Littérature

Samuel Beckett, Oh les beaux jours : résumé, personnages et analyse

Ecrit par Les Résumés

Happy Days est une pièce de théâtre créée à New York le 17 septembre 1961. Beckett a également créé une version française de la pièce intitulée Oh les beaux jours qui a été jouée à Paris au “Théâtre de l’Odéon” en 1963 avec Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud dans les rôles principaux. Depuis lors, la pièce a été reprise dans diverses mises en scène et avec différents acteurs, y compris Catherine Frot en 2012. Étudions cette œuvre de cet auteur irlandais.

Résumé détaillé acte par acte de Oh les beaux jours de Samuel Beckett

ACTE 1

Le réveil retentit, et Winnie, une quinquagénaire coquette, débute sa routine en murmurant des phrases positives. Elle prie, se lave minutieusement, prend son ombrelle, réveille Willie, un sexagénaire, puis avale son antidépresseur. Pendant que Winnie se maquille, Willie lit le journal à haute voix, ce qui évoque des souvenirs flous chez Winnie.

Winnie souligne l’importance de Willie pour combler sa solitude et occuper ses journées. Paniquée lorsqu’elle constate qu’elle n’est pas coiffée, elle se rassure en se disant qu’elle a du temps. Fatigué, Willie lui dit de dormir. Winnie est ravie que Willie lui parle. Il se cache du soleil à sa demande, pendant qu’elle lui parle. Winnie lui demande s’il compte partir, mais il ne lui répond pas. Willie commente une fourmi qui porte une boule blanche, elle dit qu’il s’agit d’un “œuf“, il ajoute le terme “formication” et ils rient ensemble. Cependant, Winnie se demande s’ils riaient pour la même raison.

Voyant l’heure tardive, Winnie hésite à chanter, mais elle craint que chanter trop tôt pourrait gâcher sa journée. En fouillant son sac, elle découvre un revolver et évoque les anciennes pulsions suicidaires de Willie, qui lui demandait de garder l’arme hors de portée. Winnie décide de garder le revolver près d’elle.

Winnie ressent une étrange sensation d’ascension constante. Willie est perplexe face à cette description. Lorsque Winnie tente de manier un parasol enflammé, elle finit par le jeter pour éteindre l’incendie. Elle observe alors que les choses s’évanouissent graduellement, y compris les mots, qui perdent leur signification. Elle craint d’oublier certaines parties de son corps, comme ses seins, si elles étaient dissimulées. Elle note que le jour suivant, le parasol sera de nouveau fonctionnel. Cette détresse s’estompe lorsqu’elle fait jouer une valse de La Veuve joyeuse de Franz Lehár sur une boîte à musique. Willie fredonne la mélodie sans paroles, provoquant un bref moment de bonheur pour Winnie, qui s’achève lorsque Willie refuse de chanter à nouveau.

Alors que la journée touche à sa fin, Winnie interroge Willie sur la nature d’un “porc“, seule chose dont il semble se souvenir. Sa réponse la satisfait. Willie lit de nouveau les mêmes informations qu’il avait lues le matin même. Puis, Winnie s’adresse à elle-même : elle hésite à chanter ou à prier. Finalement, elle ne fait ni l’un ni l’autre.

ACTE 2

Le jour suivant, Winnie se retrouve ensevelie jusqu’au cou, avec le revolver reposant sur le monticule de terre. Elle ouvre les yeux au son d’une cloche qui retentit – ce son reviendra régulièrement pendant l’acte-. Ne recevant aucune réponse de Willie, elle pense qu’il est décédé. L’idée d’une disparition lente la préoccupe. Elle interroge et provoque Willie sans succès. Puis elle entame le récit d’une fillette déshabillant sa poupée, mais s’interrompt, faute d’attention de Willie. Prise de panique, elle s’inquiète pour lui, elle estime qu’il est coincé dans son trou. Elle imagine l’histoire d’un certain Cooker et de sa femme qui se chamaillent puis finissent par se séparer. Elle conclut l’histoire de la fillette, qui lâche sa poupée lorsqu’une souris grimpe sur sa jambe. La famille de la fillette s’en va. Winnie soutient qu’ils étaient impuissants face à la situation, étant donné qu’il était trop tard.

Finalement, Willie se sort de son trou. Winnie est enchantée et se remémore leur journée de fiançailles. Alors qu’il essaie de monter sur le monticule à quatre pattes, Willie trébuche en murmurant “Win”, provoquant l’euphorie de Winnie. Elle entonne la mélodie de la boîte à musique. Les yeux fermés, elle entend la cloche et les rouvre. Elle offre un sourire à Willie, qui la contemple, puis cesse de sourire. Un long échange de regards s’ensuit.

Présentation des personnages

Winnie est une femme d’une cinquantaine d’années, avec une apparence soignée malgré sa situation. Son apparence physique n’est pas décrite en détail, mais, bien qu’elle soit prise au piège dans un monticule de terre, elle semble conserver une certaine dignité. Malgré sa situation absurde et désespérée, ce personnage reste optimiste et résilient. Elle garde le sourire et essaie de rester positive en se raccrochant à des petits rituels quotidiens, comme se coiffer, se maquiller, ou vérifier le contenu de son sac à main. Elle parle constamment et soliloque, souvent pour combler le vide de son existence et se rassurer elle-même. Winnie est mariée à Willie, qui est l’autre personnage principal de la pièce. Leur relation est complexe et souvent teintée d’indifférence. Willie est en grande partie silencieux et ne répond que rarement à Winnie. Malgré cela, elle continue de lui parler et de lui poser des questions, cherchant son attention et sa compagnie. Elle cherche à combler sa solitude par tous les moyens possibles. En effet, son personnage montre la capacité de l’être humain à s’accrocher à la vie et à l’espoir, même dans les situations les plus désespérées. Elle est le cœur de la pièce. Sa voix est le moteur de l’action. Elle peut être considérée comme un symbole de l’optimisme et de la persévérance, ainsi que de la futilité de la condition humaine. Sa situation reflète l’absurdité de la vie et les limites imposées aux individus. Elle représente aussi la lutte pour communiquer et maintenir des relations dans un monde isolé et aliéné. Coûte que coûte, Winnie tente de s’accrocher à la vie durant toute la pièce.

Willie est un homme d’une soixantaine d’années vêtu d’un costume élégant. Il est plutôt en retrait par rapport à Winnie. C’est un personnage silencieux et peu communicatif. Il semble largement indifférent à la situation de Winnie et à ses tentatives de conversation. Il passe la majeure partie de la pièce à lire des magazines, à se reposer ou à effectuer des tâches triviales. La relation qu’il nourrit avec sa femme, Winnie, est empreinte d’indifférence et d’incompréhension. Bien que Winnie essaie de communiquer avec lui, Willie ne répond que rarement, quand il le fait, ce n’est que de manière brève. Willie incarne la passivité et l’indifférence face à l’absurdité de la vie et la solitude. Contrairement à Winnie, il ne cherche pas activement à donner un sens à sa situation ou à trouver du réconfort dans les petits rituels. Si Winnie n’était pas présente pour rappeler qu’il est là, il serait presqu’inexistant. Sa présence souligne l’échec de la communication et l’isolement dans un monde où les individus sont éloignés les uns des autres, même lorsqu’ils sont physiquement proches. En symbolisant l’apathie, il se laisse complètement aller. Il a fait le choix de capituler et de ne pas se battre.

Analyse de l’oeuvre

Dans Oh les beaux jours, on retrouve Winnie et Willie, deux personnages symbolisant la solitude malgré le fait qu’ils soient tous les deux ensembles. La pièce aborde des thèmes tels que le temps, l’absurdité de la condition humaine ou encore l’action face à l’inaction. Winnie, de confession chrétienne, est représentée comme un oiseau captif rêvant de s’envoler librement. Le langage utilisé dans cette œuvre de Beckett, tout comme ses autres pièces, est en crise, illustrant l’absurdité caractérisée par un éternel recommencement et une répétition inlassable des mêmes actions. Cette crise du langage est observable grâce aux nombreuses didascalies qui surpassent les répliques, soulignant le rôle crucial du mime pour exprimer ce que les mots ne peuvent pas. Attardons-nous sur les différentes thématiques abordées par Samuel Beckett.

Les thématiques abordées

Le temps et la routine

La pièce explore la notion du temps qui passe et la répétition des actions quotidiennes. Consciente du temps qui passe, les journées de Winnie sont rythmées par des rituels et des habitudes, qui lui donnent un semblant de structure dans un monde absurde. Le temps qui passe est également marqué par le fait que Winnie s’enfonce progressivement dans le monticule de terre au fil de la pièce. Cela peut s’apparenter à un sablier qui se remplit au fur et à mesure que le temps passe. “Oh, cette vieille chose, le temps, les jours et les nuits, les années et les saisons, les saisons et les années” montre que Winnie tente, coûte que coûte, de donner un sens à sa vie en se concentrant sur les changements temporels et les routines quotidiennes.

L’absurdité de la condition humaine

La pièce met en lumière l’absurdité de l’existence humaine en plaçant les personnages, en particulier Winnie, dans des situations dénuées de sens et apparemment sans issue. Le fait que Winnie soit enterrée jusqu’à la taille dans un monticule de terre sans raison apparente illustre cette absurdité. De plus, dans le deuxième acte, elle est encore plus profondément enfouie. En effet, elle est enterrée jusqu’au cou ce qui renforce le caractère absurde de sa situation. Le “Encore un jour heureux” de Winnie montre comment elle tente d’accepter et de donner un sens à sa situation absurde en la qualifiant d'”heureuse“, malgré les circonstances. Il est également intéressant de mettre en lumière le titre de la pièce : “Oh les Beaux jours” qui, au vu du contenu de la pièce, renforce cette situation absurde.

La communication et l’isolement

La communication entre les personnages est un aspect central de la pièce. Elle illustre la difficulté de créer des liens authentiques dans un monde aliéné. Winnie tente continuellement de dialoguer avec Willie, mais ses efforts sont souvent infructueux. Celui-ci répond rarement, et lorsqu’il le fait, ce n’est que d’une manière brève. Cette absence de communication souligne leur isolement mutuel. Lorsque Winnie demande à Willie de parler ou de chanter, il ne répond généralement pas. Sans Winnie, Willie n’existerait presque pas et serait même plutôt invisible dans la pièce. En effet, la plupart du temps, elle ne reçoit aucune réponse de la part de Willie.

L’action face à l’inaction

La persévérance et l’optimisme

Le personnage de Winnie représente la résilience et l’optimisme face à l’adversité. Malgré sa situation désespérée, elle s’accroche aux petits rituels quotidiens pour donner un sens à sa vie et maintenir une certaine normalité. Elle se coiffe, se maquille, vérifie le contenu de son sac à main et se réjouit des choses simples de la vie. “Quelque chose pour se tenir occupée, voilà ce qu’il faut. Se tenir occupée, ne pas perdre courage, c’est ça la règle” illustre à quel point elle est déterminée à rester active et optimiste, même face à sa situation qui, apparemment, est sans espoir. Elle refuse de s’estomper, elle ne veut pas disparaître. Si elle s’adresse autant à Willie, c’est avant tout pour s’assurer d’être vivante.

La passivité et l’indifférence

Contrairement à Winnie qui symbolise la persévérance, le personnage de Willie illustre la passivité et l’indifférence face à l’absurdité de la vie. Il ne cherche pas à donner un sens à sa situation ou à communiquer avec sa femme. Willie reste en retrait, lisant des magazines et se reposant, sans se soucier de la détresse de Winnie. Si cette dernière n’était pas présente pour nous rappeler sa présence, on en viendrait presque à l’oublier tant sa présence est presqu’inexistante.

Le contraste entre la persévérance de Winnie et l’indifférence de Willie souligne les différentes manières dont les individus peuvent faire face à des situations désespérées. Tandis que Winnie cherche du réconfort tant en discutant avec Willie, en se parlant à elle-même ou lors de ses rituels quotidiens, Willie incarne l’apathie et la passivité face à l’absurdité de la condition humaine. En cherchant à vivre, Winnie lutte contre la mort. Elle se raccroche du mieux qu’elle peut à tout ce qui la raccroche à la vie. La juxtaposition de ces deux attitudes met en évidence les défis existentiels auxquels sont confrontés les personnages et, par extension, le public.

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