Résumé détaillé de Le Banquet de Platon
À la demande d’autres disciples, Apollodore, un disciple de Socrate, raconte les propos sur l’amour échangés à l’occasion d’un banquet en l’honneur du prix remporté par Agathon pour sa première pièce. N’étant pas présent lors de ce banquet, il précise qu’il va leur répéter ce qu’Aristodème, l’un des convives, lui a raconté.
Aristodème est tombé sur Socrate qui sortait du bain. Il s’était apprêté, ce qui n’était pas habituel chez lui. Socrate apprend à Aristodème qu’Agathon l’a convié pour souper chez Agathon et, qu’ayant déjà refusé la veille, il a consenti à y aller aujourd’hui. Socrate propose à Aristodème de l’accompagner. Ce dernier accepte. Durant le chemin, Socrate est complètement absorbé par ses pensées. Aristodème le distance, mais Socrate lui fait signe de ne pas l’attendre. Quand Aristodème arrive enfin chez Agathon, ce dernier le salue, mais est surpris de le voir arriver sans Socrate. Apprenant qu’il était derrière Aristodème, Agathon envoie un esclave pour chercher Socrate. Il lui apprend que celui-ci est resté sous la porte de la maison voisine, mais qu’il n’a pas souhaité venir. Aristodème explique que ce genre de comportements arrive assez souvent avec Socrate. Il le rassure en lui disant qu’il finira bien par venir.
Tout le monde commence à souper et Agathon commence à s’impatienter lorsque Socrate arrive enfin dans la pièce. Désirant jouir de la sagesse de Socrate, Agathon l’invite à venir s’asseoir près de lui.
Après avoir fait les libations et chanté un hymne en l’honneur de Dionysos, les convives se mettent à boire, mais, ayant bu avec excès la veille, tous s’accordent à boire avec modération. Eryximaque, le médecin, conclut alors que chacun est à même de boire comme il lui plaît et comme tout le monde peut faire ce qu’il lui plaît, il propose qu’on renvoie la joueuse de flûte afin qu’elle puisse se plaire à ne jouer que pour elle.
Puis Eryximaque se joint à la réflexion de Phèdre selon laquelle tous les poètes, tous les philosophes honorent différents dieux et/ou demi-dieux, mais qu’aucun n’ait jamais réalisé d’éloge à l’amour. Les convives invitent Phèdre à être le premier à louer l’amour.
Le discours de Phèdre
L’amour est le dieu le plus ancien qui peut exister étant donné qu’on ne lui connaît aucun parent. Hésiode, l’un des premiers poètes grecs, l’Amour serait né après le Chaos et la Terre. Pour Phèdre, l’amour est le dieu qui fait le plus de bien aux hommes. C’est grâce à lui que l’homme est capable de bien se conduire. Ainsi, si les armées étaient composées d’amants et d’aimés, elles seraient invincibles, car il n’y a rien de plus honteux que de se faire surprendre à faire le mal par les personnes que l’on aime.
La mythologie regorge de récits qui illustrent la toute-puissance de l’amour. Phèdre en cite trois :
- Alceste qui, en acceptant de mourir à la place de son époux, s’est vu ressusciter par les dieux ;
- Orphée qui, en descendant aux enfers en tant que vivant, n’a eu droit de voir sa femme qu’à l’état fantomatique. N’ayant pas eu le cran de se donner la mort au nom de son amour pour sa femme, les dieux ne lui ont pas permit qu’il retrouve sa femme. Il a fini par mourir par la main des femmes ;
- Achille a vengé Patrocles tout en sachant qu’il allait mourir ce qui lui permit d’accéder dans les îles des bienheureux (champs-élysées).
Ainsi, pour Phèdre, celui qui aime est encore plus divin que celui qui est aimé, car il possède le dieu.
Le discours de Pausanias : les deux amours
Pausanias pense que Phèdre a eu tort de prétendre qu’il n’y avait qu’un seul Amour. Pour lui, il existe deux amours, soit deux Vénus :
- Vénus Uranie est la plus ancienne. Elle est la fille du Ciel et elle n’a pas de mère (amour céleste). Les hommes, ayant plus de vigueur et d’intelligence que les femmes, sont les seuls qui soient aimés dans ce type d’amour. Les jeunes garçons sont aimés lorsqu’ils commencent à être intelligents (“quand la barbe est venue”). L’âme est préférée au corps.
- Vénus Populaire est la plus récente, c’est la fille de Jupiter et de Dionée (amour populaire). C’est le fait d’aimer les femmes, les hommes et les jeunes garçons. Le corps est plus aimé que l’esprit.
Pour Pausanias, nous ne pouvons pas louer l’amour dans toute sa globalité, car comme toute action, l’activité amoureuse peut être belle ou laide. Ainsi, il convient de faire l’éloge de l’activité amoureuse uniquement lorsque celle-ci est belle.
La diversité des jugements que l’on retrouve en fonction des états (Sparte, Thèbes, en Ionie, à Athènes) vient du fait qu’ils aient mal distingué l’amour populaire et l’amour céleste.
Ne pouvant pas prononcer son discours à cause de son hoquet, Aristophane cède sa place à Eryximaque.
Le discours d’Eryximaque
Eryximaque approuve la distinction des deux amours apportés par Pausanias, mais pour ce médecin, cela ne réside pas que dans l’âme des hommes, mais dans tous les êtres. Il utilise son art, la médecine, pour illustrer ses propos.
Le médecin doit assurer et préserver la santé de ses patients et contrarier la maladie établissant alors un équilibre entre ce qui est sain et ce qui est malade.
En musique, il y a ceux qui suivent la Muse Uranie pour rejoindre un amour céleste et ceux qui se laissent aller à la Muse Pantomime jouissant d’un amour populaire où règne le plaisir sans succès.
Les deux amours doivent s’équilibrer. Ce n’est que lorsqu’un de ces deux amours l’emporte sur l’autre que surviennent les maux.
L’amour, étant fondé sur la mesure et la justice, apporte l’entente et le bonheur à tous les êtres (dieux, hommes et nature).
Le discours d’Aristophane
Le hoquet d’Aristophane ayant cessé, il se met à faire son discours. Pour lui, les hommes ne connaissent pas la puissance de l’amour, car s’ils la connaissaient, ils lui “élèveraient des temples”.
À l’époque, les hommes ne ressemblaient pas à ce qu’ils sont aujourd’hui. En effet, c’étaient des êtres composés de :
- deux hommes qui participaient au soleil ;
- deux femmes qui participaient à la terre ;
- un homme et une femme (les androgynes) qui participaient à lune.
Dotées d’une force extraordinaire, ces créatures orgueilleuses se sont mises à vouloir défier les dieux. S’il voulut les anéantir comme il l’avait fait jadis avec les Géants, Zeus se ravisa et se mit à les couper en deux avec l’aide d’Apollon. Il les recousit ensuite au niveau du nombril. Ce dernier serait donc la preuve de cette union qui réunissait les deux êtres.
Pour que les hommes puissent se reproduire, Zeus a eu l’idée ingénieuse de leur placer les organes génitaux. Depuis, l’objectif de l’homme est de rechercher sa moitié complémentaire. C’est pour cette raison que l’amour existe sous les trois formes possibles : homme – homme, femme – femme, homme – femme. En permettant de rétablir l’unité, l’amour est une parfaite expression de la piété. L’amour permet également de réparer la faute primitive : celle d’avoir voulu s’insurger contre les dieux.
Le discours d’Agathon
Pour Agathon, les discours précédents n’ont fait que féliciter les hommes pour les bienfaits qu’ils doivent à l’amour. Il ne voit donc, dans aucun des autres discours, un quelconque éloge du dieu de l’Amour. Avant de faire l’éloge des bienfaits de l’amour, Agathon compte préciser la nature de l’Amour.
Contrairement à Phèdre qui estime que l’amour est l’un des plus anciens dieux, Agathon estime qu’il est en réalité l’un des dieux les plus récents. En effet, à l’origine des temps, ce n’était pas l’amour qui régnait, mais la discorde.
En se trouvant dans les âmes, l’amour est le dieu le plus délicat et en s’harmonisant avec toutes les âmes, l’amour est également le dieu le plus souple.
L’amour dispose de nombreuses qualités : il est juste, il est tempérant et il est courageux. En effet, selon les traditions, il a triomphé d’Arès. C’est d’ailleurs grâce à l’amour que les hommes réalisent leurs plus belles créations poétiques. À la fin du discours, les convives applaudissent le discours d’Agathon. Socrate quant à lui s’émerveille ironiquement sur l’esthétique des phrases et du vocabulaire.
Le discours de Diotime rapporté par Socrate
Pour Diotime, ce qu’on n’a pas et ce qu’on possède sont clairement différent de ce qu’on est dépourvus. Ainsi une personne qui n’est pas savante ne signifie pas qu’elle est ignorante. Le savoir et l’ignorance ont pour intermédiaire l’opinion droite. De même que l’amour est un intermédiaire entre les mortels et les dieux. Ces êtres intermédiaires, Diotime les qualifie de “démons”.
Ainsi, Diotime narre l’histoire d’Amour. Pendant que les dieux étaient occupés à fêter la naissance d’Aphrodite, Pénia, la déesse de la pauvreté, a profité de l’ivresse de Poros, le dieu de l’expédient, de l’opulence ou de la richesse intellectuelle. Elle donna naissance à Amour, le compagnon d’Aphrodite. Amour dispose de certains traits de sa mère (sa pauvreté, sa rudesse et sa malpropreté) et de certains traits de son père (son habileté et sa vaillance). Amour est donc ni pauvre, ni riche.
En philosophie, les dieux ainsi que les sages ne recherchent pas la sagesse (sophia) car ils la possèdent. Les ignorants, en étant dépourvus, ne la recherchent pas non plus. Les personnes qui recherchent la sagesse, les philo-sophes, sont des intermédiaires entre les sages et les ignorants. En étant ni complètement riche et ni complètement pauvre, Amour est donc à l’image du philosophe. Pour ne pas se tromper sur la nature de l’amour, il convient de ne pas confondre celui qui aime avec ce qu’il aime.
Vouloir aimer les choses belles et bonnes, c’est chercher à les faire sienne afin de connaître le bonheur. Le sens du terme Amour doit s’étendre à la création dans tous les domaines (physiques et spirituels).
Ici-bas, les mortels s’unissent avec un autre mortel qu’ils trouvent suffisamment beau pour avoir envie d’enfanter dans la beauté. Pour Diotime, c’est le désir de prolonger leur existence. Ce n’est pas valable que chez l’homme. En effet, la perpétuation de l’espèce s’effectue chez tous les êtres vivants. C’est un moyen de renouveler le corps, l’esprit, les “actions méritoires”.
Selon Diotime, le but ultime de l’Amour est de s’élever de l’amour d’un beau corps à l’amour de tous les beaux corps. Étant donné que la beauté de l’âme surpasse la beauté du corps, il est indispensable de mettre à profit tous les moyens nécessaires afin que nous puissions jouir d’une belle âme (connaissance, sagesse).
Le Passage d’Alcibiade
Vexé qu’Agathon ne l’ait pas invité, Alcibiade, complètement ivre, force l’entrée pour rejoindre le banquet. Eryximaque apprend que les différents convives ont réalisé un éloge de l’amour. C’est donc à Alcibiade d’en proposer un à son tour. S’il décide de décliner l’invitation, car étant ivre, il ne peut pas rivaliser avec les propos de gens sobres, il finit cependant par accepter de réaliser un éloge : celui de Socrate.
Afin de mieux comprendre la personnalité de Socrate en tant que séducteur, Alcibiade choisit de la comparer au satyre Marsyas ainsi qu’aux Silènes.
Là où les satyre Marsyas utilisaient la flûte pour séduire, Socrate n’a besoin que de parole pour charmer ses auditeurs. Cet excellent orateur n’utilise aucun artifice de l’éloquence pour susciter des émotions. Alcibiade confie qu’il est le seul à avoir réussi à le troubler au point qu’il se sent à présent honteux lorsqu’il recherche les faveurs de la foule.
Alcibiade présente les Silènes comme étant doté d’une apparence bouffonne toutefois, à l’intérieur existe des figures divines. À l’instar de Socrate qui use de propos qui apparaissent léger, mais qui, selon Alcibiade, ont un sens divin.
Alcibiade confie avoir tendu de nombreux pièges amoureux à Socrate, mais pour lui, ce serait un marché de dupes s’il acceptait d’échanger sa beauté spirituelle contre une beauté corporelle éphémère. Alcibiade porte donc à la fois de la rancœur et de l’admiration pour son maître.
Socrate est un homme incomparable qui a dupé ceux qu’il a séduits ; il est l’aimé et non pas l’amant.
L’épilogue
Tout le monde rit des propos d’Alcibiade. Socrate feint de croire que cet éloge n’avait que pour seul but de semer la zizanie entre lui et Agathon. Les convives se mettent à boire sans retenue. Certains invités s’en vont, dont Phèdre et Eryximaque.
Agathon, Aristophane et Aristote discutent tous les trois jusqu’au petit matin. Ce dernier explique que les bons dramaturges sont ceux qui sont à la fois capables d’écrire de la comédie et des tragédies. Aristophane et Agathon s’écroulent de sommeil pendant que Socrate reprend ses habitudes comme une journée habituelle.
Présentation des personnages
Socrate est un philosophe grec qui est considéré comme le père de la philosophie morale. Il est accompagné d’Aristodème, son disciple.
Agathon est le disciple de Gorgias, un autre philosophe. Ce poète couronné organise un grand banquet à l’occasion du premier prix pour sa tragédie.
Pausanias est l’amant d’Agathon. Son discours sur l’amour est un éloge de la pédérastie ainsi que de l’homosexualité. Bien qu’il ait une réputation d’homme grossier, il sait faire preuve de raffinement lors de son discours.
Aristophane est un poète comique à succès qui, selon Platon, aurait été un des premiers délateurs de Socrate.
Eryximaque est un médecin comme son père Acoumène. Cet homme érudit est celui qui initie le tour d’éloge à l’Amour.
Aristodème est le disciple de Socrate et c’est lui qui racontera l’histoire du banquet à Apollodore.
Phèdre est un jeune athénien riche et brillant.
Alcibiade n’a pas été invité par Agathon. Il décide de rentrer de force en étant complètement ivre et il se met à faire l’éloge de Socrate.
Analyse de l’œuvre
Dans Le Banquet, Platon, un auteur grec de l’antiquité, utilise le dialogue de ses différents personnages afin de développer un discours sur l’amour, la beauté et le monde des idées (le monde intelligible). L’idée pour Platon est d’apporter au lecteur différents points de vue afin de définir ce qu’est ou n’est pas l’amour. Tantôt très réaliste (Agathon), tantôt très poétique (Aristophane). L’idée est de pouvoir suggérer toutes les hypothèses, d’explorer toutes les voies pour définir l’amour et en réaliser un éloge. Toutefois, le but de Platon ne s’arrête pas là. En effet, en faisant intervenir Socrate parmi les derniers convives à parler, il se permet d’initier le lecteur à la pensée Domitienne.
Par ailleurs, Socrate étant le père de la philosophie morale, Platon utilise, en quelque sorte, un argument d’autorité, en la présence de Socrate, afin que cette définition et cette vision soit considérée comme celle reflétant le mieux la réalité. Tout le Banquet ne sert qu’un seul objectif : nourrir les idées de Socrate dans ce dernier passage. Bien que l’éloge de Socrate par Alcibiade puisse faire sourire, les nombreuses qualités qu’il attribue à son “maître” suffisent aux lecteurs pour adhérer à ses propos. D’autant plus que comme le dit si justement une expression : “C’est toujours le dernier qui a parlé qui a raison”.