Comment le Léopard acquit ses taches est un conte étiologique dans lequel Rudyard Kipling tente d’expliquer de façon imaginaire les raisons qui font que le Léopard a eu des tâches. Ce conte tout comme les onze autres récits du recueil Histoires comme ça, s’adresse à sa fille aînée, Joséphine, “Mieux Aimé”, qui est décédée à la suite d’une pneumonie. Partons à la découverte de ce conte symbolique du XXème siècle d’un auteur britannique.
Résumé détaillé du Recueil Histoires comme ça – “Comment le Léopard acquit ses taches” de Rudyard Kipling
Chassé sans être vu
Le récit se déroule à une époque où les léopards à la robe “gris-jaune-brun” vivaient dans le haut-Veld, une région géographique très chaude. Grâce à la couleur de leur pelage, ils se fondaient facilement dans le paysage et chassaient avec l’Éthiopien, un autre habitant des hauts-Velds également de couleur “gris-jaune-brun“. Les autres proies, telles que la Girafe et le Zèbre, avaient une couleur de pelage différente, “jaune-brun-roux“, ce qui les rendait plus facilement repérables pour les chasseurs, sans qu’elles ne remarquent leurs prédateurs.
Fatiguée de cette vie, la Girafe décida de fuir la région et de galoper jusqu’à une grande forêt. Toutes les autres proies la suivirent, et ils purent enfin jouir d’une vie paisible, loin des prédateurs. Avec le temps, ils développèrent des signes distinctifs pour mieux se fondre dans le paysage : la Girafe développa des tâches, tandis que le Zèbre eut des rayures. Ils purent ainsi se détendre sans craindre d’être attaqués à tout moment.
Où sont passées les proies ?
Dans le Haut-Veld, l’Éthiopien et le Léopard furent surpris de ne trouver aucune trace d’animaux. Ils se demandaient où ils avaient pu disparaître. Ayant faim, ils se mirent à se nourrir de scarabées, de lapins des rochers et de rats, mais très vite, ils eurent mal au ventre. C’est alors qu’ils rencontrèrent Baviaan, un Babouin sage qui leur expliqua où les animaux avaient fui. Toutefois, il leur fit comprendre qu’il était grand temps pour eux de se transformer.
L’Éthiopien et le Léopard se rendirent dans la forêt qui n’avait rien à voir avec le Haut-Veld. L’endroit était parsemé d’ombres et de lumière, et bien qu’ils puissent sentir la présence de la Girafe et du Zèbre, ils n’arrivaient pas à les distinguer. De plus, en raison de leur couleur “gris-jaune-brun”, ils étaient facilement repérables par les autres animaux. Cette expérience fut déconcertante pour ces deux personnages qui, jusqu’à présent, avaient toujours réussi à repérer leurs proies sans être vus.
Durant la nuit, ils décidèrent d’attraper chacun une proie. L’Éthiopien saisit la Girafe et le Léopard, le Zèbre. Ils décidèrent de les maintenir jusqu’au lever du soleil. Toutefois, lorsque la lumière du jour apparut, ils furent incapables de reconnaître leurs proies. Ces dernières étaient fières de leur montrer à quel point elles pouvaient maintenant se fondre dans le décor grâce à leurs nouvelles caractéristiques distinctives : les tâches pour la Girafe et les rayures pour le Zèbre.
L’importance de s’adapter
En se souvenant des paroles de Baviaan, l’Éthiopien comprit que le temps était venu de changer. Il décida de se recouvrir d’une jolie peau de couleur noire-brune pour se fondre dans la forêt. Le Léopard, quant à lui, ne voulut pas se transformer tout de suite. Cependant, il comprit que, comme tout le monde, il devait se transformer pour survivre. Finalement, il accepta que l’Éthiopien lui applique des tâches sombres sur son pelage avec le noir qu’il lui restait.
Ainsi, avec leur nouvelle apparence, l’Éthiopien et le Léopard devinrent invisibles dans la forêt et se remirent à chasser leurs proies habituelles.
Présentation des personnages
Le Léopard est décrit comme un animal de couleur exclusivement “jaune-brun-roux”, avec une forme de chat gris-jaune qui se confond parfaitement avec le paysage du Haut-Veld où il vit. C’est un chasseur féroce et rusé, qui utilise le paysage à son avantage pour mieux attraper ses proies (girafe, zèbre, éland, coudou, gruit ou damalisque). En tant que prédateur, il symbolise la force et la puissance. Il est assez intelligent pour s’être lié à l’homme (L’Éthiopien) pour qu’ils puissent chasser ensemble. Toutefois, lorsque les temps changent, il devient réticent à l’idée de se transformer. Le léopard incarne les personnes qui, même si elles se rendent compte que le monde change autour d’elles, ne souhaitent pas changer. Il souligne l’importance de s’adapter pour survivre dans un environnement en mouvement perpétuel.
La girafe est décrite comme un animal élégant et paisible de couleur “jaune-brun-roux” qui se déplace avec grâce. Cet animal emblématique de la savane africaine fait face à une menace constante représentée par les chasseurs (Le Léopard et L’Ethiopien). Vigilante, elle apprend à éviter les dangers et finit par prendre la décision de quitter son environnement pour fuir les chasseurs. Elle s’impose comme un personnage précurseur, qui n’a pas peur de quitter sa zone de confort pour jouir de nouveaux avantages. Elle incarne la capacité d’adaptation et indique aux animaux comment ils peuvent s’adapter à leur nouvel environnement (la forêt) pour développer de nouvelles stratégies de camouflage. Ce n’est sûrement pas anodin si Kipling a choisi ce personnage pour incarner la capacité d’adaptation. En effet, en disposant d’un long cou, la girafe est souvent associée à l’élévation. D’autre part, dans certaines cultures africaines, cet animal est considéré comme un animal sacré.
Le zèbre, tout comme la girafe, vit dans le Haut-Veld où il est constamment chassé par l’Éthiopien et le Léopard. Dans ce récit, le zèbre incarne le suiveur qui, conseillé par la girafe, accepte de se fondre dans la masse de son nouvel environnement, la forêt. Ainsi, il utilise ses rayures noires et pourpres pour passer inaperçu. Dans ce conte, le zèbre adopte une attitude plus passive que la girafe.
L’Éthiopien est le seul homme présent dans cette histoire. En raison de sa couleur gris-brun-roux, il se fond dans les Hauts-Velds comme le léopard. Il repère les animaux sans être vu afin de les chasser en compagnie du léopard. Contrairement au léopard qui utilise ses crocs et ses griffes, l’Éthiopien dispose d’un arc et de flèches. Lorsqu’il arrive dans la forêt, il prend conscience qu’il doit se transformer s’il veut survivre. Il décide donc de changer la couleur de sa peau. À l’instar de la girafe, l’Éthiopien symbolise la capacité d’adaptation. Cependant, il est assez curieux qu’en tant qu’être humain, il n’ait pas réussi à penser à s’adapter par lui-même. En effet, il a eu besoin d’un “guide” symbolisé par Baavian.
Baviaan est un “babouin aboyeur à tête de chien” qui représente l’animal le plus sage d’Afrique. Il connaît l’emplacement des proies et partage ces informations avec L’Ethiopien et le Léopard. Cependant, il leur fait clairement comprendre qu’il est temps de changer. Baviaan incarne le changement, la nouvelle ère, et suggère aux personnages qu’il est grand temps pour eux de se transformer pour survivre dans ce nouveau monde.
L’Éland, le Coudou et le Bubale n’ont qu’un rôle secondaire dans cette histoire. Étant des animaux africains, leur présence permet de rappeler aux lecteurs la zone géographique dans laquelle le récit se déroule.
Analyse de l’oeuvre
Le Schéma narratif
Étape | Événement | Lieu |
---|---|---|
Situation initiale | Le Léopard vit sur le Haut-Veld avec d’autres animaux. Il s’est allié à L’Éthiopien et tous les deux utilisent leur couleur de peau/pelage pour se fondre dans la masse et chasser les animaux. Ils repèrent les animaux sans être vus. | Haut-Veld |
Élément déclencheur | La Girafe décide de quitter le Haut-Veld pour fuir les chasseurs (le Léopard et L’Ethiopien. Elle est suivie par tous les animaux. | Haut-Veld |
Péripétie | Les animaux se réfugient dans une forêt et adoptent des caractères distinctifs propres pour mieux se camoufler dans ce nouvel environnement. | Forêt |
Péripétie 2 | Le Léopard et l’Éthiopien ont faim et cherchent à chasser. Ne trouvant pas les animaux, ils se rabattent sur les proies qu’il reste : scarabés, lapins des rochers, rats mais finissent par avoir mal au ventre. | Haut-Veld |
Péripétie 3 | Baviaan, le babouin leur apprend où sont les animaux, mais leur suggère qu’il est grand temps de changer. | Haut-Veld |
Péripétie 4 | Le Léopard et l’Éthiopien ne parviennent pas à attraper les animaux camouflés dans la forêt. | Forêt |
Péripétie 5 / Retournement | Les animaux expliquent au Léopard et à l’Éthiopien comment se camoufler. | Forêt |
Dénouement / Résolution | Le Léopard et l’Éthiopien changent de couleur pour chasser efficacement. | Forêt |
Situation finale | Le Léopard et l’Éthiopien se remettent à chasser pour le plus grand désespoir des animaux. | Forêt |
Les thématiques abordées dans ce conte
La Chasse
Dans ce conte, Kipling souligne la chance en montrant deux espèces : L’Éthiopien et le Léopard qui coexistent dans un même environnement naturel et unissent leur force pour chasser. Cette coexistence est même maintenue lorsque la nourriture se fait rare. Fait surprenant étant donné que L’Éthiopien, tout comme le Léopard, pourrait choisir de s’entretuer pour jouir de la chair de l’autre. Toutefois, nous sommes dans un conte pour enfants. “Mieux Aimée” est le surnom de la fille aînée de l’auteur, Joséphine, qui est morte en 1899, à l’âge de six ans à la suite d’une pneumonie.
D’autre part, Kipling fait référence au fait qu’à travers la chasse, le Léopard et L’Éthiopien unissent des liens forts qui font qu’ils se protègent mutuellement. Dans ce conte, l’auteur montre que certaines espèces sont plus adaptées à la chasse dans leur environnement que d’autres, ce qui leur donne un avantage dans la recherche de nourriture. Ici, le Léopard et L’Éthiopien peuvent repérer sans être vu quand ils sont dans le Haut-Veld toutefois, dans la forêt, ils sont obligés de se transformer afin de s’adapter à ce nouvel environnement.
La Capacité d’adaptation
Kipling fait intervenir deux guides dans son histoire. Baviaa, le Babouin à tête de chien, aide Le Léopard et L’Éthiopien à comprendre que le temps est venu de se transformer. “La Faune aborigène a rejoint la Flore aborigène, car il était grand temps pour elle de changer ; et je te conseille à toi aussi, Éthiopien, de changer le plus tôt possible.“. Si Le Léopard et L’Éthiopien ne comprennent pas de suite la portée de ces mots, ils finissent par saisir leur importance quand ils se rendent compte que dans ce nouvel environnement qu’est la forêt, ils sont obligés de se transformer s’ils veulent continuer à chasser pour se nourrir. La girafe représente également un guide même si le narrateur ne la peint pas comme un animal sage, tout comme il le fait avec le babouin. Pour autant, la girafe est celle qui prend le risque de sortir de sa zone de confort. Dans ce nouvel environnement, c’est également elle qui initie les différents animaux à utiliser tous les éléments de la forêt, ainsi que leurs nouveaux caractères distinctifs pour se camoufler.
Dans ce conte, Kipling montre donc comment certains animaux peuvent changer leur apparence physique pour mieux s’adapter à leur environnement, en changeant de couleur ou en développant des caractères distinctifs. Ainsi, les animaux, qu’ils soient prédateurs ou proie, se fondent dans l’environnement afin de se camoufler.
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