Le Petit Chaperon bleu marine se veut être la suite du conte Le Petit Chaperon Rouge. Écrit en 1977 par Philippe Dumas, un auteur français, en collaboration avec Boris Moissard, explorons ce conte qui fait partie du recueil Contes à l’envers.
Résumé détaillé de Contes à l’envers – “Le Petit Chaperon bleu” marine de Philippe Dumas
Lorette, la petite fille du chaperon rouge
Lorette est la petite fille du chaperon rouge. Cette dernière, après avoir connu ses mésaventures, a continué sa vie. Elle s’est mariée et a donné naissance à une fille, Françoise. Le chaperon rouge a pour habitude de raconter ce qui lui est arrivé en donnant des détails qui n’apparaissent pas dans les livres. Toutefois, aujourd’hui, l’histoire traite du petit chaperon bleu marine, Lorette, que l’on appelle comme ça en l’honneur de sa grand-mère mais également pour son duffle-coat.
Le défi lancé au loup
Un jour, Françoise, la mère de Lorette, demande à sa fille d’aller apporter des pelotes de laine pour sa grand-mère qui habite dans le treizième arrondissement de Paris. Lorette prend le bus mais rate la sortie. Elle descend à la station Jardin-des-Plantes. Lorette est jalouse du succès de l’histoire de sa grand-mère. Elle aimerait tellement vivre une aventure aussi exaltante. Dans le Jardin-des-plantes, elle décide de se rendre dans la cage aux loups. Elle s’entretient avec l’animal qui est le descendant du loup de l’histoire du petit chaperon rouge. Elle tente de l’amadouer mais celui-ci n’a pas trop envie de sortir de sa cage. Toutefois, par ennui, il accepte le défi du petit chaperon bleu marine : celui de vérifier lequel des deux arrivera en premier chez la grand-mère du petit chaperon bleu marine. Le loup s’élance et, bientôt, Lorette ne le voit plus.
Le quiproquo
En arrivant chez sa grand-mère, Lorette est persuadée que le loup a mangé sa grand-mère et qu’il s’est déguisé afin de la duper. Lorette entre dans son jeu mais voyant que le “loup” veut simplement regarder la télévision sans la dévorer, Lorette s’énerve et tente de le ramener au Jardin-des-Plantes. En réalité, il s’agit bel et bien de la grand-mère de Lorette. Sans le savoir, Lorette enferme sa grand-mère dans l’enclos et appelle les gardiens pour les alerter que le loup a dévoré sa grand-mère. Néanmoins, les gardiens s’aperçoivent que le loup a disparu et ils retrouvent la grand-mère de Lorette dans l’enclos.
Personne ne comprend ce qu’il s’est passé dans la tête de la jeune fille. Lorette a droit à des remontrances. Elle fait la une des journaux, ce qui l’enchante étant donné qu’elle voulait devenir célèbre.
Où est passé le loup ?
Par la suite, les gens sont inquiets. Tous se demandent où le loup est passé. Ils n’ont aucune raison d’avoir peur étant donné que le loup est bien loin. Plutôt que d’aller chez la grand-mère de Lorette, le loup, ne souhaitant pas connaître le même son que son aïeul, a décidé de s’enfuir le plus loin possible de la civilisation. Il fuit jusqu’aux steppes de Sibérie où il devient conteur auprès de ses congénères où on l’invite dans les salons mondains. Il explique à son espèce qu’ils doivent absolument fuir les petites filles françaises. Cela nous permet de comprendre pourquoi on ne trouve plus de loups dans les forêts. Toutefois, le récit avertit qu’il faut plus craindre les hommes que les animaux car ils peuvent se montrer “plus dangereux que des loups”.
Présentation des personnages
Lorette, le petit chaperon bleu marine, est la fille de Françoise, qui est elle-même la fille du célèbre Petit Chaperon Rouge. Elle est ainsi appelée en raison de la couleur de son duffle-coat, mais également pour rendre hommage à sa grand-mère. Jalouse de la renommée de cette dernière, Lorette est prête à tout pour obtenir son quart d’heure de gloire, même si cela implique de défier le loup du Jardin-des-Plantes, au risque que celui-ci dévore sa grand-mère. En cherchant à obtenir la renommée, Lorette est prête à sacrifier un membre de sa famille. Au-delà de l’aspect égoïste de ce personnage, Lorette symbolise la nouvelle génération qui cherche à supplanter la précédente. Avec Lorette, Dumas met en lumière les dérives auxquelles certaines personnes sont prêtes à se livrer pour devenir célèbres.
Le loup du Jardin-des-Plantes est le descendant du loup de l’histoire originelle et compte parmi ses ancêtres le loup qui a fait “des misères à l’agneau” dans la fable de La Fontaine. Lorsque Lorette vient le voir, on constate que ce loup n’a pas le même tempérament que son ancêtre. Il est moins porté sur l’aventure et la chasse, trouvant satisfaction dans les ressources que lui offre le Jardin-des-Plantes. Il n’a pas vraiment de raison de partir. Cependant, l’ennui le pousse à accepter le défi de Lorette. Du moins, c’est ce qu’il laisse croire. En réalité, le loup n’a pas du tout l’intention de dévorer la grand-mère de Lorette. Il a retenu la leçon de ses ancêtres et souhaite prendre une autre voie. Dès que Lorette lui ouvre la porte, il saisit l’occasion de s’enfuir le plus loin possible pour rejoindre ses congénères. Contrairement à l’ancien loup, celui-ci fait preuve de sagesse. Il est bien plus rusé que son ancêtre. À la fin, le loup obtient tout ce que Lorette désirait : la renommée et l’admiration de ses semblables. C’est également lui qui avertit ses frères des dangers des “petites filles françaises”, ce qui contribue à la disparition des loups en France.
La grand-mère de Lorette est célèbre pour avoir été le Petit Chaperon Rouge. Lorsqu’elle était jeune, elle a vécu une aventure qui a fait sa renommée. En allant porter de la nourriture à sa grand-mère malade, elle a croisé un loup sur son chemin. Le loup, après avoir demandé où elle se rendait, l’a trompée en la persuadant d’emprunter un chemin plus long. Pendant ce temps, le loup est allé dévorer la grand-mère du Petit Chaperon Rouge et s’est ensuite déguisé en elle. Lorsque le Petit Chaperon Rouge est arrivé, il l’a dévorée. Toutefois, dans certaines versions de l’histoire, un chasseur sauve la grand-mère et le Petit Chaperon Rouge en tuant le loup, offrant ainsi une fin heureuse. Étant donné que la grand-mère de Lorette est toujours présente dans l’histoire, nous pouvons supposer que Le Petit Chaperon Bleu Marine est une suite d’une version du Petit Chaperon rouge où la fin est heureuse.
Françoise est la fille du petit chaperon rouge qui, dans ce conte, est au second plan. Toutefois, en envoyant sa fille, Lorette, amener des pelotes de laine à sa grand-mère dans le XIIIe arrondissement de Paris, elle crée le contexte de l’histoire. Elle n’apparaît que pour donner les consignes à sa fille pour se rendre à la maison de sa grand-mère.
Analyse de l’oeuvre
Dans son conte Le Petit Chaperon Bleu Marine, Dumas nous propose une suite possible au Petit Chaperon Rouge en nous présentant une histoire qui met en scène les descendants des personnages originaux : Lorette, la petite-fille du Chaperon Rouge, et le loup, descendant du loup qui a attaqué le Petit Chaperon Rouge. Dumas profite également de l’occasion pour faire un clin d’œil à Jean de La Fontaine en précisant que son loup descend d’un loup qui faisait “des misères à l’agneau“. Toutefois, un détail prête à sourire : ce loup est “l’arrière-petit-neveu de celui qui, dans le conte de Perrault, mange la grand-mère et prend sa place au lit“. Ceux qui connaissent l’histoire savent que cela ne peut être exact. Si le loup en question était celui du conte de Perrault, le Petit Chaperon Rouge n’aurait jamais pu avoir d’enfants. En effet, elle est mangée par le loup. Le conte de Perrault est une des versions qui contient une fin tragique. Par ailleurs, cette histoire, qui relève du genre comique en raison de l’absurdité de l’action de Lorette et des quiproquos entre la grand-mère et sa petite fille, apporte deux morales distinctes qui incitent à une réflexion plus profonde. La première met en garde contre le simple fait de répéter aveuglément les actions du passé sans tenir compte des résultats, comme le font les personnages qui ont déjà été attaqués par le loup. La deuxième morale souligne que les hommes sont plus à craindre que les animaux, car le loup, bien que dangereux, ne trompe pas le Petit Chaperon Bleu Marine, contrairement à l’homme qui tente de le séduire et de le tromper.
La première morale
Le Petit Chaperon Bleu Marine est un conte dans lequel une jeune fille égoïste et jalouse de la renommée de sa grand-mère décide d’accomplir des actions pour devenir célèbre. Ce qui est frappant dans cette histoire, c’est que Lorette mesure les risques, mais elle n’en a que faire. “Évidemment, elle était un peu embêtée pour sa grand-mère, qui allait être mangée ; mais quoi ! se disait-elle chemin faisant, on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs“. La seule chose qui importe à Lorette, c’est de pouvoir devenir célèbre. Si pour arriver à cet objectif, elle doit sacrifier sa grand-mère, ce n’est pas bien grave. Ce conte illustre clairement la rupture qu’il y a, dans nos sociétés occidentales, entre les nouvelles générations et les générations précédentes. Ces dernières sont peu, voire pas du tout, écoutées, à la différence des sociétés orientales ou africaines. En effet, une des expressions les plus populaires en Afrique est le proverbe “Lorsqu’un vieux meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle“, attribué à Amadou Hampâté Bâ, un écrivain malien qui l’a popularisé lors d’une conférence de l’UNESCO en 1960. Ce proverbe illustre que, dans certaines sociétés, les anciennes générations sont encore écoutées.Cependant, dans le conte Le Petit Chaperon Bleu Marine, Lorette ne tire aucune leçon de ce qui est arrivé à sa grand-mère. Elle ne voit en cela qu’un moyen de faire exactement la même chose, sans réfléchir aux conséquences éventuelles.
En outre, cette première morale souligne un fait beaucoup plus inquiétant : nous ne savons jamais réellement ce qui se passe dans la tête des gens. Suite aux actes de Lorette, l’incompréhension est totale. Comment une fille “si sage et si obéissante, premier prix de conduite à l’école” a-t-elle pu penser et réaliser “une action pareille“? Cette gentille petite fille révèle une part obscure de sa personnalité. Cela rappelle les nombreux faits divers où des individus, jusqu’alors considérés comme gentils et sans histoires, commettent les pires cruautés. Peut-être que, tout comme le Petit Chaperon Bleu Marine, tout se passe bien jusqu’à ce que leurs désirs les plus intimes deviennent si puissants qu’ils n’ont plus d’autres choix que de passer à l’acte.
La deuxième morale
De nombreuses expressions soulignent la dangerosité de l’homme envers lui-même et ses semblables, telles que “L’enfer, c’est les autres” de Sartre et “L’homme est un loup pour l’homme” de Hobbes. Ces expressions peuvent compléter la morale donnée par Dumas à la fin de son conte : “Car certains hommes sont plus dangereux que des loups.” Les loups ont historiquement été considérés comme une menace pour les hommes et ont été chassés et exterminés dans le monde entier. Cependant, bien que les attaques de loups envers les hommes soient relativement rares en France, les loups représentaient une menace pour les animaux domestiques, qui étaient alors une forme de richesse pour les familles et les villages. En général, les loups craignent les humains et ont tendance à les éviter.
D’ailleurs, dans ce conte de Dumas, la réelle menace est bien orchestrée par l’homme. En effet, Lorette est bien celle qui tente de séduire le loup pour arriver à ses fins. “Pssst !… Bonjour, loup ! C’est moi, le Petit Chaperon bleu marine. Devine où je vais de ce pas. […] Je vais chez ma grand-mère, lui porter ce paquet que tu vois dans mon panier. Et qu’est-ce qu’il y a dans ce paquet ? Ce ne sont pas des pelotes de laine comme le dit ma maman ; mais une douzaine de petits pots de beurre, figure-toi !”. À la différence du Petit Chaperon Rouge, innocent, qui se fait aborder par le loup, ici Lorette n’a pas froid aux yeux. C’est elle qui prend les initiatives et elle tente clairement d’amadouer le loup. Cependant, ce dernier n’en a rien à faire : “À bon, et alors ? […] qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? Tout ce que je demande, c’est qu’on me laisse dormir et qu’il soit bientôt cinq heures, pour qu’on me remplisse mon écuelle”.
D’autre part, dans Le Petit Chaperon bleu marine, c’est sciemment que Lorette donne l’adresse de sa grand-mère au loup. Contrairement au Petit Chaperon rouge qui était insouciant et ne comprenait pas la portée de ses actes, ici, Lorette a très bien conscience de ce qu’elle est en train de faire et cela ne l’arrête pas. Pire encore, elle se trouve des excuses : “Évidemment, elle était un peu embêtée pour sa grand-mère, qui allait être mangée ; mais quoi ! se disait-elle chemin faisant, on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs”. À travers un personnage légèrement dérangé, Dumas illustre les pensées de Hobbes selon lesquelles “l’homme est un loup pour l’homme“. Tout en montrant la culpabilité de Lorette dans cette affaire, il met en évidence, grâce à l’anthropomorphisme d’un loup plus intelligent qui a décidé de fuir pour avoir une meilleure vie, d’une part, mais aussi pour avertir ses congénères du danger que représentent “ces petites filles françaises“. Implicitement, “ces petites filles françaises” ne désignent pas seulement les enfants, mais également tous les hommes.
Dans cette seconde morale, Dumas s’impose comme un défenseur des animaux en affirmant que les hommes sont plus destructeurs envers leurs semblables que les animaux. En effet, les statistiques montrent qu’il y a 1 chance sur 1,6 million de mourir à la suite d’une attaque d’un animal sauvage dans le monde. L’espèce la plus dangereuse pour l’homme est en réalité le moustique, non pas à cause de ses attaques, mais à cause des maladies qu’il véhicule. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies transmises par les moustiques tuent environ 725 000 personnes dans le monde chaque année.
En revanche, les êtres humains sont responsables de nombreuses guerres dans l’histoire. Selon les données du projet de recherche sur les conflits armés (Uppsala Conflict Data Program), environ 100 000 personnes sont mortes dans des conflits armés dans le monde en 2019. La première et deuxième guerre mondiale à elles seules ont causé la mort de 87 millions d’hommes. Ainsi, on ne peut que se ranger du côté de Dumas lorsqu’il affirme que les humains peuvent se montrer “plus dangereux que des loups“.
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