Sous-titrée “La Tapisserie amoureuse, histoire rococo”, Omphale est une nouvelle fantastique écrite par Théophile Gautier, un auteur français, qui se met lui-même en scène dans cette histoire à mi-chemin entre le romantique et le fantastique. La nouvelle a été publiée en 1834 pour la première fois. Résumé détaillé, présentation des personnages, analyse de la nouvelle, examinons ensemble cette œuvre du 19e siècle.
Résumé détaillé d’Omphale de Théophile Gautier
La demeure du chevalier de ***
Alors qu’il vient tout juste de terminer ses études au Collège, Théophile Gautier part vivre chez son Oncle, le Chevalier de *** en attendant de trouver une profession. Si celui-ci aurait pu savoir que son neveu voulait faire le métier d’écrivain, il ne l’aurait pas accepté chez lui et l’aurait sans doute déshérité car il méprisait la littérature classique.
Théophile Gautier se remémore de l’endroit où il a vécu chez son oncle, une habitation placée entre la rue des Tournelles et le boulevard Saint-Antoine. Elle dispose d’un jardin qui, visiblement, à l’air d’être à l’abandon. Théophile Gautier va séjourner dans le pavillon que son oncle appelle “Délice”. Ironique quand on lit la description de ce taudis.
La tapisserie mythologique
L’intérieur du pavillon, même s’il est à désirer, reste légèrement mieux conservé que l’extérieur. La pièce dispose d’un lit qui est de “lampas jaune à grandes fleurs”, d’une “pendule de rocaille”, des quatres saisons peintes en camaïeu, du portrait d’une des maîtresses de son oncle, d’une tapisserie mythologique représentant Hercule qui file aux pieds d’Omphale, reine de Lydie. Théophile s’attache à nous décrire cette dernière qui, selon sa mémoire, était charmante sur la tapisserie. Une femme aux cheveux blonds cendré à l’”œil de poudre” dont les épaules étaient à moitié couvertes par la peau du Lion de Némée. La reine ayant attiré le regard de Théophile, les autres personnages représentés sur cette tapisserie mythologique ne lui ont pas laissé de grands souvenirs.
Une chambre rien qu’à soi
Du fait de son jeune âge, l’auteur se présente comme quelqu’un de naïf. C’est un jeune et joli garçon de dix-sept ans avec des yeux magnifiques disposant d’une chevelure brune bouclée. Bien que l’atmosphère dans laquelle il réside ne soit pas des plus convenables, il est heureux d’avoir une chambre pour lui tout seul. Il en explorait tous les recoins, il en analysait chaque morceau. Le soir, il soupait chez son oncle et regagnait sa chambre, heureux de pouvoir explorer cet Univers qui n’appartenait qu’à lui. Un soir, alors qu’il regagne sa chambre, il s’aperçoit qu’Omphale a remué la tête. Pendant des jours, il évite de regarder la tapisserie.
Le rêve
Au moment où il se risque à regarder la tapisserie mythologique, il a l’impression qu’Omphale le regarde tristement et langoureusement. Cette nuit-là, il fait un rêve étrange, si tant est que ce soit un rêve. En effet, au beau milieu de la nuit, Théophile est réveillé par les anneaux de son lit qui se mettent à crier. Il voit des ombres sur le plancher. Un gros coup de vent s’abat sur les volets. En voulant voir si tout cela est à cause d’Omphale, il se met à jeter un coup d’œil en direction de la tapisserie. Celle-ci s’agite et Omphale se détache du mur. Elle se met à parler au jeune garçon qui, en voyant la scène, ne se sent pas en sécurité.
La marquise de T***
Omphale tente de rassurer Théophile en lui expliquant qu’il n’a pas à avoir peur d’elle. Elle demande au jeune garçon de l’appeler Madame, car elle n’est pas vraiment Omphale, elle se présente en tant que marquise de T*** et cette tapisserie était un cadeau de son mari pour elle. Elle y est représentée sous les attraits d’Omphale et son mari y figure sous les traits d’Hercule. Elle lui explique qu’elle est heureuse qu’il soit là car elle s’ennuit tellement en présence de son mari. Elle lui confie qu’elle l’observe depuis le début où il est arrivé ici et qu’en voyant qu’il semblait avoir peur d’elle, elle a souhaité se matérialiser. Au moment où elle lui avoue l’amour qu’elle a pour lui, on entend la clé tourner dans la serrure et la marquise de T*** disparaît. Baptiste entre dans la pièce pour venir chercher les habits de Théophile afin de les brosser. Il s’étonne que les rideaux soient ouverts et conseille au jeune garçon de les fermer pour éviter qu’il n’attrape froid. Théophile se demande s’il a vraiment rêvé, car il est sûr de les avoir fermés. Au moment où Baptiste sort de la pièce, il examine minutieusement la tapisserie, celle-ci est tout à fait normale.
Premier amour et première rupture
Durant les jours qui suivent, Théophile n’a qu’une seule hâte, que le jour cède place à la nuit afin de retrouver la marquise de T***. Pendant plusieurs jours, ils vivent une idylle amoureuse. La somnolence de son neveu interroge le chevalier de *** qui une nuit décide d’écouter à la porte. En se rendant compte de la liaison entre Théophile et la marquise de T***, il décide de décrocher la tapisserie et de la monter au grenier. Il renvoie son neveu auprès de ses parents dans la diligence de B***.
À la suite de la mort de son oncle, la maison est vendue. Un jour, alors que Théophile se balade dans un marchand de bric-à-brac, il tombe sur la tapisserie. Heureux en retrouvant la marquise de T***, il décide de l’acheter à hauteur de 400 francs. N’ayant pas cette somme sur lui, il se dépêche de réunir le butin, mais quand il revient auprès du marchand, ce dernier l’a revendu pour 600 francs à un Anglais. Théophile se dit que ce n’est pas une mauvaise chose, car “on dit qu’il ne faut revenir sur ses premiers amours ni aller voir la rose qu’on admiré la veille”. Et puis, il n’est plus ce jeune et joli garçon qu’il a été lorsqu’ils se sont rencontrés, les tapisseries ne descendent plus du mur en son honneur.
Présentation des personnages
Théophile Gautier est le narrateur de cette histoire. Dans cette histoire, c’est un jeune et joli garçon âgé de dix-sept ans. Il a un très beau regard, une chevelure brune et bouclée. Il vient juste de terminer ses études au Collège et son oncle lui a donné une chambre rien qu’à lui dans le Pavillon, que son oncle surnomme “Délice”, dans l’attente qu’il trouve sa voie professionnelle. Du haut de ses dix-sept ans, Théophile est très naïf et pour preuve, il vit dans un taudis, que son oncle lui laisse, et il le voit comme quelque chose de magnifique qui dénote avec la vision d’un Théophile plus âgé qui réalise la description de la maison dans son ensemble. Il est “plein de rêves et d’illusions”. Dans cet épisode, Théophile nous confie sa première histoire d’amour, à moins que ce ne soit qu’un rêve…
La marquise Antoinette de T*** (Omphale) est une femme aux beaux cheveux blonds cendré “avec un oeil de poudre”. Sur la tapisserie, elle est représentée sous les attraits d’Omphale, la reine de Lydie qui a eu pour époux Hercule. Elle a les épaules à moitié recouvertes du Lion de Némée. Elle est chaussée de “cothurnes demi-antiques, lilas tendre, avec un semis de perles.”. Pour Théophile, c’est une femme charmante dont la bouche forme une magnifique petite moue et dont la narine est légèrement gonflée. Elle se présente à Théophile sous son vrai nom et lui révèle son identité. Elle séduit le jeune garçon avec lequel elle passe de longs moments durant la nuit. Elle a promis au chevalier de T*** d’être sage. N’ayant pas respecté sa parole, elle est renvoyée au grenier, séparée de Théophile.
L’oncle de Théophile, le chevalier de T***, est un homme qui vit dans une demeure qui est assez mal entretenue comme nous le révèle la description de son jardin. C’est un homme qui n’apprécie pas la littérature. Nous pouvons penser qu’il a déjà eu à faire à la marquise de T***, car il lui a fait promettre de rester sage. En réalisant qu’elle n’a pas tenu parole, il décide de retirer la tapisserie du mur et de l’envoyer au grenier. Quand il meurt, la maison est vendue ainsi que tous ses biens.
Le Marquis de T*** est le mari de la marquise Antoinette de T***. C’est lui qui a réalisé cette tapisserie destinée à être mis dans les appartements de sa femme. Il est représenté sous les traits d’Hercule bien que, selon la marquise de T***, il ne lui ressemble absolument pas. Il ne voit absolument pas que sa “femme” séduit le jeune Théophile toutefois, même s’il le voyait, la marquise de T*** le décrit comme étant “le plus philosophe et le plus inoffensif du monde.”
Baptiste est le valet qui vient la première nuit où Théophile rencontre la marquise de T***.
Jean est l’ouvrier tapissier de l’oncle de Théophile. C’est lui qui retire la tapisserie mythologique où est la marquise de T*** pour la placer au grenier.
“L’auvergnat” est le marchand de bric-à-brac qui a réussi à avoir la tapisserie. S’il accepte de la vendre à Théophile pour la somme de 400 francs, il est séduit par l’offre alléchante de l’anglais qui la prend pour 600 francs.
Analyse de l’oeuvre
Dans cette nouvelle, nous avons à faire à un joli et jeune garçon, âgé de dix-sept ans, le narrateur lui-même, qui tombe amoureux d’une femme plus âgée, la marquise de T***. L’histoire pourrait être tout à fait banale, mais comme de nombreuses nouvelles de Théophile Gautier, c’est un amour étrange, en dehors du temps et de l’espace. La marquise de T*** est une femme qui, toutes les nuits, sort de sa tapisserie pour initier le jeune garçon aux jeux de l’amour. En tant que lecteur, nous sommes en droit de nous interroger sur la réalité de cette histoire sachant que Théophile se décrit comme un garçon “plein de rêves et d’illusions”. Toutefois, certains signes semblent nous indiquer que, malgré le caractère fantastique de cette histoire, cette idylle pourrait être tout à fait réelle. Les rideaux sont ouverts alors que Théophile est persuadé qu’il “les avait fermés le soir”. La marquise de T*** repart et Théophile ne se réveille pas lorsque Baptiste, le valet, entre dans la pièce. Se pourrait-il qu’il ait fait un rêve éveillé ? Le clou du spectacle est le passage où le chevalier de *** décide de décrocher la tapisserie en disant : “Cette marquise de T*** est vraiment folle ; où diable avait-elle la tête de s’éprendre d’un morveux de cette espèce ? […] elle avait pourtant promis d’être sage !”. Ainsi, on peut se demander si l’oncle de Théophile n’a pas lui aussi eu l’occasion d’avoir une aventure avec la marquise. Ce qui pourrait expliquer qu’il qualifie son neveu de “morveux de cette espèce” et qu’il le congédie, sans aucunes explications, après avoir rangé la tapisserie au grenier, comme s’il fût jaloux de cet amour réciproque entre la marquise et Théophile. Quoi qu’il en soit, l’oncle meurt, emportant avec lui son secret.
Dans cette histoire, Théophile Gautier se sert de la représentation picturale réalisée par le peintre Rubens d’Omphale qui a acheté la servitude d’Hercule pour nous narrer cette nouvelle à la fois romantique et fantastique. Ce récit est ancré dans la réalité, l’histoire se passe à Paris à l’époque où Théophile n’a que dix-sept ans, soit vers l’année 1828. Comme Octavien dans Arria Marcella, Théophile s’éprend d’Omphale qu’il trouve à son goût : “ses beaux cheveux blonds cendrés”, “sa bouche se plissait et faisait une délicieuse petite moue”, “Vraiment elle était charmante !”. Peut-être est-ce l’attirance qu’il éprouve pour cette représentation picturale qui permet à la marquise de T*** de descendre de la tapisserie pour vivre cette idylle amoureuse, tant désirée par ce jeune garçon qui, “pleins de rêves et d’illusions”, s’éprend de l’inanimé et de l’impossible, à la manière d’un Octavien (Arria Marcella) ou d’un Théodore (La cafetière). Tout comme avec les deux personnages susmentionnés, nous ne pouvons qu’être stupéfaits par cette marquise de T***” qui sort de sa tapisserie pour révéler directement son amour à Théophile, comme si elle l’avait attendue toute sa vie. Ayant promis au chevalier de T*** qu’elle serait sage, nous pouvons nous demander si elle n’a pas fait le même coup à l’oncle de Théophile et à bien d’autres hommes avant lui. Dès lors, nous pouvons penser qu’elle ne descendrait de sa peinture que pour jouer à des jeux amoureux envers toute personne qui serait éprise par la beauté qu’elle incarne dans cette représentation picturale.
Dans sa nouvelle Omphale, Théophile Gautier délivre au lecteur une morale : “On dit qu’il ne faut pas revenir sur ses premiers amours ni aller voir la rose qu’on a admirée la veille.”. En effet, cette tirade arrive au moment où Théophile, tout heureux de retrouver enfin cette tapisserie en vente dans un marchand de bric-à-brac, revoit cette femme qu’il a aimée quand il était jeune. En déroulant la tapisserie, il lui semble que “que sa bouche [lui] fit un gracieux sourire et que son œil s’alluma en rencontrant le [sien].”. Mais la tapisserie est rachetée par un Anglais emmenant le “premier amour” de l’auteur. Si le hasard leur a permis de se revoir une “dernière fois”, pour se dire adieu, leur destin ne semble pas lié et Théophile doit donc se concentrer sur sa vie d’adulte en se remémorant cette idylle amoureuse, sans jamais y revenir dessus. Car même s’il avait acheté la tapisserie, serait-elle descendue de sa tapisserie maintenant qu’il n’est plus aussi jeune et joli garçon qu’à l’époque de leur rencontre ?