Considéré comme l’un des témoignages les plus bouleversants sur les camps, dans Si c’est un homme, Primo Levi narre sa survie au camp de Buna-Monowitz dans lequel l’auteur italien du 20ème siècle a été détenu de février 1944 au 27 janvier 1945.
Résumé détaillé de Si c’est un homme de Primo Levi
Chapitre 1 – Le Voyage
Primo Levi nous parle des conditions de son enfermement au camp de Fossoli, au nord de l’Italie, près de Modène, ainsi que de sa déportation.
Déclarant sa “race juive”, même s’il prend le risque d’être exécuté en raison de son statut de résistant, il est déporté le 22 février 1944 avec d’autres prisonniers.
L’auteur nous narre son long voyage d’une durée de 5 jours. 650 hommes, femmes et enfants sont entassés dans une douzaine de wagons. Primo Levi est dans un petit wagon avec 45 autres personnes. Lorsqu’ils arrivent à proximité d’Auschwitz, les SS divisent le groupe de 650 prisonniers en deux. 96 hommes et 29 femmes, dont Primo Levi, sont jugés valides et considérés comme étant prêts à “travailler utilement pour le Reich”. Ils sont alors envoyés vers les camps de Buna-Monowitz et de Birkenau. Les autres, soit 525 enfants, vieillards, hommes et femmes jugés invalides, sont déportés. Ils sont tués dans les deux jours.
Chapitre 2 – Le fond
Primo est au camp de Buna-Monowitz. Il nous raconte comment ils sont dépouillés de leurs biens, rasés et enfin “désinfectés”. On leur passe alors des vêtements rayés et on les tatoue. Si au départ, ils ne savent pas vraiment à quoi riment tous ces préparatifs, ils s’en rendent vite compte ! On les prépare à une vie de dur labeur rythmée par des actions comme “sortir et rentrer, dormir et manger, tomber malade, guérir ou mourir”.
Primo Levi nous livre ainsi les premiers détails de sa vie au camp. Il nous décrit les différents blocks, leurs utilités, leur taille. Il nous parle de toutes les interdictions relatives au camp, des conditions de survie comme couper ses ongles de main avec les dents.
Il nous explique aussi les astuces de survie, comme calculer la meilleure place dans la queue selon la contenance des différents récipients ou faire attention à ne pas se faire voler ses affaires et ses avoirs.
Il évoque également les sévices de la faim, les personnes qui disparaissent. Peu à peu, c’est leur humanité qui disparaît dans ce camp.
Chapitre 3 – Initiation
Primo Levi poursuit la description de ses conditions de vie dans le camp. On l’affecte au Block 30. Il y fait l’expérience des réveils aux aurores par la cloche du réveil, des courses vers les lavabos et les latrines, des distributions de pain et des disputes où les créanciers de la veille réclament leur dû. Dans la douche, la description de Häftling “affligé d’un nez crochu” fait écho à toute l’absurdité des pensées nazies.
Dans ce chapitre, l’hygiène est un thème important. Primo Levi explique qu’il ne voit plus l’intérêt de perdre son énergie à se laver. En effet, s’il ne se lave pas, il ne s’en portera pas mieux, il ne plaira pas davantage et cela ne lui allongera pas sa durée de vie. Toutefois, il fera l’économie d’une énergie qu’il pourrait utiliser à bon escient ailleurs. Un ancien sergent austro-hongrois lui explique que s’il se lave tous les jours, c’est avant tout pour espérer préserver sa propre humanité.
Chapitre 4 – K.B.
Suite à un accident, alors qu’il portait des planches avec Null Achtzehn, Primo Levi est envoyé au KB, l’abréviation de Krankenbau, l’infirmerie.
Il y décrit les différents passages auprès des médecins pour vérifier qui est condamné et qui est apte à guérir. Une sélection qui permet de ne garder que ceux qui pourront reprendre le travail. Les autres, jugés inutiles, sont déportés ailleurs.
Le passage au KB est décrit par Primo Levi comme un moment de repos. Un instant de répit où les blessés prennent le temps de savourer leur ration de pain. Primo Levi explique qu’il y a retrouvé un sommeil profond. C’est également un piège, car l’esprit étant moins occupé, les personnes au KB ont tout le temps de repenser à leur vie d’avant et s’inquiètent du sort que leur réserve l’avenir. Toutefois, dans ce maigre confort, certains usent de stratagèmes pour y rester le plus longtemps possible, c’est le cas de Piero Sonnino. Les deux voisins de couchette de Primo Levi, Walter Bonn et Schmulek, lui en apprennent un peu plus sur les fours crématoires. Au sein du KB, il y a également une sélection. Vers la fin du chapitre, Schmulek est sélectionné pour être déporté. Il laisse à Primo sa cuillère et son couteau.
Chapitre 5 – Nos nuits
Primo Levi est de retour au travail après avoir passé vingt jours au KB. Il est affecté au Block 45 avec son ami Alberto, qui a 22 ans. Ce dernier jouit d’une excellente réputation au sein du Block. Il a su s’adapter au Lager. Pour autant, Primo et lui n’arrivent pas à se rejoindre pour dormir l’un à côté de l’autre. Primo parle alors des longues soirées d’hiver, qu’il préfère aux nuits d’été, car ils peuvent dormir plus longtemps. Il évoque également ces rêves similaires que font de nombreux prisonniers, dont Primo et Alberto. Il explique l’épreuve humiliante de devoir uriner dans un seau, la soupe du soir qui, après avoir à peine rassasié leur faim, se met à enfler leurs reins.
Il nous parle de la corvée de la vidange du seau, couvert d’urine, dans les latrines.
Pour finir, il nous conte ce fameux “Wstawaé” qui les sort de leurs réveils pour les appeler au travail.
Chapitre 6 – Le travail
Primo Levi voit son partenaire de lit s’en aller au KB. Il est remplacé par Resnyk, un Polonais d’une trentaine d’années.
L’auteur évoque leurs conditions de travail, décrivant ce quotidien répétitif où ils doivent porter des traverses métalliques. Celles-ci étant trop lourdes pour le corps fragile de Primo, Resnyk, en meilleure condition physique, l’aide. Il mentionne ses stratagèmes, tels que s’occuper en premier des traverses les plus légères ou demander la permission d’aller aux latrines. Ces dernières, étant éloignées du lieu de travail, lui permettent de gagner un peu de temps et de répit. Il décrit également cette soupe trop liquide servie à midi et la courte sieste rapidement interrompue par le Kapo.
Chapitre 7 – Une bonne journée
Au sein du camp, certaines journées sont moins éprouvantes que d’autres. Primo décrit la joie des prisonniers quand ils s’aperçoivent que le printemps pointe le bout de son nez. Ils sont heureux, car ces rayons de soleil annoncent progressivement la fin de l’hiver.
L’auteur évoque également une anecdote où Templer, le responsable du Kommando, a réussi à récupérer 50 litres de soupe abandonnée. Ce surplus de nourriture leur a permis, pendant au moins quelques heures, de penser aux personnes qui leur sont chères.
Chapitre 8 – En deçà du bien et du mal
Le début du chapitre est marqué par la livraison du linge qui tarde à venir. Si certains rêvent que c’est sans doute dû à une percée des Alliés et donc à une libération proche, d’autres, plus pessimistes, pensent que le camp va sûrement être “nettoyé”.
Avec l’arrivée du linge, Primo relate l’empressement de certains à vouloir troquer leur chemise contre des rations de pain ou du tabac avant que le prix de leurs chemises ne soit dévalué par les nouvelles qui arrivent. Primo décrit alors le fonctionnement de la bourse du camp qui s’appuie sur les vols. Il insiste sur son absurdité et sur la notion de bien et de mal inexistante.
Chapitre 9 – Les élus et les damnés
Primo compare l’organisation du Lager à un “champ d’expérimentation” permettant d’étudier les comportements de l’homme qui lutte pour sa survie. Il y distingue deux types de personnes, les damnés et les élus. Si les premiers font ce qu’on leur dit de faire et ont perdu toute notion d’humanité et d’identité, les seconds usent d’intelligence et de stratagèmes. Les premiers se laissent aller vers la mort, les seconds font tout pour survivre. Primo nous décrit longuement deux élus en évoquant Elias et Henri.
Chapitre 10 – Examen de chimie
Le Kommando 98 est créé pour composer une équipe spécialisée dans les produits chimiques. Le Kapo n’est pas un chimiste, mais un “triangle vert”, un criminel nommé Alex qui ne connaît absolument pas la chimie. L’examen de Primo Levi se déroule devant le Doktor Pannwitz qui vérifie ses connaissances. Pour la première fois, Primo se sent regardé et écouté de manière différente. Après l’examen, Alex, qui a les mains couvertes de cambouis, en profite pour les essuyer sur les vêtements de Primo.
Chapitre 11 – Le chant d’Ulysse
Accepté au sein du Kommando 98, Primo Levi nous parle de sa relation avec Jean Samuel, dit le Pikolo, un jeune Alsacien. Ce dernier, malgré son échelon plus élevé, reste quand même proche des prisonniers moins bien lotis que lui. Primo tente d’apprendre à Jean quelques mots en italien. Dans ce chapitre, Primo évoque quelques passages en italien de La Divine Comédie de Dante. Il considère alors le chant d’Ulysse comme un message porteur d’espoir pour l’humanité.
Chapitre 12 – Les événements de l’été
Cela fait cinq mois que Primo est arrivé au Lager. L’été arrive avec des rumeurs concernant un possible débarquement en Normandie. Bien que certaines personnes puissent s’en réjouir, d’autres savent que la France est trop éloignée de l’endroit où ils sont prisonniers. Ils perdent tout espoir de liberté. Les conditions d’emprisonnement deviennent plus difficiles lorsque des bombardements éclatent sur les baraques du Lager. À cette même période, Primo fait la connaissance d’un ouvrier civil italien, Lorenzo. Ce dernier s’attache à réaliser de petits services pour Primo, et ce, gratuitement. Il explique que c’est surtout grâce à Lorenzo qu’il n’a pas perdu foi et qu’il n’a jamais oublié qu’il était un homme avant tout !
Chapitre 13 – Octobre 1944
L’hiver revient avec les premières neiges. Primo sait que l’hiver au camp entraîne des morts et surtout la fameuse “Selekcja”, la sélection où les personnes les moins valides sont déportées vers les fours crématoires. Si certains sont plus optimistes et espèrent que les damnés seront envoyés au camp de Birkenau, d’autres, plus réalistes, savent ce qu’il va advenir des déportés. Primo échappe à la sélection, sans doute grâce à l’inversion de sa fiche avec celle de René, un homme si jeune et si robuste. À moins que ce ne soit à cause de ses lunettes…
Chapitre 14 – Kraus
Les journées se répètent au camp. On est en novembre et il pleut. Primo dresse le portrait d’un jeune Hongrois, Kraus Pali, qui a énormément de mal à s’adapter au fonctionnement du Lager. Pour lui redonner un peu d’espoir, Primo lui raconte un rêve qu’il a imaginé, dans lequel Kraus reçoit l’hospitalité dans une résidence de Naples.
Chapitre 15 – “Die drei Leute Vom Labor”
L’hiver est bien présent sur le Lager. Si les attaques aériennes sont moins fréquentes, la neige s’est installée sur les bâtiments en ruine. Beaucoup de prisonniers se disent que cet hiver pourrait avoir raison d’eux. Ils voient en cette saison leur dernière bataille. Primo Levi, affecté au laboratoire, jouit de la chaleur des locaux. On lui donne également une chemise et un caleçon neufs. Il pense à les voler pour les troquer au Lager. Cependant, il s’y résigne. Ici, il y a du savon, de l’essence et de l’alcool. Il sait qu’il sera préservé de la faim et du froid. Il se sent chanceux et sait qu’il est envié.
Au laboratoire, Primo Levi travaille avec trois femmes allemandes, une Polonaise et une secrétaire. Il se sent sale, dégradé devant ces créatures superbes. Il se souvient de sa vie d’avant.
Chapitre 16 – Le dernier
Noël est proche. Alberto et Primo se sont acclimatés tant bien que mal. Ils améliorent leur quotidien en vendant des services ici et là. Ils assistent à la mise à mort d’un homme. Celui-ci, ayant tenté une mutinerie à Birkenau, est pendu devant les yeux des autres prisonniers. Face à ce spectacle atroce, Primo établit un triste constat : les nazis ont fait d’eux des hommes qui ont perdu toute humanité.
Chapitre 17 – Histoire de dix jours
Primo Levi, atteint de la scarlatine, retourne au KB au début du mois de janvier. Quelques jours après, face à la progression des troupes soviétiques qui pourraient arriver d’un instant à l’autre, tous les prisonniers, soit 20 000 personnes, y compris Alberto, sont envoyés vers les chambres à gaz pour être rapidement exterminés. Étant restés au KB, les malades s’organisent. Aidé par Charles et Arthur, deux jeunes Français arrivés au camp il y a peu de temps, Primo tente de maintenir la vie au sein du KB.
Le récit se termine sur une lueur d’espoir où les prisonniers retrouvent progressivement leur humanité.
Présentation des personnages
Le personnage principal
Primo Levi est le narrateur de cette histoire. Il se décrit comme étant faible et maladroit. Étant chimiste de métier, il n’est pas habitué aux travaux manuels et personne ne souhaite travailler avec lui. Il est donc souvent en binôme avec Null Achtzehn.
Les personnages qui aident Primo Levi à survivre
- Steinlauf, un ancien sergent austro-hongrois, fait comprendre à Primo que l’hygiène leur permet de rester dignes dans cette “usine à déshumaniser”.
- Chajim partage la couchette de Levi lorsqu’ils sont tous deux à l’infirmerie (KB). C’est un Juif polonais pratiquant, horloger de profession, qui travaille dans la mécanique de précision au sein du Lager.
- Alberto est âgé de 22 ans. C’est le meilleur ami de Primo Levi. Il a su s’adapter au fonctionnement du Lager sans peur ni crainte. Il comprend le polonais et l’allemand et parle un peu le français. Primo le décrit comme l’ami de tous. Lors de l’évacuation du camp, il disparaît dans la “marche de la mort”.
- Jean Samuel, dit le Pikolo, est un prisonnier chargé des écritures. Il a un échelon plus élevé que Primo, mais reste très proche de lui. Lorsqu’il demande à Primo s’il veut bien l’accompagner pour récupérer la marmite, Primo se met à lui réciter les souvenirs qu’il a du Chant d’Ulysse de la Divine Comédie de Dante. Ce message porteur d’espoir résonnera en Primo.
- Lorenzo est un ouvrier civil qui travaille à la Buna. Il rend gratuitement des services à Primo. C’est grâce à cet ouvrier que Primo n’oublie pas qu’il est avant tout un homme.
- Charles et Arthur sont deux Français qui sont arrivés au camp peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Grâce à leur soutien, Primo devient le leader au sein du KB délaissé par les Allemands. Ils redeviennent progressivement des hommes à part entière.
Les personnages qui sont contre Primo
- Les SS sont peu nombreux au sein du camp. Ils délèguent leurs tâches aux Kapos.
- Les “Triangles verts” sont les prisonniers de droit commun. Ils peuvent prétendre être Kapo et imposent leurs règles sur le camp où ils règnent en maîtres.
- Alfred L incarne l’égoïsme. Cet homme, intelligent et discipliné, souhaite devenir un “Prominent” et réalise tout ce qui peut l’amener à voir son projet se réaliser, quitte à faire des actions immorales.
- Henri partage la même pensée qu’Alfred L. Il n’est pas digne de confiance et peut instrumentaliser toutes les personnes qu’il croise.
Ceux qui ont perdu toute trace d’humanité
- Elias Lindzin, bien qu’inadapté à la vie en dehors du camp, se mêle parfaitement bien dans le monde du Lager. Il “prospère et triomphe”. Cet homme a été créé par le camp.
- Null Achtzehn représente la victime absolue. C’est l’un des plus jeunes du camp. Il en a perdu son humanité, ne se souvient plus de son nom et ne vit que pour obéir aveuglément aux ordres. Indifférent à tout ce qu’il voit, il est comparable à un vivant déjà mort.
Analyse de l’oeuvre
Quand la lutte pour la survie fait perdre toute humanité
Dans cette œuvre, Primo Levi ne souhaite pas seulement retranscrire des faits historiques, mais se souvenir de ce qu’a pu être sa vie au sein du camp.
À travers son récit, on se rend vite compte que la mémoire est le premier signe d’humanité que les prisonniers perdent progressivement. En effet, dans la lutte pour leur survie, ils ne pensent qu’à trouver des astuces et des stratégies pour échapper à une mort certaine. Les souvenirs ne reviennent à la surface que lors des moments où ils ont pu améliorer leur condition d’emprisonnement, comme le soulignent les chapitres 7 et 15.
Quand la littérature vient en aide aux prisonniers
En inventant un rêve pour Kraus au chapitre 14, on se rend compte que la littérature peut être une partenaire idéale pour faire passer un message et garder le peu d’humanité qu’il leur reste.
Dans l’œuvre de Primo Levi, on peut distinguer deux catégories de références culturelles et littéraires.
La Mythologie Grecque
Arrivés au camp, la soif est à son paroxysme. Les robinets qu’ils ont ne délivrent pas d’eau potable. Les prisonniers comparent l’enfer dans lequel ils sont installés à celui que Tantale décrivait. À cela, nous pouvons ajouter “le rêve de Tantale” évoqué par Primo Levi dans le chapitre 6 lorsqu’il parle de leur déportation. L’examen de Primo avec le Doktor Pannwitz est comparé à la confrontation entre Oedipe et le Sphinx. De plus, Primo fait référence au chant d’Ulysse de la Divine Comédie de Dante. Ce fameux héros de l’Illiade et de l’Odyssée qui, après avoir provoqué la colère de Poséidon, a mis dix ans à rentrer sur son île et à retrouver Pénélope, sa femme. Un voyage dans lequel il rencontre de nombreuses mésaventures et au cours duquel il perd de nombreux alliés. Cette référence fait écho au calvaire vécu par Primo Levi au Lager.
La Bible
Dès l’introduction, Primo Levi nous fait entrer dans le calvaire qu’il a vécu à travers un poème, comparable à une prière hébraïque. Ce poème fait écho au Deutéronome, le cinquième livre de l’Ancien Testament. Dans cet ouvrage, l’auteur compare la Tour de Babel au Lager. Un endroit cosmopolite où tant de langues se mélangent qu’il devient extrêmement difficile de se faire comprendre.