. Bien qu’il apparaisse comme un personnage odieux lorsque Akaki vient lui demander son aide, il éprouve des remords et regrette ses choix lorsqu’il apprend sa mort.
Le commissaire du quartier joue un rôle secondaire. La logeuse d’Akaki le présente comme un personnage droit à qui Akaki peut présenter ses problèmes. Néanmoins, ce personnage incarne tous les défauts de la bureaucratie russe. Lorsqu’Akaki se présente aux premières heures dans son bureau, le commissaire est encore en train de dormir, ce qui souligne toute la paresse du personnage. D’autre part, il se montre complètement indifférent aux malheurs d’Akaki, ce qui montre à quel point ce personnage méprise le peuple.
La logeuse d’Akaki est une septuagénaire qui se montre disponible et présente pour lui. Lorsqu’Akaki a besoin de faire des économies pour se payer un nouveau manteau, il utilise son appartement pour profiter du feu. Elle apparaît pour lui conseiller de contacter le commissaire du quartier plutôt que l’inspecteur de police.
Les trois hommes “à la longue barbe” sont présents dans l’histoire pour déposséder Akaki de son manteau. Indirectement, ils sont liés à sa mort puisqu’ils vont le priver de son “nouveau compagnon”.
Outre ces personnages, Le Manteau fait intervenir d’autres personnages moins importants comme le soldat, le commissaire de quartier, le médecin.
Analyse de l’oeuvre
Une critique acerbe de la société russe
Dans la nouvelle Le Manteau, l’histoire se situe dans l’univers bureaucratique russe, caractérisé par une structure hiérarchique stricte et des employés obsédés par la montée sociale. Akaki, le personnage principal, est un conseiller sans ambition, ce qui le distingue de ses collègues. Les interactions entre les fonctionnaires reposent fréquemment sur la domination et la subordination.
La société représentée dans le récit est inégalitaire, séparée entre les riches et les démunis. Cette séparation est visible tant géographiquement, dans les habitations, qu’à travers le traitement des individus selon leur statut social. Les personnes pauvres, comme Akaki, subissent régulièrement humiliation et dédain. Le climat rigoureux de Saint-Pétersbourg touche tout le monde, mais affecte davantage les pauvres en raison de leur difficulté à obtenir des vêtements chauds adéquats. Akaki finit par succomber au froid.
Gogol dénonce cette société figée, inhumaine et gangrenée par l’argent, où les moins fortunés sont marginalisés et souffrent de l’indifférence et du mépris des classes aisées.
La symbolique du manteau
Ce manteau est bien plus qu’un simple vêtement pour Akaki ; il est au cœur de l’histoire. L’auteur russe a inséré de nombreuses pages dédiées à la confection de ce manteau neuf, en détaillant les matériaux choisis, qu’ils soient réels ou imaginaires. Avant même qu’il souhaite le confectionner, le manteau est déjà convoité. Le tailleur Pétrovitch joue le rôle de tentateur en décrivant sa splendeur future. Ainsi, il amène Akaki à se projeter pour susciter le désir. Lorsqu’il le met pour la première fois, Akaki ressent une grande satisfaction. Ce manteau symbolise la transformation d’Akaki. Akaki possède désormais un bien luxueux qui mérite d’être célébré. Parallèlement, il voit opérer un changement psychologique. En effet, il acquiert plus d’assurance et se sent devenir une autre personne. Lorsqu’il rentre chez lui la première fois qu’il l’a porté au bureau, il ne s’en sépare pas et il ne pense pas à vouloir copier quoi que ce soit. On peut imaginer que ce manteau lui ouvre les champs des possibles. D’autant plus que ce vêtement le sort de son isolement. En effet, il s’adresse à lui comme à un ami.
Sa condition de fantôme dans laquelle il vole les manteaux d’autrui peut être interprétée comme une volonté de retrouver les plaisirs et les désirs que ce bien lui a fait ressentir.