Littérature

Stefan Zweig, La Confusion des Sentiments : résumé, personnages et analyse

Face initiale de la revue analytique de La Confusion des Sentiments de Stefan Zweig comportant une synthèse, une liste des rôles, et une évaluation.
Ecrit par Les Résumés

Souvent sous-titrée “Notes intimes du professeur R de D”, La Confusion des Sentiments est une longue nouvelle du 20ème siècle dans laquelle Stefan Zweig, un auteur autrichien, choisit un sujet tabou dans le premier tiers de ce XXe siècle. Résumé, Présentation des personnages, analyse de l’œuvre, perçons à jour les mystères de cette nouvelle publiée en 1927.

Résumé détaillé de La Confusion des Sentiments de Stefan Zweig

Un nom qui manque

À l’occasion de son soixantième anniversaire, un professeur de philosophie, du nom de Roland, se voit recevoir un livre d’hommage, par ses étudiants et ses collègues, qui retrace tous ses écrits ainsi que tous ses travaux. Après avoir feuilleté les quelque deux cents pages du document, il se rend compte que quelque chose manque. Bien que ce livre parle de lui, il lui manque une partie essentielle : “Il [le] décrit, mais sans parvenir jusqu’à [son] être.”.

En consultant les deux cents noms mentionnés à l’index, il se rend compte qu’il manque une personne importante, celui qui lui a “appris la parole”. Il décide de se remémorer sa jeunesse pour rendre hommage à cet homme qui a eu un rôle déterminant dans sa vie.
Bien que ce livre parte d’une bonne intention, il prend conscience qu’ils ne peuvent pas connaître le noyau de son être puisqu’ils prennent un mauvais départ. Il prend l’exemple d’un camarade de classe, qui Conseiller Honoraire tout comme lui, le décrit comme un amoureux des belles lettres alors qu’il n’était pas comme ça au départ. En effet, son père prônait la littérature classique et Roland, quant à lui, méprisait les livres. Il haïssait l’écriture.

Ayant du mal à arriver jusqu’au baccalauréat, il est poussé par son père à suivre des cours à l’Université. Ensemble, ils trouvent un compromis et Roland accepte d’aller à l’Université s’il étudie l’anglais au lieu de la philologie classique.

Un semestre loin des salles de cours

En arrivant à l’Université, Roland retrouve tout l’univers qu’il méprise. Toutefois, ses premiers mois à l’Université lui donnent l’occasion d’apprécier Berlin. Il se plaît tant à s’aventurer dans cette ville qu’il en oublie ses études. Durant des mois, ils s’attellent à chasser les femmes. Conquête sur conquête, il passe une grande partie de son temps dans les cafés à se conforter dans la fainéantise. Aujourd’hui, avec le recul, il se rend compte à quel point il a perdu du temps durant ces premiers mois. Il aurait pu devenir une tout autre personne si le hasard ne lui avait pas donné un coup de pouce.

Ce hasard, que Roland qualifie d’heureux, voulu que son père soit appelé à l’improviste à Berlin. Il se rend chez son fils sans l’avertir. À ce moment, Roland est occupé avec une jeune femme. Il entend quelqu’un qui frappe plusieurs fois à la porte, il se met à ouvrir la porte, prêt à injurier le malheureux et tombe nez-à-nez avec son père. Honteux, il lui demande d’attendre. Il demande à la jeune femme de partir et il range un peu sa chambre avant de faire entrer son père. Ce dernier, après être resté silencieux et regardé les quelques pages de notes qu’il avait prises quand il avait suivi les cours, lui pose cette simple question : “Eh bien ! Qu’est-ce que tu penses de tout cela ? Qu’en résultera-t-il ?”. Une simple question qui bouleversa complètement Roland, alors âgé de 19 ans. Son père lui conseille de quitter Berlin et d’étudier dans une Université plus petite. Ce jour-là, quelque chose change chez Roland. Il se décide à travailler et à être sérieux pour de bon.

Le début de la transformation

Comme convenu avec son père, Roland passe le second semestre dans une petite ville de province dans le centre de l’Allemagne. Il s’inscrit rapidement et se met à visiter la ville avant d’aller retrouver son professeur de philologie anglaise à quatre heures. Roland frappe à la porte et entre. En arrivant dans la pièce, il voit son professeur et d’autres élèves, ces derniers ne remarquent pas sa présence. Il décide de rester et de les observer. Il se retrouve comme aspiré par ce professeur qui sait comment captiver ses élèves. Sans s’en rendre compte, il s’approche de plus en plus pour mieux écouter le professeur. Il vient pour la première fois d’être séduit par un maître.

À la fin du cours, Roland se dirige vers le professeur pour s’inscrire à son cours. N’ayant pas beaucoup de temps à lui consacrer, ce dernier lui demande de l’attendre au portail pour qu’il le raccompagne jusqu’à chez lui afin qu’il connaisse les motivations de son élève.

En attendant le professeur au portail, Roland est mal à l’aise. Il ne sait pas comment lui expliquer son manque de sérieux lors du premier semestre. Lorsque le professeur arrive, son malaise disparaît. Sur la route, ils apprennent à se connaître. En sachant que Roland n’a pas encore de chambre, il lui conseille d’aller voir la vieille dame dans sa maison qui a l’habitude de louer une chambre.

Roland loue la chambre de la vieille dame, heureux d’habiter au-dessus de son “maître”. Cette nuit-là, il se met à lire du Shakespeare, emporté par les mots et captivé par les vers.

L’élève qui voulut impressionner le “maître”

Le lendemain, il arrive parmi les premiers élèves dans la salle de cours. Quand il voit arriver son “maître”, il a du mal à le reconnaître. Il a l’impression que ce n’est plus le même homme. Il se demande où est passé cet homme, qui hier, le captivait. À la fin du cours, il décide d’en apprendre plus sur son professeur. En demandant les ouvrages qu’il a écrit, il s’étonne de voir les maigres ouvrages de son “maître”. Croyant avoir été désabusé, il “revoit” enfin son maître, cet homme qu’il avait vu la veille, lorsqu’il se retrouve dans son séminaire. Roland comprend alors que le professeur n’est pas adepte des cours magistraux. Lors des cours, le professeur s’approche de Roland et lui rappelle qu’il doit aller chez lui ce soir.
Comme convenu, à la fin de la journée, Roland se rend chez son professeur. Il lui explique que son premier semestre a été catastrophique, la visite inattendue de son père et la promesse qu’il s’est faite à lui-même, celle de travailler. Le professeur se confie à Roland, lui aussi avait mal commencé son parcours scolaire, ce n’est que sur le tard qu’il trouva sa vocation. Le professeur lui assure qu’il sera présent pour l’accompagner et qu’il peut compter sur lui pour l’aider dans ses démarches. Roland est ému. Jamais il n’a eu à faire à ce genre d’homme. Durant les deux semaines qui suivirent, Roland se mit en quête de lire, d’apprendre tout ce qu’il pouvait. Si son “maître” se mettait à parler d’un auteur qu’il ne connaissait pas, il faisait tout pour le connaître. Très vite, Roland se rapproche de son professeur. Le soir, il passe de longs moments à discuter littérature. Roland rentre peu à peu dans l’intimité de son “maître” et apprend qu’il a une femme, mais celle-ci n’interrompt jamais leur entretien.

Une rencontre inattendue

Comme le lui avait averti son professeur, Roland se met à avoir la force de travail qui se brise. Il décide de faire une pause. Le matin, il en profite pour visiter la ville. L’après-midi, il en profite pour aller nager. C’est pour lui un réel plaisir et il s’y sent tellement bien. Pendant qu’il nage, il tombe sur une femme. Son côté chasseur, qui, jusque-là était endormi, revient à la charge. Il lui propose de la raccompagner. Elle accepte. Très vite, il se rend compte que c’est la femme de son “maître”. Il se sent honteux. Durant toutes les heures qui le séparent de son entretien avec son professeur, il ne cesse d’imaginer cette femme révéler à son mari ce qu’il s’est passé. Quand il arrive chez son maître ce soir-là, Roland est mal à l’aise. Face à l’incompréhension de son professeur, Roland comprend que la femme n’a rien dit à son mari.
Roland commence à entrer encore plus dans l’intimité de son “maître”. Il se rend compte que son couple est très particulier. En effet, ils sont assez froids l’un envers l’autre. En constatant que leur univers est très différent, il se demande comment ils ont pu se mettre ensemble. Progressivement, Roland se rapproche de la femme de son maître. Avec ce dernier, il discute de philologie anglaise tandis qu’avec son épouse, il parle de chose un peu plus distrayante.

Mais quel lourd secret cache-t-il ?

En examinant son “maître” avec minutie, Roland prend conscience qu’il porte en lui une certaine souffrance dont il ne connaît pas la cause. Il apprend également qu’il a pour habitude de s’absenter pendant plusieurs jours sans donner aucune explication. En demandant à son professeur les raisons qui l’on poussait à ne pas continuer son ouvrage, celui-ci lui explique qu’il est trop vieux pour cela. Roland décide alors de retranscrire les paroles de son “maître” pour qu’ils puissent, ensemble, terminer son ouvrage. Plus il se rapproche de son professeur, plus les autres élèves et les autres professeurs sont apathiques avec lui. Roland passe de longues semaines à tirer sur la corde. Il n’a aucun moment de répit et ne vit que dans son monde intellect. La femme de son “maître” est la première à constater qu’il ne va pas bien. Elle lui conseille d’arrêter de prendre son mari pour exemple, lui expliquant que son époux est “vieux” et que lui est jeune et qu’il doit donc profiter de la vie. Elle lui recommande de s’éloigner de son mari prétextant qu’il finira par lui “démolir les nerfs”. En effet, son “maître” ne lui rend pas la vie facile, il souffle le chaud et le froid et lui en demande beaucoup. Toutes les fois où son professeur le repousse, Roland prend conscience qu’il se rapproche de plus en plus de son épouse. Il se rend compte que celle-ci lui dissimule un secret. Peut-être le même secret qui cause autant de souffrances à son maître.

À deux doigts de connaître le secret

Un soir, le professeur fait remarquer à son “disciple”, que la première partie de l’ouvrage est terminée. Pour fêter ça, il décide de boire un verre. Roland part chercher un tire-bouchon, il se rend compte que la femme de son professeur les épie. Lorsqu’il retourne près de son “maître”, celui-ci se met à le tutoyer et il souhaite lui raconter sa jeunesse. Sachant que sa femme les épie, il prétexte qu’il est fatigué et regagne sa chambre. Un peu plus tard, le professeur se rend dans la chambre de son “disciple” et lui explique qu’il est malvenu qu’ils se tutoient. Puis il redescend. Roland ne comprend pas pourquoi son professeur le malmène de la sorte. Le lendemain, il n’ose pas descendre. La femme du professeur l’appelle pour le déjeuner et lui apprend que son mari a pris le train ce matin sans lui dire où il allait, comme à son habitude. Voyant le désarroi de son ami, la femme du professeur l’invite à l’excursion qu’elle doit faire avec un certain professeur W… ainsi que sa fiancée le lendemain.
Durant l’après-midi, Roland sort en ville et se met à agir de façon puérile, sa folle conduite arrive jusqu’aux oreilles de la femme du professeur. L’excursion se passe agréablement bien entre course de canots et concours de baignade. À un moment, Roland est convié à venir avec les autres, mais il préfère rester seul un instant. La femme du professeur vient le chercher et lui demande d’obéir sur le ton de l’amusement. Roland se dirige vers elle et dans leur lutte, elle finit par se trouver nue devant le jeune homme. Confus, Roland retourne voir le couple.

Les aveux

La femme du professeur et Roland finissent par coucher ensemble. Avec cet adultère, Roland décide de prendre la fuite. C’est à ce moment que le professeur revient. Pensant que son secret lui a été révélé, il comprend que Roland veuille partir toutefois, il lui demande de lui rendre visite une dernière fois.
Le professeur demande à Roland les raisons qui le poussent à partir. En apprenant qu’il a couché avec sa femme, cela ne lui fait absolument rien. Il lui précise qu’elle a le droit de “prendre qui lui plaît”. Et il comprend qu’elle l’ait choisie. Le professeur avoue son secret inavouable à son “disciple”, il est homosexuel et il tente, par tous les moyens possibles, de réfréner cette particularité qui fait de lui un homme pas comme les autres. Cela lui est beaucoup plus difficile lorsque Roland est présent, car il est amoureux de lui. Il lui avoue que son mariage n’était qu’un moyen d’échapper à son orientation sexuelle, mais cette démarche fut vaine. Très vite, il a abandonné sa femme et son mariage n’est devenu qu’une façade.
Cet entretien est le dernier moment où Roland voit le professeur, qui après cet aveu, embrasse son “disciple” pour lui dire adieu définitivement.

Présentation des personnages

Roland est un jeune, plutôt bon garçon, de 19 ans qui n’a jamais apprécié la littérature. Son premier semestre à l’Université se passe à Berlin, profitant des petits plaisirs simples de la vie, loin des salles de cours. Pris sur le fait par son père, il se trouve honteux. Il se promet de travailler. Au second semestre, il rencontre un professeur de philologie anglaise qui marquera un tournant décisif dans son avenir.

Le professeur ou le “maître” est un homme à double facette. Tantôt il est jeune et plein de fougue, tantôt, il fait vieux et paraît souffrir. Cette souffrance dissimule un lourd secret. En effet, le professeur est homosexuel. Toute sa vie, il s’est battu, en vain, pour réfréner ses envies. Il est amoureux de Roland.

L’épouse du professeur est une femme, d’une trentaine d’année, piégée dans un mariage qu’elle subit. Elle connaît le secret de son mari. Plusieurs fois, elle tente de mettre Roland en garde, cependant, elle ne révélera jamais le secret de l’homme qu’elle a épousé. Elle souffre aussi de la situation, elle est en ménage avec un homme qui ne l’aimera jamais. À la différence de son mari qui ne pense qu’aux choses philologiques, la femme du professeur est beaucoup plus terre-à-terre, jouissant des petits simples de la vie. Cette épicurienne profite de sa vie à sa guise tout en étant une parfaite maîtresse de maison. Progressivement, elle se rapproche de Roland et ils finissent par coucher ensemble.

Analyse de l’œuvre

Dans ce récit, Zweig tente de démontrer l’importance des secrets. Durant tout le roman, l’homosexualité du professeur est suggérée, mais sous le regard naïf de Roland, le lecteur n’en prend pas conscience de suite. En effet, les railleries des professeurs, l’apathie de ses camarades de classe ne sont pas dues à la jalousie, comme le suggère Roland. Elles sont dues à un jugement : ils pensent tous que Roland est également homosexuel et que leurs rapprochements entre lui et son professeur ne sont pas des liens étudiants-professeurs.

Pourtant, tout au long du récit, Roland sent bien que le professeur dissimule un secret. Un secret qui est la source de toutes ses souffrances toutefois, bien qu’en tentant de rentrer dans l’intimité de son professeur, il n’arrive pas à comprendre le mystère qui l’entoure. À cette douleur cachée, Zweig écrit “Rien ne touche aussi puissamment l’esprit d’un jeune homme qu’une douleur grave et virile. Dans l’excès de ses forces vives, la jeunesse aspire au tragique, et elle permet volontiers à la mélancolie de sucer doucement son sang encore novice. De là vient aussi que la jeunesse est éternellement prête pour le danger et qu’elle tend, en esprit, une main fraternelle à chaque souffrance”.

Dans La Confusion des sentiments, l’attirance, bien qu’elle soit réciproque, est vécu différemment en fonction des personnages. Nous avons d’une part, l’attirance de Roland pour son professeur, il voit en lui un “maître”, un mentor qui réveille en lui tout ce qui, jadis, dormait paisiblement. Grâce à ce mentor, Roland réussit à aimer ce qu’il détestait quand il était jeune : la littérature. Le professeur quant à lui a une attirance plus perverse pour son “disciple”. Nous pouvons peut-être nous dire que c’est pour cette raison que le professeur ne cesse de parler de choses philologiques avec Roland. Il ne veut pas que ce dernier puisse apercevoir cette attirance douloureuse et violente qu’il éprouve pour lui.

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