Résumé de La Morte amoureuse de Théophile Gautier
Romuald, le narrateur, est sur le point de passer son sacre et devenir prêtre. Il ne s’intéresse pas aux femmes à l’origine, jusqu’à faire la rencontre de Clarimonde dans une Église, une courtisane qui le bouleverse.
Il se fait néanmoins sacré prêtre et va vivre sa vocation dans une cure isolée du reste du village. Il est contacté plus tard, en vertu de son statut de prêtre, pour venir au chevet de Clarimonde, qui est mourante. Lorsqu’il arrive celle-ci est déjà morte.
L’évêque Sérapion vient apprendre à Romuald que la courtisane est morte des suites d’une orgie qui a duré 8 jours. Il met aussi en garde Romuald, car Sérapion a compris l’attrait irrésistible qu’exerce Clarimonde sur Romuald. Il indique aussi que Clarimonde est déjà morte puis ressuscitée. Clarimonde reprend vit en effet. Ils vivent ensemble par la suite et sont très amoureux. La santé de Clarimonde dépérit à nouveau, et, alors qu’elle est malade, le narrateur se coupe et une goutte rejaillit sur Clarimonde. Celle-ci boit le sang du narrateur et reprend vie. Elle est à la fois morte et enterrée, et vit une existence parallèle avec le narrateur.
Présentation des personnages
Le narrateur
Le narrateur est un jeune homme qui, depuis la plus tendre enfance, souhaite devenir prêtre. Il fait la rencontre de Clarimonde et cela va bouleverser tout ce qui était solide pour lui auparavant.
Sérapion
Abbé au dessus de Romuald dans la hiérarchie cléricale
Clarimonde
Courtisane d’une très grande beauté
Analyse de l’œuvre
I. La psyché du narrateur
La sobriété liée à la vocation qu’il a choisie, qu’il chérissait le jour, lui apparaît comme empoisonnante et austère depuis sa rencontre avec Clarimonde. Il est possible de percevoir cela dans le changement de son vocabulaire.
A l’origine, le narrateur embrasse la profession de Prêtre avec une joie immense. Le champs lexical du bonheur est présent, avec ce qu’il comporte de biblique. Lors du jour de son sacre, il se décrit comme ” proche de l’extase “, ” si léger qu’il a l’impression d’avoir des aîles “.
Depuis sa rencontre avec Clarimonde, et lorsque Sérapion l’emmène vers sa cure pour se retrancher en tant que prêtre, le regard du narrateur sur son environnement change. Le long du trajet le menant jusqu’à la cure, les campagnes sont ” assez tristes “, les rues ” tortueuses “, la façade de l’Église ” pas d’une grande magnificience “.
Cette description contraste avec le faste qui caractérise le Palais de Concini, décrit comme ” blond et doré “, sous un rayon de soleil, et pourvu de tourelles, plate-formes, croisées, et girouettes et queue d’arondes. Le Palais apparaît donc comme pourvu d’artifices, rayonnant, un peu à l’image de Clarimonde. Le palais tranche complètement avec la ” maison d’une simplicité extrême ” dans laquelle se rendent Sérapion et le narrateur. Cet endroit n’est pourtant pas dénué d’une certaine joie. Le chien ressent une satisfaction extrême lorsqu’il est caressé par la gouvernante, et celle-ci, à l’origine employée de l’ancien curée, est transportée par la joie lorsque le narrateur l’informe qu’il la garde à son service.
Au fil de la nouvelle, il est possible de constater que le narrateur subit une sorte de ” dissonnance “, de ” dédoublement “, entre sa qualité de prêtre et sa qualité d’homme amoureux de Clarimonde et donc libertin de fait. Le narrateur décrit qu’il ne sait pas distinguer ” où commence la réalité et où finit l’illusion. “, comme si il était plongé dans une dimension si irréelle qu’il n’est plus capable de reconnaître le tangible de l’intangible, mais sans basculer dans la folie. Le narrateur décrit une sorte de duplicité entre son existence de prêtre et son existence en tant qu’amant de Clarimonde, en tenant les deux résolument séparées, mais en étant conscient qu’il était le même homme dans les deux cas.
Lorsqu’il s’avère que Clarimonde est une créature vampirique, le narrateur, qui l’aime éperdument, décide d’en prendre son partie et la laisse boire son sang. Il aime tant Clarimonde qu’il trouve son compte dans cette situation. La seule ombre au tableau sont ses remords en tant que prêtre. Romuald est, en effet, rongé par les remords. Il est écartelé entre son amour pour Clarimonde et sa vocation initiale en temps que prêtre. Il a beau séparer nettement ces deux existences distinctes, une part de lui sait que ce n’est pas compatible. Sérapion joue le rôle de témoin : il sait ce qu’il se passe, en averti Romuald, ainsi le prêtre ne peut pas se cacher. Quand bien même Romuald serait plongé dans un profond déni de réalité, et arriverais à conjuguer par ce moyen ses deux conditions de prêtre et d’amant, le personnage qu’incarne Sérapion lui rappellera toujours qu’il est en train de condamner son âme. Non seulement il condamne son âme, mais sa vie terrestre est aussi compromise car il fait l’expérience du remord, de la duplicité, et d’une forme d’obsession amoureuse souffrante. En ce sens, il est déjà en enfer et c’est l’enfer qui l’attend après. C’est ce que Sérapion tente de lui faire comprendre.
II. La figure de Clarimonde : entre l’ange et le démon
Même le prénom de Clarimonde est ambigûe : on retrouve la luminosité ” clar “, qui cohabite avec ” imonde “, qui peut évoquer ” l’immonde “, il y a un aspect contrastant et troublant. Cela se retrouve d’ailleurs lorsque le narrateur se demande si ” elle est un ange ou un démon “.
Au départ, le narrateur ne sait pas si Clarimonde est une courtisane ou non, et il indique clairement qu’il est tant subjugué par elle, que cette information lui importe peu. Il apprend ensuite qu’elle est en effet courtisane, ce qui accentue l’idée de tentation du diable qui s’émane d’elle. En effet, des millénaires de littérature font cohabiter la figure de la vierge en contraste avec celle de la putain. Lorsque l’homme inconnu fait vernir Romuald, c’est en sa qualité de prêtre que ce dernier est choisi car l’enjeu est de sauver l’âme de Clarimonde. Il est malheureusement trop tard et lorsque Romuald arrive, celle-ci est déja décédée. Lorsque le prêtre ne peut céder à la tentation d’embrasser Clarimonde, elle se réveille et lui rend son baiser. Il s’évanouit et, de retour à sa cure 3 jours après, se demande si il a rêvé toute cette aventure ou non.
Clarimonde revêt également un aspect angélique : du fait de sa forte beauté, le narrateur exprime plusieurs fois le fait qu’on ne peut lui prêter un aspect diabolique. On ignore si il s’agit d’une réalité décrire pour le roman ou d’une apparition, mais plus tard, Romuald voit très nettement Clarimonde après sa mort et elle est revêtue de son linceul blanc éclatant, représentant la pureté. En sous-texte, il est possible de comprendre que Clarimonde revient des enfers, ou en tous cas d’un endroit qu’elle décrit comme ” sans lumière, sans ombre, rien que de l’espace “, et où elle a vu de nombreuses choses difficiles. Le narrateur est complètement obnubilée par elle et accepte de la suivre où celle-ci veut. Ils sont emmenés en voyage par un carrosse conduit par des ” chevaux qui devaient être fécondés par Zéphir ” car ils sont très rapides, l’environnement dans lequel le narrateur voyage avec Clarimonde est teinté de féérie. Il décrit qu’au bras de Clarimonde, ” il n’avais jamais éprouvé un bonheur aussi vif. ” Il indique que ” Clarimonde entendait la vie d’une grande manière, et elle avait un peu de Cléopâtre dans sa nature. ” Clarimonde est ainsi comparée à Cléopatre, qui est connue pour avoir exercé un pouvoir fort sur le coeur de César et a donc joué un rôle dans le cours de l’histoire.
Le narrateur se dit fou amoureux de Clarimonde et détaille les raisons de ses sentiments pour elle. Il la décrit comme ” caméléon “, capable de prendre le caractère et l’apparence d’autres femmes qui aurait pu être le genre du narrateur, faisant cesser en lui toute envie de la tromper. L’amour que ressent Romuald pour Clarimonde passe énormément par l’apparence de celle-ci, qu’il détaille abondamment. A part le fait que cette dernière soit changeante et incarne plusieurs femmes en une seule, ce qui détournerait l’attention du narrateur vers d’autres femmes, aucun trait de sa personnalité n’est décrit. On peut constater que le prêtre aime essentiellement avec ses yeux et ses sens.
Lors de la scène où Clairmonde reprend vie alors qu’elle dépérit, lorsqu’elle boit le sang du narrateur, Clarimonde est comparée à un serpent. On le comprend en sous-texte, car ses prunelles passent de rondes à ” oblongues “. La comparaison avec le serpent est encore une référence biblique puisque le serpent représente le mal dans la Génèse.
Au final, Clarimonde est une créature proche du vampire car elle suce le sang du narrateur afin de rester en vie.
III – Le prétendu mal, conjuré par l’évêque Sérapion
L’évêque Sérapion s’inquiète tout au long de l’oeuvre sur l’emprise qu’exerce Clarimonde sur le narrateur. Celui-ci est très heureux avec cette dernière, mais il est dévoré par les remords car il ne peut ignorer qu’à l’origine, il est prêtre et pas libertin. Il a donc fait un voeu de chasteté et ne peut vivre dans l’amour et la luxure avec une femme. Clarimonde est à la fois en vie, à la fois morte et enterrée. Sérapion décide donc d’employer les grands moyens en décidant d’ouvrir, accomapgné de Romuald, la tombe de Clarimonde pour désenchanter à jamais l’objet de l’amour de Romuald. Il répond de l’eau bénite sur le cadavre de Clarimonde et celle-ci disparaît en poussière et en os calcinés. Le ” sort d’amour ” est rompu. Romuald retrouve une forme de tranquillité d’esprit mais l’obsession de cesse pas complètement car il regrette Clarimonde pour toujours.
Il est possible d’imaginer que le narrateur a souhaité nous faire comprendre que le temps, la décrépitude des corps et la mort triomphent sur l’amour, mais qu’il en reste toujours quelque chose puisque Romuald regrette à vie sa Clarimonde.
Cette nouvelle s’inscrit dans la tradition selon laquelle les femmes sont considérées comme dangereuses et peuvent détourner de la vertu, du droit chemin. Ainsi, Clarimonde est perçue à la fois comme un ange à la fois comme une femme fatale. Le narrateur donne une morale claire en disant qu’il ne faut pas poser ses yeux sur une femme au risque de perdre sa tranquillité d’esprit. On ne sait pas si c’est le réel message qu’il souhaitait passé ou si c’était pour lui une nécessité d’apporter à la nouvelle une morale chrétienne.
La nouvelle du XIXe siècle apparaît comme étant une mise en garde contre la dépendance que peut engendrer les états amoureux. C’est Clarimonde qui a connu l’issue la plus funeste, contrairement au narrateur qui, malgré sa souffrance, vit encore et a retrouv&é sa tranquillité d’esprit. On comprend bien qu’au bout du compte, il s’agit d’une nouvelle qui invite les hommes à se prioriser, et non pas l’illustration d’un amour très pur et généreux, sinon Clarimonde aurait peut-être connue une meilleure fin.